Chapitre 14 : "Je n'épargne jamais personne."

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- Fais-le, chuchote-t-elle.

Le tambourinement dans sa poitrine s'accélère. Ou peut-être est-ce le mien, je ne sais pas.

Les couleurs, les sons, les odeurs, tout se confond en un chaos incandescent. Son parfum affole mes sens, incendiant un peu plus mon esprit à chaque inspiration. Toutes les cellules de mon corps me hurlent de mordre. D'endiguer définitivement la progression du sang qui circule sous sa peau diaphane.

Ce serait si facile.

Je l'ai fait cent fois. Tuer. Regarder mes victimes s'éteindre et écouter les muscles de leur coeur s'arrêter avec un bruit de pneu crevé. Peu m'importe qu'ils aient une famille, des amis ou des poissons rouges à qui ils manqueront, je ne fais que suivre la logique cruelle du règne animal.

Je suis un meurtrier. C'est un fait, une certitude. Une conviction religieuse. Presque.
J'aime le pouvoir que me confère mon état, cette sensation de puissance qui me place au même rang que les dieux, disposant du droit de vie et de mort sur les mornes existences humaines. Mais je décide uniquement de qui meurt, pas de qui vit.

Parce que je n'épargne jamais personne.

Alors pourquoi est-ce-que je suis soudainement incapable d'agir ?

Déstabilisé, je détache ses doigts qui s'agrippent toujours à mes bras, et qui électrisent ma peau comme un feu d'artifices un jour de fête nationale.

Ses paupières se soulèvent, laissant à nouveau apparaître la teinte si particulière de ses iris dans lesquelles des filaments bleus serpentent au milieu d'un océan de gris.

"C'est fini ?" Demande-t-elle en chuchotant.

- Encore faudrait-il que ça ait commencé, je marmonne.

- Je ne comprends pas, je croyais que tu étais un...

Le nom commun, coincé entre la réalité et le mythe, a du mal à franchir ses lèvres.

- Un vampire, je suggère narquoisement.

- J'ai vu ce que tu lui as fait, réplique-t-elle, piquée au vif, en désignant celui qui m'a servi de repas. Tu ne l'as pas seulement tué. Tu as bu son sang. N'essaye pas de me faire croire que j'ai rêvé, ne t'avise même pas de le suggérer.

Je la regarde s'agiter, emportée par le soulagement d'être vivante et déterminée à me prouver que je suis une de ces créatures surnaturelles qu'on croise dans les romans.

- Je plaide coupable. Mais si ça peut te rassurer son sang avait un arrière-goût affreux. Malheureusement pour lui et tous les êtres humains, c'est ce que les vampires font, ils tuent et mordent. Torturent. Parfois.

- Alors pourquoi est-ce-que je respire encore, s'enquiert-elle sur un ton qui laisse filtrer sa méfiance.

Je ne sais pas.

- Tu es blessée, je prétexte en espérant que ma constatation passera pour une excuse et que ses pensées dériveront vers un sujet moins délicat.

Bien tenté.

Elle effleure sa joue meurtrie d'un geste impatient, maculant sa pommette de trainées rouges avant de revenir aussitôt à la charge.

- Je vois, commente-t-elle avec une moue moqueuse. Tu es le beau et gentil vampire qui vole à la rescousse des pauvres humains ?

- Je ne suis pas gentil, je réponds, froissé par son analyse. Quant au rôle de Superman, certainement pas. Beau par contre, c'est indéniable.

Son rire cristallin tinte, éclairant l'atmosphère et son visage.

Bloody HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant