Chapitre 17 : Dylan (partie 2)

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Une forte odeur de kérosène imprègne les lieux, et je comprends immédiatement pourquoi. La construction ne sert pas de bunker mais de garage. De la taille d'un petit entrepôt, l'endroit ne comporte à première vue qu'une pièce principale où s'entassent sur des rangées et des rangées d'étagères des outils de toutes tailles. Deux motos noires et ruittelantes sont rangées à droite tandis qu'une autre, en pièces détachées, attend au centre d'être réparée.

Je m'approche poussé par la curiosité vers l'un des deux roues flambants neufs. Derrière moi j'entends Paul se présenter, et l'inconnu répondre s'appeler Dan.

- Jolies motos, je lance en me retournant vers lui. Mais nous ne sommes pas intéressés.

Mon entrée en matière ne semble pas lui plaire, sa mâchoire se contracte et il vient se planter devant moi, l'air de vouloir m'assommer avec la clé de 12 qu'il tient dans la main gauche.

- Je me suis un peu renseigné sur vous. Votre réputation vous précède par delà Blue Springs. Arrogant, violent, un goût prononcé pour le meurtre, asocial, cruel, provocateur. On vous trouve plus facilement des ennemis que des amis, et tous s'accordent à dire que vous n'êtes pas quelqu'un de recommandable.

- Et bien, toutes les rumeurs ne sont pas qu'un tissu de mensonges, c'est intéressant. Même si à mon avis "cruel" est un peu excessif. Si c'est pour la fois où j'ai écrasé ce type entre deux conteneurs...

- Écoutez Dan, m'interrompt Paul. Je suis le premier à reconnaitre qu'Alec a une personnalité complexe mais il ne mérite pas la moitié des adjectifs que vous venez de citer. Vous pouvez lui faire confiance.

- Justement, ce n'est pas le cas, rétorque Dan. Et vous n'aurez aucune réponse tant que je ne saurai pas pourquoi vous voulez retrouver cet homme.

C'est à mon tour de me crisper. Je ne suis pas venu pour me justifier ni pour écouter ce vampire amateur de mécanique me faire la morale.

Imperturbable et assuré d'avoir l'avantage, il ne me quitte pas du regard, scrutant mes réactions de son oeil valide.

- Pourquoi je veux le retrouver ne vous regarde pas, tout comme je ne vous demande pas pour quelles raisons vous vivez retranché entre ces murs. Mais avec ou sans votre aide, je le retrouverai, j'ai l'éternité pour le chercher. Si c'est un ami à vous, dites-le lui. Je le retrouverai et je lui ferai payer chaque goutte de sang versée par sa faute. Ensuite je le tuerai pour ce qu'il m'a enlevé.

Une longue minute s'écoule. Je n'ai rien à ajouter de plus, aucune plaidoirie en réserve pour le convaincre qu'un homme bon et sincère se cache derrière le masque de monstre.

- Vous êtes quelqu'un de profondément dangereux, répond-il. Pour les autres et pour vous-même. En réalité, vous représentez précisement le genre de personnes que je fuis, retranché entre mes quatre murs. Mais la vengeance est quelque chose que je comprends et que je respecte.

Il fait volte-face, de sorte que je ne n'aperçois plus que son dos. Mais je l'entends très clairement s'adresser au mur :

"Tu peux venir, Dylan."

Presque aussitôt un craquement discret se fait entendre et une porte, dont les contours se fondent habilement avec le fond de l'atelier, s'ouvre sur un jeune homme. A côté de moi, Paul lâche une exclamation furieuse et je vois ses poings se serrer.

- Qui t'a fait ça, s'insurge-t-il en s'adressant directement au garçon qui vient d'entrer et qui est sans l'ombre doute un vampire.

Je ne partage pas la consternation de mon meilleur ami mais je dois avouer que je suis surpris. Malgré sa taille qui dépasse celle d'un adulte moyen, son allure dégingandé et ses traits juvéniles trahissent sa jeunesse. Il est jeune. Trop jeune.

Si nous ne touchons pas aux enfants, il est presque aussi rare que l'un d'entre nous s'attaque à un adolescent. Ipso facto, il est tout aussi improbable d'en croiser un transformé. Les adolescents sont des êtres émotionnellement et physiquement perturbés, des petites éponges au physique ingrat qui découvrent -ô surprise- que la vie n'est pas un conte de fées. Heureusement pour eux, cette période n'est pas éternelle. Ils entament le deuil de leurs grandes espérances et deviennent adultes. Plus ou moins.

Ça ne sera jamais le cas pour Dylan.

Ses iris brunes papillonnent dans tous les sens, évitant de se poser sur nous avec une obstination touchante, délaissant à Dan le soin de répondre à la question : "Probablement le même qui a mordu Alec." Son ton s'adoucit ensuite et il pose une main sur l'épaule de Dylan. "Tu peux leur dire."

Le geste de Dan parait l'apaiser et quoiqu'encore effrayé, il sort de son mutisme : "C'était un jour d'entrainement. Il n'était pas vraiment tard mais quand je suis sorti, il faisait déjà sombre. J'ai pris le bus comme d'habitude, et j'ai marché. Il y quelques minutes de marche entre l'arrêt de bus et ma maison." Nous explique-t-il avant de s'arrêter pour prendre une brusque inspiration. "Je ne l'ai pas entendu ni vu arriver, j'ai reçu un coup à la nuque et je suis tombé. Il m'en a donné un deuxième quand j'ai essayé de me relever."

- "Il", le reprend Paul, comment sais-tu que c'était un homme ?

- Sa voix...il n'arrêtait pas de parler pendant qu'il...qu'il me...

La violence du souvenir le plonge dans une profonde agitation et tout son corps se met à trembler. J'hésite à le gifler pour le sortir de sa transe mais la présence de Dan m'en dissuade.

- D'accord, on a compris : pendant qu'il te mordait. Qu'est-ce-qu'il disait ?

Il ne fait pas mine de chercher, les mots se déversent hors de sa bouche comme si après l'avoir hanté chaque jour depuis cette nuit là, ils se bousculaient maintenant pour sortir.

- Il disait que c'était nécessaire, que je comprendrais et qu'il reviendrait me chercher. Qu'il reviendrait tous nous chercher.

"Nous ?" Je demande, perplexe.

- Ceux qu'il a transformé.

- J'ai la conviction que Dylan n'a pas été choisi au hasard, argue son protecteur. Celui qui l'a mordu savait qu'il se transformerait.

- Où avez-vous trouvé Dylan, s'enquiert Paul.

- Près de la clôture, le venin commençait tout juste à agir. Je l'ai ramené à l'intérieur et m'en suis occupé comme je le pouvais. Il n'a que seize ans. Je ne pouvais pas le laisser. C'est tout simplement...

"Alec ?" M'appelle soudain Paul et je réalise que je n'écoutais plus. Dylan et Dan me fixent aussi.

J'ai dû raté quelque chose.

- Dylan veut savoir si c'est le même vampire qui t'a transformé ?

- Oui, je réponds. Nous avons le même créateur.

- Qu'est-ce-qu'on va faire ? Il a dit qu'il me retrouverait, il va tous nous retrouver, répète Dylan, et la terreur qui transpire de chaque pore de sa peau ne fait que renforcer ma détermination. Il est si jeune.

Et la solution, si simple.

- On le trouve avant.

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Voilà pour le chapitre 17, j'éspère que les deux parties vous ont plu (ou au moins une des deux!), j'ai mis beaucoup de temps à les écrire (même si ça se voit peut-être pas....!)

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Merci encore à tous ❤️

Elsa. I

P.S : Sache cheesehunter que voulais te dédicacer les parties 1 et 2 mais je galère toujours à le faire avec la tablette. Oui, même au bout de cinq mois sur Wattpad. Bref, le chapitre 17, t'es dédié :D

Bloody HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant