Chapitre 15 : "Il n'est jamais trop tard pour s'amuser"

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Je prends le chemin du retour porté par un sentiment qui me comprime l'estomac de manière désagréable. Plus troublant encore, même le fait de ne croiser aucune âme ne parvient pas à égayer mon humeur. Le silence a beau être sur le podium des choses que je préfère dans la vie -après le son de ma propre voix et le goût du sang- il me parait tout à coup inconfortable. Étouffant.

Et je peux affirmer avec certitude que c'est à cause de cette fille. Une humaine.

Mon ego ne s'en remettra probablement jamais.

L'espèce humaine pourrait se résumer à un éventail de personnalités toutes plus insipides les unes que les autres. Et malgré la certitude des Hommes d'être des êtres imprévisibles et mystérieux, leur psychologie est en réalité aussi complexe à analyser que celle des coccinelles. Selon ce modèle elle aurait du être effrayée à l'idée de mourir, hurler en réalisant que j'étais un vampire et éventuellement, s'évanouir après avoir imploré grâce. C'est ce qu'ils font tous. Quoique pas forcément dans cet ordre là maintenant que j'y pense. Certains supplient puis hurlent puis s'évanouissent.

Mais en aucun cas ils n'acceptent que je les tue comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Ni ne me tiennent tête. C'est insensé, et déstabilisant.

L'explication la plus logique est donc que cette fille souffre de troubles psychologiques sévères. Très sévères.

Ça m'arrangerait.

La perspective d'avoir révélé notre existence à une personne saine d'esprit est nettement moins rassurante. Un tel acte pourrait coûter la vie à de nombreuses personnes. A commencer par la mienne. Surtout la mienne.
J'imagine donc qu'il ne me reste plus qu'à la retrouver et m'assurer qu'elle n'ait pas décidé de faire part de son expérience particulière à qui que ce soit.

Le cas échéant, d'innocents petits humains payeront pour ma négligence.

J'éprouve presque du soulagement en gravissant les marches qui mènent à l'appartement de Paul et Chloé. Retrouver un environnement familier après le déroulement chaotique de cette nuit s'apparenterait pour un peu au paroxysme du bonheur. Glissant la clé dans la serrure, j'ouvre doucement la porte d'entrée.

La lumière du vestibule s'allume aussitôt, transperçant mes pupilles accoutumées à l'obscurité avec la délicatesse d'une lame de rasoir. Un grognement de surprise m'échappe mais je retiens celui d'irritation qui menace en découvrant Katty parfaitement réveillée, la main droite collée à l'interrupteur.

"Où est-ce-que tu étais ?"

Je fronce les sourcils, aussi surpris par son ton inquiet que par son interrogation. Au vu de notre dernier échange, je m'attendais à ce que le semblant de relation établi entre nous ces dernières semaines explose et que désormais son souhait le plus cher soit d'être loin de ma personne, pas à la retrouver dans le rôle de la mère soucieuse. Quelque part, je ne peux pas m'empêcher d'être déçu par ce revirement.

- Parti faire un bowling, je réponds en jetant un oeil aux chiffres qui s'affichent sur l'horloge digitale. 2:36. Il n'est jamais trop tard pour s'amuser après tout.

- J'étais inquiète, souffle-t-elle comme si elle répugnait à l'admettre. Après notre discussion... Enfin, je suis désolée. Je n'aurais pas du réagir comme ça, et encore moins te pousser à révéler quoi que soit sur ta vie.

- Ca n'a pas d'importance, dis-je en faisant mine de la contourner pour pouvoir m'engouffrer dans le couloir mais elle se décale aussi, obstruant délibérément le passage.

- Tu es pardonnée, j'insiste avec le sourire que Ghandi arborait sûrement avant d'être abattu. Vraiment, je veux juste aller dormir.

De longues secondes passent sans qu'elle ne fasse le moindre mouvement pour libérer la place.

- Paul m'a tout raconté, lâche-t-elle finalement avant de poursuivre avec un long monologue que je ne prends pas la peine d'écouter.

Parce que n'ai pas besoin de le faire, je sais exactement ce que Paul lui a dit. Et j'aurais préféré qu'il ne le fasse pas, c'est mon histoire et mon passé, ça ne regarde personne.

Constatant que je ne prête pas attention à elle, Katty hausse brusquement la voix : "Ce n'était pas de ta faute, tu venais juste d'être transformé. Tu ne voulais pas leur faire de mal, c'était un..."

Mes doigts se referment sur sa gorge, l'obligeant à se taire.

- Ce n'était pas un accident, je grince. Peu importe comment ou pourquoi, je les ai tués. Et c'est tout ce qui compte. Alors épargne-moi tes discours et ta pitié, l'idée de te faire subir la même chose qu'eux est déjà suffisamment tentante.

Je la libère malgré mon envie d'appuyer un peu plus fort sur sa trachée. Je note avec satisfaction que le fin collier dorée qu'elle porte a laissé une marque. Frottant le motif dentelé qui s'est imprimé en rouge sang sur sa peau, elle m'adresse une moue agacée :

- Tu n'étais pas obligé de faire ça, je voulais juste t'aider.

Paul émerge à cet instant de sa chambre, les cheveux ébouriffés et l'air hagard de celui qui s'est réveillé brutalement. Je me demande ce qui a pu le réveiller.

- Ça va vous deux ?

- Merveilleusement bien, je réponds. Katty m'empêche d'accéder à ma propre chambre sous prétexte de vouloir me venir en aide.

- Et Alec essaye de m'étrangler, réplique Katty.

Etonnamment mon meilleur ami ne m'adresse aucune de ses remontrances habituelles mais se tourne vers l'agaçante blonde qui fait toujours blocus entre moi et mes heures de sommeil : "Tu lui as dit ?"

- Dit quoi, je m'enquiers, intrigué par le regard qu'ils échangent et dont le sens m'échappe.

- Un peu après que tu sois parti du bar, commence Katty, quelqu'un est venu me voir. Un homme. Il te cherchait.

S'interrompant, elle extirpe de sa poche ce qui ressemble à une serviette en papier et me la tend. Je la déplie si vite que le fragile support menace de se déchirer sur toute la longueur.

- Qu'est-ce-qu'il voulait, je demande en lisant l'adresse griffonnée à l'intérieur.

- Je ne sais pas exactement, mais...

- Mais quoi, je répète avec impatience.

- Il a dit qu'il avait des réponses à tes questions.

M'astreignant à une certaine prudence, je relève la tête pour la jauger. Elle pourrait parfaitement avoir tout inventé. Néanmoins, et en dépit de tous les aspects peu reluisants de sa personnalité j'ai du mal à l'imaginer élaborer une vengeance aussi cruelle.

Un filet d'excitation me traverse tandis que ma méfiance s'évanouit. J'ignore qui est cet homme et ce qui le relie à mon Créateur.

Mais je le découvrirai bien assez vite.

- Tu peux garder la chambre Cerbère, je lance à Katty en me détournant. Je ne suis plus tellement fatigué.

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Et voilà, après presque un mois d'absence Bloody Heart revient. Je suis vraiment désolée, j'ai un peu abandonné Alec (et Wattpad en général) ces dernières semaines, avec la fin de l'année scolaire, le début des vacances etc...mais je vous promets de publier beaucoup plus régulièrement à partir de maintenant !

J'espère que ce chapitre vous a plu, comme d'habitude n'hésitez pas à donner votre avis (même négatif! ;) ) et voter!

Elsa ❤️

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