Chapitre 13 : le Grand Parc

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Je me souviens de Cole ce soir là. De son pyjama bleu ciel et de sa peluche aux oreilles abimées qu'il serrait contre lui comme un bouclier. Il m'a regardé sans comprendre. Alors je lui ai dit que les choses allaient s'arranger, que ce n'était pas grave. Et il m'a cru. Parce que j'étais son grand frère.
Les grands frères ne mentent jamais, n'est-ce-pas ? Ils protègent leurs frères et soeurs.

C'est ce que j'aurais du faire. Ce que je devais faire. Le protéger.

Mais je l'ai tué.

Mes poings heurtent le mur jusqu'à ce que mes phalanges se brisent. Des fragments de plâtre se détachent au rythme des coups, emportant avec eux une fine poussière blanche. Je regarde mes mains égratignées, la chair à vif et le sang qui s'en échappe. Dans quelques minutes la douleur aura disparue.

Quelle ironie que la nature ait choisi de nous épargner la souffrance physique.

Abandonnant mon défouloir, je visualise les imposantes grilles de métal qui cerclent le Grand Parc de Blue Springs un peu plus loin. Je m'approche pour vérifier ce que je sais déjà, le panneau estampillé d'un signe "interdit" accroché près de l'entrée prohibe les chiens, les véhicules motorisés et les cigarettes. Mais pas les vampires.

Je dépasse les lourdes portes dont les battants ne sont pas encore refermés. De la lumière filtre à travers le poste de surveillance, éclairant le gardien qui y dort, négligemment avachi dans son fauteuil. Quelle vision rassurante pour les citoyens.

Heureusement qu'à une heure aussi avancée aucun d'entre eux ne soit là pour le voir.

Sous le ciel crépusculaire le Grand Parc prend des allures de labyrinthe fantomatique. Les allées privées des cris d'enfants surexcités et de mères anxieuses semblent presque trop silencieuses. Sur les pelouses, des oiseaux profitent du répit nocturne pour y déambuler, sans doute à la recherche des restes de goûters. Mêmes les canards, bruyants pensionnaires du petit bassin, se reposent, la tête enfoui dans leurs plumes sombres.

Je déteste les canards.

Je poursuis ma ballade, contournant le manège à l'arrêt et ses figurines excentriques. Est-ce-que les enfants pensent vraiment qu'il existe des fusées violettes dépourvues de fenêtres et des poneys ailés multicolores ?

Un cri déchire soudain le silence, interrompant mon pamphlet contre les adultes et leur manière de se jouer de la crédulité de leur progéniture.

De prime abord je ne distingue rien d'autre que le bruissement des feuilles balayés par le vent et les sons ténus produits par les rongeurs et autres animaux qui se calfeutrent dans le parc.
Puis je les entends. À cinq ou dix mètres. Des battements désordonnés presque furieux. Des battements de coeur.

Je les trouve tout au fond du parc, dans un coin où les enfants ne s'aventurent probablement jamais. Trois hommes. De ma position je n'aperçois que leurs dos mais en me déportant légèrement sur le côté, j'identifie enfin l'origine du cri.

Une fille.

Ses cheveux retombent sur son pull gris en formant une harmonieuse cascade brune. Une estafilade courre le long de sa joue gauche. Malgré les efforts manifestes qu'elle déploie pour ne pas paraître intimidée, elle n'est certainement pas de taille face à ses trois agresseurs. En réalité sa silhouette, fluette sans être frêle, la place d'office dans la catégorie "Poids plume".

- Trois contre un, je lance, impressionné, c'est ce que j'appelle un combat courageux.

Les trois malfrats font volte-face. Ils sont plus jeunes que je ne l'aurais pensé. Et mieux armés. Celui du milieu tient un couteau à cran d'arrêt, tout comme son complice de droite. Le dernier lui est venu les mains vides.

Celui qui se tient au centre, le chef de bande je suppose, fait quelques pas vers moi en agitant son couteau : "T'en veux aussi ?"

Je comprends qu'il est en train de me proposer de m'éventrer. Le monde est vraiment cruel.

Je secoue la tête de déception, ce que mon interlocuteur interprète à tort comme une dénégation.

- Alors dégage ou je te plante, m'assure-t-il d'un air menaçant.

J'avance à nouveau, retroussant les manches de ma chemise blanche. Je ne cherche pas à souligner ma virilité, c'est simplement pour éviter de la salir.

Au moment où je m'apprête à l'envoyer au Pays des Rêves (ou quelque part plus bas), son corps se contracte brusquement et il bascule en avant, inanimé. Juste derrière lui, la fille frotte son coude endolori en me dévisageant avec une lueur de défi.

Peut-être qu'elle n'est pas complètement sans défense finalement.

Tant mieux. Je ne suis pas du genre à me balader avec une armure étincelante et un fidèle destrier.

Je profite de la confusion dans laquelle son geste a plongé ses deux autres assaillants pour attraper le dernier détenteur de couteau. Son poignet rompt quand je le tords. Récupérant son arme, je la lui plante dans l'abdomen.

Il hurle. Fort.

Avec une bravoure aussi louable qu'inutile l'autre se jette sur moi. Je le repousse avant de lui asséner un coup au visage. L'odeur du sang emplit aussitôt mes narines. Je ne prends pas la peine de m'assurer qu'il respire encore, j'arrache sa jugulaire d'un coup de dents, savourant la sensation d'euphorie que le sang me procure.

Je le lâche en prenant conscience que la fille est toujours là. Elle se tient au même endroit, droite et interdite, contemplant les vestiges de ma barbarie. Je me tourne vers elle.

Si seulement elle s'était enfuie.

Elle n'esquisse toujours aucun mouvement lorsque je me déplace vers elle. Peut-être parce qu'elle sait qu'elle subira de toute façon le même sort que ses trois agresseurs.

Je m'arrête à quelques centimètres de son visage. Ses yeux, d'un gris profond, se verrouillent aux miens. Et l'espace de quelques secondes ma colère et ma soif vacillent.

Je la regarde attraper les mèches rebelles que le vent fait voleter, et les coincer derrière son oreille, découvrant un visage aux traits ciselés. Son masque d'assurance est joliment travaillé, refusant de céder au florilège d'émotions et à cette imperceptible fragilité que ses prunelles trahissent.

Puis elle ferme les yeux en penchant doucement la tête.

Le contact de mes lèvres sur son cou lui arrache un frisson qui fait vibrer tout son corps. Ses mains se posent ensuite sur mes bras qui la retiennent, comme pour se rassurer. Une drôle de sensation m'étreint en sentant sa respiration s'apaiser.

- Fais-le, chuchote-t-elle.

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Fin du chapitre 13, j'éspère qu'il vous a plu !

Bloody Heart vient d'atteindre les 6.5K, ce qui mérite à mon avis une petite confession : il devait pas y avoir de chapitre 13, ni de 12, ni de 11 etc... À la base, cette histoire commençait et se terminait...au prologue. Il y avait déjà tellement d'histoire de vampires sur Wattpad (et ailleurs) que j'imaginais mal apporter quelque chose de plus en en écrivant une moi aussi.
Mais divin miracle (même si je suis athée), des gens puis beaucoup de gens l'ont lu et j'ai décidé de la continuer.

Tout ça pour dire que si elle existe maintenant c'est l.i.t.t.é.r.al.e.m.e.n.t grâce à vous. Votre lecture, vos votes et vos commentaires. Et rien que pour ça, je vous remercierai jamais assez.

Merci, merci à tous. ❤️

P.S : Si une âme charitable voulait bien m'apprendre à faire une dédicace je lui en serai éternellement reconnaissante. ;)

Elsa-Qui-Ne-Sait-Toujours-Pas-Utiliser-Wattpad ❤️

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