NaomyJ'entre dans une assez petite pièce. Celle-ci est très sombre. Elle est à peine éclairée par une lampe de chevet posée sur le bureau. Les rideaux sont ouverts, mais la pénombre a envahi le ciel. On distingue clairement la pleine lune, seule source de clarté que l'on voit à travers la fenêtre.
La décoration est sommaire. Il y a un bureau en chêne brun au fond de la pièce, devant la fenêtre, une bibliothèque à droite, un canapé en cuir noir à gauche avec deux fauteuils similaires et à côté de lui, une étagère et au fond de la pièce, à gauche, un évier surplombé d'un miroir.
Mon regard est rapidement attiré sur l'élément central de la pièce : le suppléant de Doticelli, Monsieur de Chastenet ou l'homme que j'ai traité de sale con hier, car il m'a volé le livre que je comptais louer... Je n'en reviens pas que j'aie insulté mon prof de sale con. Non pas qu'il ne le méritait pas. Mais... je ne compte pas mettre en péril mon année pour ça ! Peut-être que je devrais m'excuser. Peut-être est-ce pour ça qu'il m'a convoqué. Eh mince, je vais devoir mettre ma fierté bien de côté pour ça...
Je ramène mes mains devant moi et serre mes mains.
— Je tiens à vous présenter mes excuses pour ce qu'il s'est passé hier. Je ne savais pas du tout que...
Il ne me laisse pas finir ma phrase et il attrape quelque chose sur son bureau, derrière lui.
— Mademoiselle Haussman, tenez. Prenez le livre. J'ignorais que vous en aviez besoin pour mon cours. À ma décharge, je l'avais réservé, la bibliothécaire a oublié de le mettre de côté.
Sa voix sombre envahit l'espace et me fait frissonner. Pour me tendre le livre, il s'est redressé et sa grandeur le rend encore plus impressionnant. Ce qui fait que je ne distingue pas son visage. Une atmosphère pesante règne dans la pièce. On dirait presque que je suis rentrée dans le bureau d'un mafieux dans les années soixante. Il ne lui manque plus qu'un petit verre d'alcool à la main, un cigare dans l'autre, et un revolver planqué dans sa ceinture. Mon regard descend sur son pantalon. Dites-moi qu'il n'en cache pas un ! Naomy, reprends-toi bon sang ! Et arrête de le regarder à cet endroit-là, il va se faire des idées. Oui, il faut que j'arrête d'imaginer des choses. C'est un remplaçant, rien de plus. C'est le fait que tout soit plongé dans le noir qui le rend encore plus effrayant.
— Je ne sais pas vous, mais j'aimerais rentrer chez moi au vu de l'heure tardive, soupire-t-il toujours avec le livre en l'air.
— Je... Je ne savais pas que vous l'aviez réservé en premier. Gardez-le, vous en avez besoin pour préparer votre cours. Je le trouverai ailleurs.
Il fait deux pas dans ma direction. Sa silhouette sombre se rapproche de moi. Je recule par automatisme, mais c'est futile, car ses enjambées sont bien plus grandes que les miennes. Il attrape mon poignet et le lève à hauteur de son torse. Les yeux écarquillés, je fixe sa main entourant mon petit poignet avec tant de facilité. Sa poigne est chaude. Sa main, que je pensais rugueuse, est douce. Une décharge électrique me parcourt malgré moi et disparaît aussi vite qu'elle est apparue.
— Que... tenté-je d'articuler malgré la surprise.
Il me fourre le livre dans la main qu'il tient.
— Je ne suis pas toujours un sale con, il m'arrive d'être poli, c'est promis.
Puis, il me lâche, mon contourne tout en laissant dans son sillage un doux parfum masculin, et ouvre la porte. La lumière du couloir s'infiltre à l'intérieur et me permet de distinguer un peu plus clairement son expression. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non, car un sourire diabolique orne son visage. Mes yeux s'accrochent aux siens. Leur bleu translucide me paraît actuellement bien plus foncé dans la pénombre. Ou alors, ce sont ses pupilles qui occupent plus de place... Le regard qu'il pose sur moi ne me dit rien qui vaille non plus. Pourtant, au lieu d'avoir envie de fuir, c'est tout l'inverse qui se produit. J'ignore pourquoi, mais une partie de moi a envie de refermer la porte et... d'être entièrement à sa merci. Pendant une demi-seconde, au lieu du mafieux, je me demande plutôt si ce n'est pas un vampire qui tente de m'hypnotiser. Naomy, ton imagination débordante est pathétique... Mon cœur bat à toute allure et je suis bien contente de ne pas avoir mis des talons, car mes genoux sont à deux doigts de se dérober...
J'arrive enfin à décrocher mon regard du sien. Je fais demi-tour et m'apprête à sortir lorsqu'une main se pose sur mon épaule. Sa prise est ferme, chaude, puissante. Je n'ose imaginer ce que ses mains sont capables de faire. Tuer des gens, les manger, leur donner un orgasme. ça y est, je recommence à divaguer...
Il rapproche sa tête, je le perçois à sa respiration chaude qui s'écrase sur le sommet de mon crâne. Son souffle se déplace jusqu'à mon oreille gauche.
— Je pense que c'est dans notre intérêt à tous les deux d'oublier ce qui s'est passé hier. C'est ce que je vais faire et je compte sur vous pour faire de même, murmure-t-il.
Il me pousse délicatement à l'extérieur.
— À la semaine prochaine, Mademoiselle Haussman.
Il referme la porte sans me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit. J'expire un bon coup. On dirait qu'en sa présence, l'oxygène est si rare que je ne parviens pas à respirer correctement. Je me dirige vers les toilettes non loin de là. J'ouvre la porte et me laisse tomber sur le rebord de la fenêtre, au fond de la pièce. J'encadre mon visage de mes mains.
— C'était quoi ce bordel ? raillé-je.
Je pose une main sur mon cœur dont les battements ont dépassé la vitesse acceptable.
— Du calme, c'est fini. Du calme...
Encore bien que je n'ai cours avec lui qu'une fois par semaine et que M. Doticelli est censé revenir rapidement, parce que sinon... je n'aurais jamais supporté d'être en sa présence jusqu'en juin ! Non, mais quel genre de midinette je suis pour s'enticher d'un type que je ne connais pas ? Qui plus est mon professeur ! Enfin, c'est un remplaçant... Mais quand même ! Je ne suis pas du genre à me sentir toute chose pour quelqu'un que je ne connais pas. Non mais je joue à quoi là ?!
Je pousse un soupir de frustration. Il faut que je me reprenne en main coûte que coûte...
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Sombre vengeance [terminée]
RomanceQue feriez-vous si vous rencontriez un homme charmant, mais à l'aura très sombre ? Que feriez-vous si cet homme devenait votre professeur ? Et même pire, que feriez-vous si cet homme n'était en fait pas celui qu'il prétendait être ? Naomy est à l'un...