Chapitre 31 : (dés)espoir

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Naomy

Cela fait longtemps qu'il m'a laissée seule. Si longtemps que la pièce commence à s'obscurcir. La nuit tombe. L'angoisse de passer chaque seconde à me demander si je vais survivre ou non transforme les minutes en heures. J'ai beau avoir essayé de tirer sur mes liens, je n'ai réussi qu'à faire perler de petites gouttes de sang. D'ailleurs, j'ai les poignets tout ankylosés à cause de la douleur.

Je commence à perdre espoir que Vincent vienne me sauver. En même temps, qu'est-ce que je pensais ? Ce n'est pas un héros, ni même un antihéros, non, il ne se préoccupe que de lui. Au final, il ressemble un peu à mon père. Quelle ironie, de m'être attachée à deux hommes qui ne m'accordent qu'une once d'attention. Je ne peux compter que sur moi-même.

La porte s'ouvre, me faisant sauter en l'air et quelqu'un rentre. Comme tout est plongé dans l'obscurité, je ne sais distinguer de qui il s'agit. Se pourrait-il que ce soit Vincent ?

La lumière du couloir illumine le dos de cette silhouette toute de noir vêtue. En tous cas, il est grand et sa carrure est énorme !

Il dit quelque chose dans une langue que je ne connais pas, à consonance slave. À ce moment-là, je comprends que non seulement ce n'est pas Vincent, mais qu'en plus, ça ne sent pas très bon pour moi. Mon cœur manque un battement, avant de se mettre à battre si fort qu'il résonne dans mes tympans.

Il avance vers moi et sort quelque chose de sa poche. Je manque de m'étrangler en découvrant que c'est un couteau. Je le sais, car la lame, qui doit faire à peu près la taille de ma main, reluit face à la lumière du couloir. Il l'approche. Ma panique atteint son paroxysme, en réalisant que c'est potentiellement la fin. J'ai encore trop de choses à accomplir pour que ça le soit...

J'ai beaucoup de mal à respirer, j'hyperventile. Des larmes s'échappent de mes yeux malgré moi.

— Je... Ne faites pas ça. S'il vous plaît... On peut s'arranger ! Je vous paierai. Je... je demanderai à mon père de vous donner ce que vous voulez, mais s'il vous plaît, ne me tuez pas...

Une capuche recouvre presque tout son visage, néanmoins, je peux voir un grand sourire se dessiner sur ses lèvres.

— Toi valoir beaucoup dans mon pays. Je pas tuer toi, toi venir avec moi et je vendre toi là-bas, baragouine-t-il avec un accent d'une langue de l'Est très prononcé.

Si je n'arrive pas à m'échapper avant que ce gros loubard ne m'emmène, je serais fichue. Enfin, c'est sûrement déjà le cas ! Ces politiciens je vous jure, ils se croient tout permis ! Comment peut-il s'en sortir après m'avoir refilée à un trafiquant !

Il me fait taire en entravant ma bouche d'un bandeau qu'il serre. J'ai eu beau détourner la tête, il n'en a eu que faire. Il m'en place un autre sur mes yeux. Puis, il découpe mes liens à l'aide de son couteau, pour me détacher de la chaise, et les remplace par ce que je pense être des colsons. Ils s'enfoncent dans mes blessures, me faisant grimacer de douleur.

Il me balance sur son épaule, comme un sac de pommes de terre. Je commence à taper des pieds et des mains, mais étant donné qu'il fait trois fois mon poids et ma taille, il ne scille même pas. Je rebondis sur son épaule au gré de ses pas décidés.

Je vous jure que si je survis, mon père va passer un sale quart d'heure ! Et dire que ma mère n'est sûrement au courant de rien. En même temps, plus naïve qu'elle, ça n'existe pas. Argh, je n'ai plus de père à partir de ce soir, c'est décidé !

Je les déteste tous ! J'ai limite envie d'essayer de lui piquer son couteau et de me le planter maintenant ! Comme ça, tout ça sera réglé. Je préfère encore ça que de me retrouver au cœur d'un trafic d'humains.

Je sens qu'on arrive dehors lorsque l'air frais me cingle le visage. Il fait quelques pas avant de s'arrêter net. Je pousse un cri lorsque j'entends un bruit, assez désagréable, près de mon oreille. Ça ressemble au bruit que ça fait quand on coupe une pastèque en deux.

Je sens la prise du loubard se desserrer. On me tire en arrière en même temps qu'il tombe vers l'avant. Prise de panique, je tente de baragouiner quelque chose à travers le bandeau. On me soulève et me transporte à nouveau. C'est quoi cette histoire ?!

Le trajet ne dure pas longtemps. J'entends une portière de voiture s'ouvrir. Puis, on me dépose délicatement sur ce que je devine être la banquette arrière. La personne prend place à côté de moi et referme la porte.

Enfin, on m'enlève d'abord le bandeau qui entrave ma bouche, puis celui de mes yeux. Devant moi, seulement illuminé par les faibles lumières que diffusent les lampadaires dans la rue, se trouve Vincent.

À cet instant, deux sentiments prennent possession de moi : la peur et la colère. Je réalise que ça aurait pu très très mal tourner et mes nerfs lâchent.

Je me mets à frapper son torse du plus fort que je peux (mais vu que je n'ai plus mangé depuis plus d'un jour, fort est un grand mot). Surtout qu'il ne m'a pas enlevé les liens. Sûrement pour cette raison d'ailleurs.

— Comment t'as pu me laisser là toute seule ! T'as dit que tu me protègerais ! T'as dit que tu ne le laisserais pas me toucher ! hurlé-je.

Il me laisse faire pendant quelques secondes avant d'attraper mes poignets qu'il maintient solidement au-dessus de ma tête, contre la vitre derrière moi.

— J'ai dit que je saurais te protéger tant que tu restais à mes côtés. Dois-je te rappeler ce que tu as fait avant de te faire enlever, petit ange ? Aux dernières nouvelles, c'est plutôt moi qui devrais te punir.

Ce surnom me renvoie dans cette pièce, sombre, en compagnie de Carignon. Je me mets à trembler, en repensant à ce qui aurait pu m'arriver. Et là, je fonds en larmes. La sensation de peur présente dans mon cœur fut bien trop forte. Au final, j'ai eu de la chance de m'en sortir indemne. Dieu sait ce qui serait arrivé s'il n'était pas venu.

Il lâche mes mains, place une derrière ma nuque et m'oblige à poser ma tête sur son torse. L'autre passe dans mon dos pour me serrer fort. De par ce geste, je me rends compte qu'il a dû être tout aussi effrayé que moi. Autre preuve, son cœur bat assez vite.

Enfin dans ses bras, je comprends. Je sais que là est ma place et que plus jamais je ne veux m'en écarter. Il n'y a qu'ici que je me sens en sécurité.

— Merci d'être venu me chercher, dis-je à demi-mot.

— Désolé d'avoir mis autant de temps, petit ange.

Sombre vengeance [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant