18 mai 2018

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Des hurlements torturés firent émerger doucement Laura de sa somnolence. Elle sentait qu'on la tenait fermement par les bras, qu'on la traînait, le long d'un corridor faiblement éclairé par des lampes grésillantes. Tout son corps était douloureux, transi, et de violents frissons l'auraient secouée s'il avait resté le moindre soupçon de forces en elle.

Elle se réveilla complètement un peu plus tard, dans une pièce plus glauque encore. La première chose qu'elle décela fut les sangles de cuir trop serrées qui la retenaient immobile, solidement attachée, chevilles et poignets, sur un fauteuil à dossier incliné empestant des odeurs de sang et d'urine. Puis sa vision se clarifia lentement ; tout autour d'elle se trouvaient d'autres personnes, des captifs comme elle, installés sur d'autres fauteuils de la même façon, dans la pièce sombre surveillée par des membres de la secte armés qui semblaient différents de ceux arpentant ordinairement la région de Hope County.

Quelqu'un s'affairait sur le fauteuil de Laura. En émergeant des ténèbres, elle se rendit compte qu'on était tout juste en train de finir de la sangler. Il ne s'était donc écoulé que peu de temps depuis qu'elle était là. Le visage et les cheveux sombres de l'individu éveillèrent en l'officier un souvenir confus, puis quand ce dernier redressa la tête pour la regarder sous cape, Laura, dans une stupéfaction qu'elle ne put exprimer que par un murmure cassé et presque inaudible, le reconnut.

« Pratt... »

Le jeune homme fit mine de ne pas l'entendre. Il resserra plus fermement les attaches qui retenaient Laura, l'expression froide, le regard vide, fatigué, et comme dénué de toute énergie.

« T'aurais pas dû venir pour moi, lui chuchota-t-il du ton fataliste de la plus totale impuissance. T'aurais dû fuir. »

La lumière s'éteignit, et Laura se retrouva dans le noir. Elle ne vit plus Pratt, ne vit plus rien. Puis tout à coup, juste à sa gauche, un rétroprojecteur s'alluma, et sa lumière projeta sur le mur face à elle, devant deux autres prisonniers sanglés à des fauteuils, la photo d'un cerf abattu et partiellement dévoré.

Au moment même où Laura commençait à se demander ce que toute cette mise en scène signifiait, une voix grave, dure et qu'elle ne connaissait déjà que trop bien se mit à résonner dans la pièce telle la sentence d'un juge.

« Ce monde est faible. Ramolli. »

Le noir, un éclair aveuglant, puis une nouvelle image. Gros plan sur un loup mordant à pleine dents dans une proie dépecée.

« Nous avons oublié comment être forts. Jadis, nous avions des dieux pour héros. Aujourd'hui, ce sont des impies. »

L'homme qui parlait, de haute taille et de carrure musclée dans sa veste militaire de l'US Army, dont Laura reconnut en pleine lumière cette fois le camouflage de la Guerre du Golfe, s'était avancé devant le projecteur, couvrant de son ombre le portrait du loup en plein repas qui leur faisait face. À ses côtés, les mains jointes et la tête basse comme un enfant puni, Pratt, libre seulement en apparence, tâchait de faire de sa présence un aperçu de ce qui attendait les prisonniers apathiques devant lui.

« Faibles, veules, débiles. Nous laissons les fragiles diriger les puissants, et nous sommes surpris de l'état... de ce monde. »

Les diapositives se succédaient, et Jacob Seed se retourna pour faire face aux prisonniers léthargiques réunis devant lui en une sordide assemblée. Sa peau grêlée et sa barbe rugueuse contrastaient avec l'impeccable lisseté de ses cheveux roux balayés vers la droite et couronnant son crâne rasé sur les côtés. Laura ne détourna plus les yeux de son visage, voulant retenir chaque détail, chaque infime relief des traits de son ennemi mortel avant qu'elle ne sombre dans la torture qui l'attendait sur ce fauteuil.

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