❈ FAR CRY 5 ❈

27 juin 2018

Le jour suivant, toute la région des Whitetail Mountains était déjà en fête. Les dernières cellules survivantes de la secte dans les montagnes avaient été démantelées, les adeptes isolés avaient été retrouvés et exécutés – du moins ceux qui n'avaient pas opté pour disparaître des radars – et la communication entre les différents pôles et repaires de la Résistance avaient été pleinement établie, favorisant l'implantation des miliciens et leur propension à endiguer toute tentative d'Eden's Gate pour reprendre le contrôle du territoire. Mais sans Jacob, les cultistes des Whitetail Mountains n'avaient plus de chef. Plus que l'homme en tant que tel, c'était le symbole qu'il représentait qui avait donné à la secte l'ardeur nécessaire pour asseoir leur domination sur les montagnes. Maintenant que ce symbole avait été annihilé, Eden's Gate était irrémédiablement fragilisée du côté nord de Hope County. Personne n'avait les épaules ni la légitimité auprès des Seed pour reprendre son flambeau en tant que chef de la sécurité d'Eden's Gate, et ainsi, les cultistes des Whitetail se retrouvaient tels une meute de loups apeurés se fracturant après le détrônement du mâle alpha. Sans compter l'idée que la harde de cerfs qu'ils traquaient soit devenue leur prédateur, dans une ironique inversion des rôles, qui leur avait porté un sacré coup au moral.

Le soir, on pouvait entendre des feux d'artifice résonner sur toutes les montagnes, d'ouest en est et du nord au sud. Les familles se réunissaient après parfois des mois de séparation, les miliciens faisaient tonner des tirs de fusils en direction du ciel, les drapeaux américains flottaient au vent à tous les chalets et à toutes les intersections sur les routes. Quiconque de l'extérieur serait passé du côté des Whitetail Mountains ce jour-là aurait pu penser qu'il s'agissait de la fête nationale. Les feux d'artifice s'élevant haut dans le firmament illuminèrent la nuit pendant près de deux heures de lumières bleues, rouges et blanches de toutes les formes qu'on puisse imaginer. Laura, accoudée à la rambarde du barrage McKinley, aurait pu passer bien davantage de temps à les contempler, à écouter les rires et les pleurs de soulagement des civils, les cris de victoire des Whitetails, et le vacarme tonitruant des fusées qui perçaient le ciel noir sous cette clémente pleine lune.

Mais après les célébrations et les réjouissances, vinrent l'hommage et le recueillement.

Un peu après minuit, Laura était de retour au Wolf's Den. Dans la chambre qu'elle partageait avec Wheaty, elle avait emprunté une guitare et s'essayait à jouer, solitaire, Tarantula Juice de Clarence Buzz Chestnut. Le bunker était désert ; elle était restée seule avec Pratt, en pleine séance de déprogrammation intensive comme elle-même avait pu y être soumise, désireuse de veiller à ce que tout se passe bien pour lui. Et elle s'efforçait de jouer passablement les accords de son morceau, n'ayant que rarement posé les doigts sur une guitare de sa vie. Elle commençait à saisir le rythme et à restituer les notes, lorsque Roberts, descendu sans faire de bruit dans le Wolf's Den, s'engagea dans le couloir de la chambre de Laura. La jeune femme s'arrêta quand elle le vit, et déposant son coude sur la caisse de son instrument, le questionna du regard.

« Laura, la salua le milicien avec un hochement de tête empreint de respect, mais plus encore, de compassion. Ça va commencer. »

L'officier laissa lui échapper un lent soupir, et ses prunelles se perdirent une seconde. Elle déposa sa guitare et se leva, coula une œillade en direction de Pratt qui était étendu sur son lit de camp, à l'écart, marmonnant dans son sommeil pendant que le hard rock qui faisait office de remède miracle selon Wheaty s'infiltrait dans son esprit tourmenté de cicatrices infligées par Jacob. Laura fut saisie d'une aiguille de crainte à son égard, puis se rappela que perdre espoir équivalait à perdre tout. Elle emboîta le pas de Roberts dans l'escalier menant à la surface, où les attendaient en bordure de clairière, près de l'affleurement rocheux où Eli l'avait emmenée un soir sous un firmament étoilé, les Whitetails réunis en comité resserré autour de Tammy, qui, un flambeau à la main, se tenait devant un bûcher funéraire composé de troncs de sapins empilés les uns sur les autres.