3 juillet 2018

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Lorsque Laura reprit conscience, elle avait la tête sous l'eau.

« Nous devons laver notre passé... »

Les remous de l'onde froide sur son visage la saisirent d'effroi et elle tenta de se débattre. Elle s'agita, tira vainement sur les cordes trop serrées qui attachaient ses poignets, voulut redresser la tête à la recherche effrénée d'oxygène, mais ses mouvements étaient fermement entravés par ses mains liées et une poigne solide, refermée sur sa poitrine et à l'arrière de sa nuque.

« Nous devons afficher nos péchés... »

Au-delà de la surface troublée par les bulles qui sortaient de ses propres narines, elle pouvait distinguer le visage flou d'un adepte au crâne rasé et à la barbe généreuse qui la regardait fixement. Elle n'entendait rien, à l'exception des battements sonores de son propre pouls, et dans le lointain, une voix puissante qui, malgré son immersion dans l'eau, perçait de manière sourde le voile de ses tympans :

« Nous devons... les expier ! »

La prise de l'adepte sur Laura se relâcha enfin, et il la redressa, faisant sortir son buste de l'eau au moment même où elle prenait une grande inspiration, le cœur battant à tout rompre et trempée jusqu'aux os, ses cheveux assombris retombant en mèches désordonnées sur son visage. Elle irrigua ses poumons, et se calma ensuite pour respirer plus posément, ne pensant qu'à garder les idées claires tandis qu'elle prenait la meilleure conscience possible du guêpier dans lequel elle s'était empêtrée.

La lumière de la lune, haute dans le firmament, chatoyait de façon presque féérique sur la surface de l'étang dans lequel on la maintenait debout. De l'eau jusqu'à la ceinture, elle se trouvait dans une section de la forêt où les arbres étaient plus hauts et clairsemés. Néanmoins, elle n'y avait aucun point de repère, n'y dénichait aucun signe pouvant lui donner une idée, même vague, de l'endroit précis. L'adepte à ses côtés lui tenait fermement le bras gauche, et elle tâchait de conserver son équilibre malgré l'étourdissement violent qui appesantissait sa conscience. Elle devina que, non contents de l'avoir droguée pour l'endormir, les adeptes avaient infesté l'eau de leur Grâce avant de l'y plonger pour la baptiser de force. Laura connaissait par cœur les effets de la Grâce, mais elle n'en avait jamais reçu une si forte dose jusqu'alors. La drogue semblait se diluer dans l'ensemble de son corps au lieu de s'attaquer directement à son cerveau, et elle l'engourdissait dans une étreinte glaçante et déroutante qui rendait l'officier amorphe.

Il faisait un vent frais, et elle était frigorifiée. Sa vue altérée lui fit deviner d'autres silhouettes tout près d'elle ; des otages ligotés, chacun tenu sous la bonne garde d'un fanatique, qui étaient menés l'un après l'autre devant un homme qui se trouvait debout dans l'étang, près de la rive, et prêchait d'une voix aussi forte que résolue. Il se tenait dans le faisceau des phares d'un véhicule garé derrière lui, de sorte que Laura peine à l'identifier au premier abord, n'étant guère aidée par la Grâce qui anesthésiait sa lucidité comme un somnifère trop puissant.

« Alors seulement... Nous pourrons voir la Lumière divine... »

Elle croisa brièvement le regard de l'adepte qui la tenait, juste avant que celui-ci ne la fasse avancer dans l'eau vers l'homme qui psalmodiait, sans que Laura ait la moindre force de lui opposer une quelconque résistance. Elle se laissa donc mener docilement, apathique, un pas après l'autre, en direction du prêcheur.

L'homme avait de l'eau jusqu'aux genoux, un épais livre ouvert à la main, et une étole blanche lisérée de bleu pendait de part et d'autre de son cou, comme celles portées par les prêtres. Sa main levée au-dessus de sa tête ramena le livre à sa hauteur lorsque Laura focalisa ses yeux sur lui. Elle ne pouvait nier qu'il recélait de la prestance, et une certaine forme de charisme – au sens théologique du terme – dans sa façon de déclamer ses préceptes. Il semblait habité par une dévotion intense, très personnelle et qui était derrière chacun de ses mots, chacun de ses gestes. L'homme tendit son bras vers le front du captif qu'on lui amenait, et c'est à ce moment que Laura put l'identifier avec certitude, même si le doute n'avait, au fond, guère été de mise depuis le début. Plus que le froid, ce fut alors un frisson d'appréhension qui parcourut le long de son échine en réalisant qu'elle était sur le point de lui faire face.

❈ FAR CRY 5 ❈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant