Chapitre 8

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Après avoir fait son annonce à ses compagnons, Yuna s'était enfermée dans sa chambre, à la recherche d'éléments qui lui permettraient de découvrir l'identité de cet inconnu qui semblait bien décidé à les faire sombrer.

En retraçant chacune de leurs scènes de crimes, Yuna pensait obtenir de quoi le démasquer. Seulement, cet individu était d'une prudence déroutante. Rien n'était exploitable pour retrouver sa trace. La seule chose qu'elle avait à sa disposition était cette signature qu'il laissait constamment derrière lui.

Yuna releva les yeux vers la petite fenêtre de sa chambre, constatant que le Soleil était déjà bien haut dans le ciel.

— Et merde, grogna-t-elle en se levant de son lit sans aucune conviction. C'est vrai que je dois satisfaire ces connards de flics.

Elle entendit alors la porte de sa chambre s'ouvrir sans qu'elle n'en ait donné l'autorisation. Une seule personne à sa connaissance était suffisamment envahissante et inconsciente pour commettre ce geste sans craindre pour sa vie.

— Qu'est-ce que tu fous là, Pégase ? demanda-t-elle froidement sans même se retourner vers lui.

— Je me demandais ce que tu foutais seule dans ta piaule, rétorqua ce dernier en s'avançant vers elle. Ça fait quinze heures que tu n'as pas bougé de là.

Yuna se retourna, son nez manquant de heurter le haut du torse de son ami. Elle leva la tête, le dévisageant de ses yeux plissés. Un fin sourire à peine discernable se dessina sur les lèvres de Pégase qui prenait, une fois de plus, le plus grand plaisir à la défier.

— Et puis... inutile d'être aussi formelle quand on est que tous les deux, poursuivit-il. Je te rappelle que tu sais autant de choses sur moi que j'en sais sur toi.

Azamu était de très loin la personne que Yuna connaissait depuis le plus longtemps. Il était âgé de onze ans le jour où il avait intégré l'orphelinat où elle vivait depuis déjà près de deux ans. Les deux s'étaient immédiatement bien entendus, et Yuna avait rapidement fait le choix de vivre perpétuellement dans l'ombre d'Azamu. Ayant grandis et passé la majeure partie de leur vie ensemble, ils considéraient être unis par un lien fraternel, lui la traitant toujours comme sa sœur cadette, et elle s'appuyant sur lui comme elle aurait pu le faire avec un grand frère.

Ils avaient quitté l'orphelinat alors que Yuna était âgées de seulement quatorze ans et lui de dix-sept. Ils avaient commencé par vivre dans un bus abandonné qui leur suffisait amplement pour s'abriter, jusqu'à ce que Yuna découvre ce hangar qui leur servait aujourd'hui de repaire. Puis, était arrivé le jour où Yuna avait décidé d'endosser le rôle d'Andromède pour changer ce monde bafoué par les vices de l'humanité.

Comme son éternel ami semblait fait pour vivre uniquement sous la lumière du soleil, elle s'était faite à l'idée de devoir s'éloigner définitivement de lui pour leur bien commun. Elle était alors devenue inexplicablement plus distante et froide. Elle passait ses journées au lycée et refusait de le voir la nuit, prétextant réviser ses leçons alors qu'elle quittait le hangar pour – déjà à l'époque – retirer de cette terre des vies qu'elle jugeait parasitaires.

Ce comportement inhabituel et suspect n'avait fait qu'attiser la curiosité d'Azamu qui s'était mis en tête, un beau soir, de l'espionner. C'était ce soir là qu'il avait fait le lien entre son amie er les crimes qui faisaient la une de la presse locale. Il avait alors décidé de la suivre cette nuit où tout avait failli basculer. Par la suite, Yuna lui avait avoué les raisons pour lesquelles elle ne lui avait rien dis. Azamu l'avait prise dans ses bras, jurant de la suivre jusqu'au bout, quels que soient les idéaux qui la motivaient.

C'était cette nuit-là qu'Andromède avait rallié à sa cause une première constellation.

— Je sais, répondit-elle après quelques secondes de silence. Mais je n'ai plus vraiment l'habitude de t'interpeller par ton vrai prénom, Azamu.

Ce dernier se rapprocha encore plus de Yuna, effleurant du bout des doigts la récente coupure qui décorait sa gorge.

— Je me demandais d'ailleurs... commença-t-il sans détacher son regard de la plaie, les sourcils froncés. Pourquoi tu veux à tout prix qu'on s'appelle par nos noms de code même si nous sommes dans le hangar ? Je sais que tu as fait ce choix pour la période d'essai de Tenma mais ça fait maintenant cinq ans qu'il est membre à part entière de notre groupe. Il connait mon prénom depuis le temps. Il serait peut-être temps de mettre un terme à ce jeu futile. Tu ne crois pas ?

— C'est vrai que je n'y avais pas pensé, avoua Yuna. Mais d'un côté, heureusement qu'on a pris cette habitude de s'appeler par nos faux noms. T'imagines un pue le désastre si Tenma avait crié ton véritable nom ce soir-là ?

— C'est vrai que ça aurait pu être une cata, concéda-t-il en relevant soudain les yeux dans ceux de Yuna. Mais passons... Tu veux bien me dire ce que tu fabriques ?

Yuna se sentait assaillie par les anthracites de son ami. Son insistance et sa curiosité avaient toujours fait partie des traits qui le qualifiaient, mais elle devait bien avouer que ces derniers temps, Azamu était particulièrement après sa peau.

— Je dois faire un faux rapport aux flics. Je suis censée les aider à trouver le prochain lieu d'attaque du groupe du Pégase.

— Oh. Et tu comptes leur dire quoi ?

— Je ne sais pas encore. Je trouverais bien un bon gros bobard sur le chemin, rétorqua-t-elle en haussant les épaules alors qu'elle s'avançait vers la sortie de sa chambre.

— C'est quoi cette blessure à ton cou ? l'interrompit froidement Azamu alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la porte.

Elle marqua une pause, gardant la main sur la poignée. Elle ne se retourna pas, elle savait que ça n'apporterait rien de bon. Elle voulait à tout prix éviter de croiser ses anthracites courroucées et inquiètes. C'était la dernière chose qu'elle voulait.

— La preuve des progrès de Tenma, finit-elle par répondre avant de disparaître de son champ de vision.

Elle s'empressa de quitter le repaire avant qu'il ne la rattrape pour poursuivre cette discussion futile. Depuis qu'il l'avait retrouvée plus morte que vivante ce soir-là, Azamu avait cette fâcheuse tendance à être affreusement protecteur. Alors s'il apprenait que Tenma avait failli lui ôter la vie en la confondant avec une intruse, il y avait fort à parier que le malheureux passerait un si mauvais moment que Yuna n'osait qu'à peine l'imaginer.

La Sentence Des Astres (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant