Chapitre 17

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Alors que le soleil matinal se levait sur Sendai, l'agent Light marchait en direction de son appartement, l'esprit tourmenté. Il avait été convoqué par son supérieur pour lui faire un rapport sur la mort de Pégase. Aki lui avait alors tout raconté dans les moindres détails. De la façon extrêmement hasardeuse avec laquelle il était tombé sur le groupe pendant l'une de leurs opérations, au moment où sa balle avait traversé le thorax de Pégase, il n'avait rien omis. Il avait également fait part à son chef de sa découverte glaçante quand il avait comparé les différents relevés autopsiques. Il lui avait ensuite directement parlé de cette femme qu'il pensait pouvoir être réellement à la tête du groupe. Jamais par le passé il n'avait encore vu son supérieur aussi tendu, si bien qu'il n'osait qu'à peine imaginer les répercussions s'il venait à échouer lamentablement dans sa mission.

Ce groupe de criminels avait une influence bien plus importante que ne l'avait pensé Aki. Il devenait plus qu'urgent de les mettre hors d'état de nuire. Pour ça, il n'avait d'autre choix que d'éliminer la femme qui se tenait à la tête de cette organisation. Mais en était-il seulement capable ? Il lui suffisait de se souvenir de sa voix haineuse er de l'aura meurtrière qu'elle dégageait pour sentir ses jambes se liquéfier. S'il avait déjà été subjugué par la maîtrise et le talent de Pégase, alors de quoi cette femme pouvait-elle être véritablement capable ? À quel niveau s'étendait l'excellence de ses compétences ? Son expérience devait être inqualifiable si la centaine de meurtres reprochée à ce groupe lui était réellement due.

Il secoua frénétiquement la tête. Il préférait ne pas y penser pour le moment. Il avait enfin quartier libre pour le reste de la semaine – s'il oubliait son prétendu métier de serveur – et il comptait bien en profiter. Tout ce qui lui importait en l'instant était de rentrer chez lui pour se reposer et s'assurer que Yuna ne soit pas malade après sa cuite de la veille. Il voulait profiter de la présence rassurante de l'étudiante tant que le destin le lui permettait encore. Il avait lui aussi ce droit d'oublier sa mission et les risques qu'elle représentait le temps de quelques jours, d'une semaine tout au plus.

Aki profita du temps du trajet pour faire le vide dans son esprit. Il devait mettre de côté les tensions dont il était assailli. La dernière chose qu'il souhaitait était que Yuna sente qu'il n'était pas dans son assiette, que quelque chose le préoccupait. La jeune femme avait visiblement déjà assez de doutes dans son esprit pour avoir à supporter ceux des autres.

Il constata alors qu'une équipe de police criminelle et de médecins légistes étaient déployée à seulement quelques rues de chez lui. Piqué par la curiosité, Aki se rendit vers eux, peu habitué à voir un tel spectacle dans ce quartier habituellement calme.

Ses sourcils se froncèrent et son nez se retroussa légèrement quand il découvrit qu'une douzaine d'hommes gisaient ensanglantés sur le sol. Aki pensa d'abord à un règlement de compte, mais plusieurs détails le frappèrent. Il y avait d'abord la façon dont les hommes étaient morts. Ils avaient tous, sans exception, été égorgés. Mais surtout, il avait remarqué cette marque qui avait hanté ses journées et ses nuits. Une désagréable sensation de malaise s'empara de lui. Son cœur frappait douloureusement contre sa poitrine, pulsant jusque dans ses tempes.

La signature avait changé. Ce n'était pas la même que celle à laquelle il avait été habitué. Ce n'était plus le cheval ailé qui était représenté.

Te voilà enfin. Tu te décides maintenant à dévoiler qui tu es, Andromède.

Dorénavant, c'était la magnifique Andromède, qui tenait compagnie à Pégase dans le ciel étoilé, qui prévenait le monde qu'elle était là pour terrifier l'humanité.

Il demeura immobile, le regard dans le vide, prenant sur lui pour ne pas laisser sa respiration prendre le même chemin anarchique que venait d'emprunter son cœur. Il s'était douté que de nouveaux meurtres se présenteraient, mais il était à mille lieues de se douter qu'il devrait constater un tel carnage seulement le lendemain de la mort de Pégase. Visiblement, tuer cet homme n'avait eu comme réel effet que d'amplifier la soif de sang de la furie qui semblait briller sous la constellation d'Andromède.

Lorsqu'il reprit contact avec la réalité, Aki fut pris de panique. Pourquoi Andromède était-elle passée à l'action à seulement quelques mètres de chez lui ? Il ne pouvait s'agir d'un hasard. Cette femme n'agissait jamais par hasard.

Ses jambes se mirent automatiquement à courir à grande amplitude jusqu'à son appartement tandis que son cœur battait de plus en plus douloureusement. Il monta les escaliers deux à deux, craignant plus que tout l'horreur qu'il risquait de découvrir quand il franchirait la porte d'entrée. Il ne priait plus que pour une chose : que Yuna soit saine et sauve.

D'une main tremblante, il ouvrit la porte d'entrée en grand. Ses yeux gris balayèrent frénétiquement son salon, analysant sa disposition. Il parvint à retrouver son calme quelques secondes quand il constat qu'il était tel qu'il l'avait laissé avant de partir travailler.

Lentement, il referma la porte derrière lui avant de s'avancer de quelques pas, omettant pour une fois de retirer ses chaussures. Son nez se plissa quand il sentit une odeur inhabituelle et particulièrement désagréable. Il lui fallut une bonne dizaine de secondes pour l'identifier. Le sang. Cette odeur ferreuse ne pouvait qu'être celle de l'hémoglobine.

Son cœur retrouva bien rapidement le chemin de l'anarchie alors que ses jambes flageolantes le menèrent lentement vers sa chambre. Aki avait terriblement peur. Il était terrifié à l'idée de découvrir le corps de Yuna baignant dans son sang quand il ouvrirait cette porte. Il paniquait à la simple visualisation imaginative de Yuna égorgée dans son lit, les yeux vides de toutes lueur de vie.

Le cœur battant la chamade, il abaissa la poignée de la porte et l'ouvrit difficilement alors que ses poumons semblaient ne plus être capables de lui fournir suffisamment d'air pour oxygéner son cerveau convenablement. Toutefois, après analyse de sa chambre, ses sourcils se froncèrent d'incompréhension.

Vide. La pièce était totalement vide. Il n'y avait pas la moindre trace de Yuna, ni même la moindre trace de lutte dans cette chambre. Elle était impeccable, le lit avait même été refait.

Aki contracta la mâchoire et se rendit à la dernière pièce de son appartement, la boule au ventre. Il ouvrit avec fracas la porte de sa salle de bain. Cette fois, seul l'effarement se reflétait dans son regard. Il venait de trouver l'origine de cette odeur qui envahissait désagréablement ses narines depuis qu'il était rentré chez lui. Il prenait sur lui pour ne pas se laisser submerger par la panique et réprima plusieurs plaintes d'effroi.

Mais malgré toutes ses tentatives pour rester le maître de ses émotions, ses jambes finirent par céder sous le poids de l'inquiétude et des questions, l'obligeant à se retenir à l'encadrement de la porte pour ne pas se retrouver face contre sol. Il laissa lentement ses genoux toucher le carrelage, ses yeux fixant le vide à travers lequel se dessinait une multitude de scènes horrifiques. Sa respiration devint bruyante, si bien qu'Aki crut qu'il allait mourir d'asphyxie. Il ne parvenir plus à faire parvenir l'air jusqu'à ses poumons, l'angoisse le prenant en otage.

Merde. Merde. Merde. Merde. Merde.

La blancheur du carrelage avait laissé place à l'ignoble couleur carmin du sang. Aki ne parvenait plus à arrêter le film d'horreur qui tournait en boucle dans sa tête. Il ne parvenait pas à ordonner à son cerveau de cesser de lui renvoyer les images de Yuna subissant le courroux mortel de cette voix glaciale et haineuse.

Un courant d'air frais soudain soufflant contre sa nuque le sortit de sa torpeur. Il se retourna lentement, le corps encore tremblant et les genoux fermement ancrés dans le sol.

L'air venait de sa chambre.

Aki se releva hasardeusement, les jambes aussi fébriles et ankylosées que s'il venait de courir un marathon. Il s'approcha de l'encadrement de la chambre et écarquilla les yeux quand il remarqua que la fenêtre était grande ouverte. Son cœur martela encore plus frénétiquement sa poitrine – alors même qu'Aki ne le pensait pas capable de battre plus qu'il ne le faisait déjà – quand il tourna machinalement la tête en direction de sa porte d'entrée.

Plusieurs choses sonnaient incohérentes dans son esprit. Il ne se souvenait pas l'avoir déverrouillée pour entrer. Pourtant, il savait qu'il l'avait fermée à clé avant de partir au travail tout à l'heure. Quelque chose clochait, mes son esprit était encore trop perturbé pour s'en rendre compte.

La fenêtre grinçant sousles assauts du vent semblait se moquer de la crédulité des vivants. Et, alorsmême qu'Amour rend aveugle, lorsque Vérité se réveille, il n'est plus rien faceà Haine.

La Sentence Des Astres (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant