Chapitre 44

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Le regard déterminé, l'air glacial lui brûlant impitoyablement les poumons, Yuna s'aventurait dans les rues de Sendai. Elle s'en voulait d'avoir une fois de plus échappé à la vigilance de ses camarades et de, par la même occasion, les inquiéter. Mais c'en était trop pour elle. Elle ne pouvait plus rester docilement dans son lit. Elle avait besoin de dérouiller son corps, de prendre l'air. Elle en avait assez d'être traitée comme une mourante alors qu'elle était pourtant encore capable de marcher, courir, sauter, et tuer.

Elle était encore capable d'être elle-même, d'être Andromède. C'est pourquoi elle ne désirait plus qu'une chose : qu'on la laisse vivre.

Arrivée devant une paroi rocheuse, la jeune femme leva la tête vers son sommer avant d'esquisser un sourire. Si elle n'était plus capable de l'escalader, elle serait peut-être enfin prête à se considérer comme mourante. Pas avant.

Du bout des doigts, elle saisit les pierres en relief et commença son ascension. Cette masse rocheuse, elle avait l'habitude de la défier depuis qu'elle avait pris son indépendance. Elle aimait tout particulièrement cet endroit que les bois dissimulaient à la ville. Ce lieu lui permettait de s'aérer l'esprit en pleine nature tout en restant à proximité de ses proies : les Hommes.

Yuna débuta son ascension avec une aisance déconcertante. Elle savait exactement où mettre les pieds, comment placer ses mains, à quel moment se hisser à la seule force de ses muscles.

Et finalement, se sentant plus vivante que jamais, elle atteignit une nouvelle fois le sommet de l'édifice.

Elle observa de ses grands yeux bleus la ville qu'elle surplombait. Pour la première fois depuis ce qui lui parut avoir été une éternité, elle avait cette sensation de pouvoir tout contrôler, de tout réaliser. Son cœur s'était presque instantanément vidé de toutes ses émotions parasites qui la tiraillaient. Elle sentit une larme solitaire se frayer un chemin le long de sa joue gelée. Larme qu'elle balaya d'un revers de la main sans prendre le temps de lui demander d'où elle venait.

Elle demeura un temps infini à sonder le paysage, prenant enfin le temps de, simplement, apprécier ce qu'elle voyait.

Elle oublia un instant qui elle était, oublia les vices de ce monde qu'elle s'épuisait à traquer. Elle oublia ses camarades qui devaient la chercher, oublia celui que son cœur appelait.

Oublier, c'était ce dont elle avait le plus besoin. Oublier ces choses qui animaient son quotidien. Oublier que tout pouvait prendre fin.

Elle était seule face à ce panorama qu'elle eut l'illusion de découvrir alors même qu'elle l'avait déjà vu des centaines de fois. La différence était que, pour une fois, elle avait choisi de se mettre des œillères et de se boucher les oreilles. Elle avait décidé d'enfin ignorer tous ces parasites qui pullulaient pour prendre le temps d'apprécier cette ville sans ses habitants.

Yuna était tellement absorbée dans sa contemplation qu'elle ne remarqua l'ombre qui se rapprochait d'elle. Elle ne releva pas que, dans son dos, le cheval déployait ses ailes.

— Je savais que je te trouverai là. Comme quoi, les habitudes ne disparaissent pas.

Yuna se retourna, brandissant son canif qu'elle avait dissimulé sous son manteau. Jamais elle n'aurait cru que cet enfoiré aurait eu l'audace de la suivre jusqu'ici.

— Oh je t'en prie, ne me fusille pas avec ce regard, se moqua-t-il. Tu sais pertinemment qu'il ne me fait rien. Je venais juste te passer un bonjour amical.

— Va t'étouffer avec ta putain de cordialité, Azamu.

— Que de jolis mots. Je n'en attendais pas moins de toi.

La Sentence Des Astres (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant