Chapitre 51

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  Dans la salle de réunion de l'organisation des espions du Japon, Azamu écoutait d'une oreille distraite les mots habituels du directeur de l'agence qui faisait le point sur les succès de cette année. Mais son attention tout entière était en réalité dirigée au-delà de cette porte gigantesque qui le coupait de l'extérieur. Il était certain d'avoir entendu un coup de feu mais au vu de l'attitude bien trop calme des personnes qui l'entouraient, il était presque évident qu'il était le seul à avoir perçu ce son.

Un deuxième coup de feu camouflé par l'épaisseur démesurée des portes parvint à ses tympans. Cette fois, plus aucun doute n'était permis. Il y avait de l'agitation à l'extérieur de cette salle. Et cela ne pouvait signifier qu'une seule chose.

Cette abrutie a mordu à l'hameçon.

Un sourire carnassier naquit dans son esprit. Il était parvenu à mener la grande Yuna par le bout du nez. Force était de constater qu'il n'avait pas été vain de disséminer de nombreux indices durant ces dernières années. L'inconscient de la ténébreuse les avait gentiment repérés une fois que le masque était tombé, la conduisant droit vers lui aujourd'hui. Le seul point qu'il ignorait était si Yuna avait effectivement été suffisamment stupide pour oser s'aventurer seule ici.

Non. Elle devait forcément avoir ce gêneur de Light à ses côtés, c'était une évidence. Mais est-ce que les autres membres du groupe étaient eux aussi de la partie ? Il y avait fort à parier que la jeune femme ne les aurait pas laissé venir facilement mais il devait bien avouer qu'il avait été surpris par l'audace que ces larbins avaient été capables de démontrer le jour où il avait décidé de tout avouer. Tout ça à cause de ce maudit Cygnus. C'était lui le problème dans toute cette affaire.

Azamu avait de suite su qu'il n'allait que lui causer du tort le jour où Yuna avait décidé de le recruter. Il avait vu dans les améthystes de cet homme la même aura que celle qui animait les saphirs de Yuna. Cette aura calculatrice et observatrice. Mais jamais il n'aurait été prêt à parier que ce serait lui qui découvrirait son double jeu le premier. Il l'avait, de toute évidence, bien trop sous-estimé.

Oui. Après réflexion, Yuna devait forcément être accompagnée de l'ensemble du groupe. Il ne pouvait en être autrement. Et s'ils étaient véritablement de la partie, ça n'allait pas être pour arranger ses affaires.

Le changement de ton du directeur força Azamu à se recentrer brièvement sur la discussion. La réunion était maintenant arrivée au point qui concernait les futures actions du gouvernement, et le simple fait d'entendre de pareilles inepties donnait la nausée au grand blond.

Ces idiots vantaient haut et fort la façon dont ils allaient asservir encore plus le petit peuple. Les pauvres allaient encore donner plus d'argent que de raison aux riches qui ne débourseraient pas le moindre centime. Le bas peuple allait trimer jusqu'à la fin de sa vie pour engrosser les gros bonnets. Les gens lambdas ne seraient plus bons qu'à travailler pour payer leurs factures alors que les hauts dirigeants allaient démultiplier leurs loisirs.

Azamu sentit les poils de ses avant-bras se hérisser. Il se faisait la promesse de réduire à néant toutes ces inégalités dans le monde qu'il allait créer une fois que Yuna serait éliminée. Bien évidemment, il allait faire en sorte de pouvoir tirer un certain bénéfice économique de ce gouvernement dont il serait l'instigateur, mais il était hors de question pour lui de voir des classes et des sous-classes au sein de la population.

C'était d'ailleurs ce qui divergeait de la vision que Yuna avait de la société qu'elle comptait créer. Elle ne voulait aucune classe ni aucune personne au-dessus des autres. Pas même elle alors qu'elle aurait un parfait contrôle sur tout. C'était ce point qui dérangeait Azamu. Pourquoi refusait-elle de tirer un minimum d'avantage de son nouveau monde alors qu'elle n'aurait fait qu'enchaîner les sacrifices pour le voir se mettre en place ?

Une idiote au QI trop élevé. Voilà ce qu'était paradoxalement la brune aux yeux du blond.

— Bien. Nous allons maintenant passer à un point tout aussi important de cette réunion. Vous n'êtes pas sans savoir que de nombreux meurtres ont été commis durant les huit dernières années. L'agent Helhest, ici présent, va vous faire part des découvertes qu'il a faites tout au long de ces années.

Le blond se leva. C'était enfin à son tour de s'exprimer après avoir dû subir pas moins d'une demi-heure de bavardage sans foi ni loi. Aucun des membres dans cette pièce n'était encore au courant des identités des criminels qui œuvraient sous les ordres d'Andromède, pas même le père de cette dernière. Et il ne faisait aucun doute que ces révélations allaient potentiellement être l'allumette qui mettrait le feu aux poudres.

— Comme vient de le dire mon supérieur, j'ai appris l'identité des coupables de tous ces meurtres en série. Je me suis aussi infiltré parmi eux il y a huit ans, ce qui fait que j'ai une parfaite connaissance de leurs compétences. Ils ne sont que cinq mais il serait erroné de dire qu'ils ne font pas plus de dégâts qu'une bonne vingtaine de personnes quand ils passent à l'action.

— Vous êtes en train de nous dire que vous les avez laissé commettre des crimes pendant tout ce temps ?! C'est une plaisanterie !

— Je ne l'ai pas fait par gaieté de cœur, mais pour sauver ma peau. Leur cheffe, qui est par ailleurs la seule femme du groupe, est d'une intelligence hors pair. Il m'a fallu attendre qu'elle m'accorde sa pleine confiance pour que je puisse être libre de ce que je voulais faire. Et je ne suis jamais parvenu à l'obtenir si vous voulez tout savoir.

— Alors comment se fait-il que vous nous en parliez maintenant si votre relation n'a toujours pas évolué ?

— Parce qu'elle me croit mort. Je suis celui que l'on appelait Pégase et aux yeux de ce groupe et de la société, Pégase est mort voilà plusieurs mois déjà.

Des brouhahas résonnèrent dans la grande salle, trahissant l'incompréhension de l'auditoire.

— Et quelles sont les personnes qui composent ce groupe ? intervint le directeur qui n'en pouvait plus d'être dans l'ignorance.

Un fin sourire discret se dessina sur les lèvres d'Helhest. Il allait enfin pouvoir vérifier si le regard de Yuna lui venait de son père ou si c'était elle qui en était l'unique détentrice. Au fond de lui, il était fier d'être parvenu à berner ces deux êtres qui n'éprouvaient pour l'un et l'autre qu'une rancune sans précédent. Il était fier d'être à l'origine du chaos qui se déroulerait dans les minutes à venir.

— Ça risque de ne pas vous plaire, mais celle qui se cache sous le masque d'Andromède n'est nulle autre que...

Un coup de feu interrompit le blond dans sa révélation. Une ombre massive venue du ciel atterrit sur la table centrale, au milieu de tous les membres de l'assemblée qui n'avaient même pas pensé à prendre le temps de dégainer leurs armes.

Le chignon de l'intruse s'était transformé en une queue de cheval souple, laissant ses longues mèches corbeaux s'agiter au gré de ses mouvements. Les cobalts omnipotents sondaient l'environnement, adressant à chacun des membres de l'assemblée une salutation courroucée. Les billes de la brune s'arrêtèrent sur celles de son géniteur qui la dévisageait avec haine et stupeur.

— Yuna... grinça le quinquagénaire entre ses dents.

— Salut le vieux. Tu n'avais donc pas oublié ta gamine depuis le temps ? Me voilà flattée.

Deux paires de saphirs haineux se défiaient, mêlant au présent leur passé tourmenté.

La Sentence Des Astres (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant