Partie 19 - Le récit.

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N-Non... Lâchez-moi...

Il se réveilla brusquement en entendant Aurélien gémir à ses côtés sur son lit. Son cœur fit une embardée dans sa poitrine en comprenant qu'il faisait un cauchemar et il se leva précipitamment du matelas sur lequel il dormait précédemment pour venir le rejoindre dans son lit.

« Eh... Aurél... Tu fais un cauchemar, mon chat, réveille-toi. »

Il entendit Aurélien pousser un petit sanglot dans son sommeil quand il dit ça et il posa sa main sur sa poitrine par-dessus son pyjama pour le réveiller avec douceur. Son cœur battait la chamade sous ses doigts et il déglutit difficilement, comprenant qu'il était sur le point de faire une crise d'angoisse malgré le fait qu'il dormait à poings fermés. Il n'eut pas le temps de se demander que faire pour éviter cette dernière qu'Aurélien se redressa brusquement contre le dossier de son lit, sûrement sorti de son cauchemar à son contact.

« Gui... Guillaume...? bégaya Aurélien et il lui sourit tristement dans la pénombre.

— Oui, mon chat. C'est moi. Tout va bien, tu es en sécurité ici. C'était seulement un vilain cauchemar. »

Aurélien resta silencieux quand il dit ça avant qu'il ne l'entende se mettre à sangloter violemment et il paniqua, se demandant si c'était à cause de quelque chose qu'il avait dit.

« Aurél ?! Merde, je suis désolé... J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ??

— N-Non... C'est juste... Mon cauchemar... C'était horrible... Je les ai revus... tous...

Tous ? C'est qui tous, Aurél ? demanda-t-il, n'osant pas prendre le plus jeune dans ses bras vu à quel point il semblait paniqué à ce moment-précis.

— Ces gens... ceux qui ont... profité de moi quand j'étais plus petit. Ceux... qui m'ont fait ça...

— Ça ? Ça quoi ? demanda-t-il prudemment, ne voulant pas faire paniquer encore plus le plus jeune en le forçant à raconter quelque chose qui était apparemment douloureux pour lui.

— Ma... Ma cicatrice... balbutia Aurélien en réponse et il écarquilla les yeux en l'entendant répondre ça.

— Hein ? Tu veux dire... que c'est eux qui t'ont fait cette cicatrice ? Les gens chez qui t'étais avant d'arriver dans cette dernière famille d'accueil, c'est bien ça ? dit-il, incertain d'avoir tout compris, mais Aurélien hocha la tête. Bordel, Aurél... Mais pourquoi...? Comment...?

— Ils m'ont adopté quand j'avais cinq ans, commença à raconter Aurélien et il hocha la tête, pour lui dire qu'il l'écoutait attentivement. Ils ont commencé leurs... sévices... presque immédiatement. Mais j'étais trop petit, je me souviens pas. Les seules choses dont je me souviens, c'est un peu plus tard. Vers mes huit ans. Ils me touchaient eux aussi, comme Paul et Thomas. Mais... ils me partageaient aussi. À des amis à eux, des clients, des inconnus... D'ailleurs, c'est pour ça qu'ils m'ont probablement fait ça, eux aussi, Paul et Thomas. Parce que c'était déjà arrivé. Que j'étais entraîné. Contrairement aux autres enfants, alors eux ils les ont toujours laissés tranquilles, se suffisant de moi. Ça devait les exciter.

— À quel âge... t'es parti de là-bas, Aurél ? Et pourquoi ?

— Dix ans. J'étais le seul enfant là-bas mais les services sociaux ont fini par remarquer que quelque chose n'allait pas lorsque je me suis retrouvé à l'hôpital un jour. J'avais beaucoup de bleus, de coupures, et surtout cette cicatrice. Ils m'ont demandé à l'hôpital comment je me l'étais faite mais j'ai refusé de leur dire.

— Et aujourd'hui... tu te sens de me le dire, mon chat ? demanda-t-il dans un murmure et Aurélien resta silencieux un long moment avant de hocher la tête.

— Un jour, ils avaient invité un homme que je ne connaissais pas, un gros client à ce qu'ils m'avaient dit, mais cette fois-là... sa figure m'a tellement fait peur, tant il était hideux, que je n'ai pas pu rester silencieux. Je me suis mis à crier et j'ai tenté de m'enfuir de la chambre, mais il m'a rattrapé et... il a sorti un couteau, sûrement pour m'effrayer et me forcer à me taire, mais je ne sais pas ce que j'ai fait... j'ai paniqué et j'ai fait un mouvement brusque... l'instant d'après, le couteau était plongé dans mon ventre. Je me suis évanoui sur le coup. J'ai cru que j'allais mourir. Mais je me suis réveillé à l'hôpital et c'est là qu'on m'a appris qu'ils avaient arrêté les gens chez qui j'étais. Ça s'est arrêté, sanglota Aurélien. Enfin... c'est ce que je croyais. Parce que ça a repris presque aussitôt, avec eux. »

Cette fois, il ne tint plus et prit le plus jeune dans ses bras. Il avait une boule coincée dans la gorge et les larmes aux yeux après son récit. Aurélien... avait vraiment vécu l'Enfer. Littéralement. Et quand il avait cru que c'était fini, ça n'avait été qu'un leurre. Ça n'avait que repris de plus belle. Dans une autre famille d'accueil. Remplie d'enfants cette fois, mais il s'était terré dans son mutisme, de peur de dire la vérité. Mais tout ça, c'était fini.

« Aurél... je sais que tu n'as connu que ça toute ta vie. La peur et la souffrance... L'humiliation et la soumission. Mais je te promets de me croire... cette fois, c'est fini. Plus personne ne viendra te faire de mal tant que je suis là. Tant que Claude est là. Tant que Matthieu et Ablaye sont là. Parce qu'on fera tout pour te protéger, ok ? »

Aurélien resta silencieux dans ses bras avant qu'il ne le sente hocher la tête doucement. Il poussa alors un long soupir et ferma les yeux, le cœur meurtri. Comment c'était possible d'autant blesser un ange pareil ? Ces gens avaient sa haine la plus noire. Et un jour, il se le promettait, ils paieraient pour ce qu'ils avaient fait.

***

Quand il fut sûr que Guillaume s'étaient endormi, il s'extirpa de ses bras pour venir l'observer attentivement. Le plus grand avait la tête qui reposait sur son oreiller et il sourit intérieurement en pensant que celui-ci porterait encore son odeur les jours suivants. Guillaume... n'avait pas eu peur. Il n'avait pas paru... dégoûté de lui. Pourtant, il y avait de quoi avec tout ce qu'il lui avait dévoilé sur sa vie. Il avait littéralement servi de putain à tout un réseau de pervers obsédés sexuellement par les enfants, avant que l'un d'eux ne le plante par accident. Qu'il finisse à l'hôpital. Et que ça recommence un an plus tard dans sa nouvelle famille d'accueil. Il était tellement fatigué. Mais maintenant, il avait Guillaume près de lui. Guillaume, et ses amis, qui étaient tous aussi bienveillants les uns que les autres avec lui. Il se pencha alors pour déposer un petit baiser à la commissure de la bouche du plus grand, pris d'un élan d'amour énorme à son encontre, et quand il se recula, le cœur battant la chamade dans sa poitrine, il l'observa attentivement de nouveau. Guillaume n'avait pas bougé d'un poil. Ouf, ça voulait dire qu'il ne l'avait pas réveillé et qu'il n'en saurait donc rien. Il se rallongea près de lui, se glissant dans ses bras, dans sa chaleur et les joues le chauffant fortement, embarrassé par ce qu'il venait de faire. Puis, un petit sourire vint faire son apparition sur ses lèvres. Ce baiser... il avait aimé. Beaucoup même. Et il avait déjà envie de recommencer. Si Guillaume le voulait bien aussi...

Fiction OrelxGringe - Parle-moi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant