Chapitre 10.3

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Théo sortit en trombe de la maison, hésita sur le seuil, fit demi-tour pour récupérer le bonnet de Clara dans sa valise, ressortit et enfourcha son vélo. A nouveau, il avait 18 ans et bravait le soleil de juillet et ses températures intenables. Chaque coup de pédale plus rapide que le précédent, il ne laissait pas de place à la réflexion.

Il arriva en nage au chemin qui menait au château de Viviourès. Il fouilla son sac et engloutit la moitié de sa bouteille d'eau avant de monter. C'est ce moment que choisirent les paroles de Camélia pour lui revenir en tête : « Ça fait longtemps que Clara a cette emprise sur toi. », « Avec Clara, c'est ancré en toi... ». Trois ans ne suffisaient donc pas ? La première fois, quatre ans n'avaient pas suffi. Il prit le temps de respirer. Pourquoi accourait-il de la sorte ? N'apprenait-il jamais la leçon ? Il fit une pause, releva le regard vers la pente qui l'attendait, recouverte de débris de roches blanches. Les lieux n'avaient pas changé. Tant de choses qui ne changeaient pas, malgré les variations de la vie. Des variations, il en avait vécu des tas pendant ces trois dernières années. Mais ses constantes restaient les mêmes. Était-ce un problème ? Comme l'arbre qui changeait au fil des saisons, Théo se sentait différent et le même à la fois, peut-être avait-il juste pris un peu plus de feuilles.

Il avait hâte de revoir Clara mais il avait surtout hâte de retrouver cette Clara qu'il n'avait jamais vraiment retrouvée trois ans auparavant. Il lui avait dit qu'elle n'avait pas changé mais il savait en ce jour-là qu'il avait eu tort, il savait combien la Clara de 18 ans était dévorée par son mal-être, il savait maintenant qu'il s'apprêtait à trouver une Clara en forme. En forme pour de vrai.

Et c'était peut-être ça qui le pressait tant : savoir qu'elle était prête, que c'était elle qui avait fait le premier pas. Que, pour une fois, il ne se sentirait pas seul fautif de leur relation, pour une fois il n'agissait pas seul pour créer ce qui existait et pourrait exister entre eux.

Si elle faisait ce pas, alors il était déterminé à faire tous les pas qu'il faudrait.

Arrivé en haut, ses yeux tombèrent immédiatement sur elle, allongée sur la roche qui était trois ans avant la roche habituelle. Le lieu n'avait pas bougé d'un poil. Elle avait son portable en main et lorsqu'elle vit Théo, elle le leva pour le prendre en photo. Il entendit le « clic » de l'appareil photo. Il devait être beau, tout transpirant, la bouche grande ouverte.

— T'as laissé le clic, dit-il en souriant.

Clara s'était coupé les cheveux, ils lui arrivaient désormais tout juste aux épaules mais étaient toujours aussi blonds. Elle avait à ses côtés un nouveau chapeau de paille.

Il s'approcha prudemment, comme si elle risquait de s'envoler à tout moment. Mais elle semblait bien ancrée dans le réel.

— Tu es en retard, dit-elle en faisant mine de regarder une montre imaginaire.

— Tu ne m'avais pas donné d'heure.

— Tu aurais dû le savoir.

Il sourit à pleine dents. Elle était là, en chair et en os, un sourire flottant sur les lèvres. C'était une excellente journée.

— Tu es revenue... murmura-t-il, encore un peu sous le choc.

— Jamais deux sans trois, répondit-elle en écho à ses pensées.

— Est-ce que ça veut dire que tu repartiras une nouvelle fois ?

— J'en ai fini de fuir.

Il laissa échapper un soupir qu'il ne pensait pas retenir.

— Alors, tu revois tes grands-parents maintenant ?

— C'est la première fois que je retourne chez eux, oui. Ils étaient trop contents. Mais ça fait quelques mois que je les appelle toutes les deux semaines grosso modo. Ça te dit de venir manger à la maison ce soir ? Ça leur ferait trop plaisir de te revoir.

Un deuxième pas. Il ne ferait pas que les pas qu'il faudrait, il ferait tous ceux qu'elle lui demanderait de faire.

— Ça va un peu vite entre nous, se moqua-t-il.

Elle souffla du nez et il reprit :

— Mais ça me va. Je suis prêt à affronter tes grands-parents je crois.

— Fais pas genre, je sais que tu les as vu pendant ces trois ans.

— Han ! s'exclama-t-il en posant une main au niveau de son cœur. Ils t'ont tout dit, quelle trahison !

— Drama queen, dit-elle en souriant.

— Il y a des choses qui ne changent pas.

Ils se fixèrent quelques instants. Ses yeux étaient toujours aussi bleus mais n'avaient jamais été si vivants. Théo se sentait revivre lui aussi. Voilà longtemps que son cœur n'avait pas battu si fort.

—J'imagine que non, confirma-t-elle.

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Ne me fuis pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant