Chapitre 3.2

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Clara attendait Théo à côté de la porte de l'épicerie. Ses clés en main, elle ne le salua que d'un hochement de tête avant de se diriger vers la voiture. Il la suivit sans broncher. C'était peut-être bête mais il appréhendait. Elle avait prévu le porte-vélo et le trajet en voiture fut assez silencieux. Finalement, quand Clara se gara, elle se tourna vers lui, le scrutant quelques secondes du regard pendant qu'il continuait de fixer le tableau de bord, pleinement conscient de l'attention qui lui était porté.

— C'est pas parce qu'on va au cimetière qu'il faut tirer une tête de 3 pieds de long.

Il souffla du nez et tourna son regard vers elle, un sourire aux lèvres. Elle avait des yeux magnifiques d'un bleu profond qui donnait davantage de contraste à son visage.

Par moment, il se demandait pourquoi elle faisait tout ça pour lui alors qu'elle avait sûrement bien mieux à faire de sa vie. C'était Clara après tout. Et il n'avait encore jamais remarqué les quelques taches de rousseur sur son nez. Les avait-elle avant ?

—Let's go ? demanda-t-elle.

Il acquiesça et sortit de la voiture, prenant une grande inspiration en se levant. L'air était moite. Clara à ses côtés, il prit sans hésitation le chemin de la tombe de sa tante.

Il s'arrêta à l'entrée de l'allée, le regard fixé sur la tombe à l'autre extrémité.

— Je t'attends là, offrit Clara.

Après un soupir, il hocha la tête et s'engagea dans l'allée. Chaque tombe était un peu différente, toutes n'avaient pas de fleurs et il se demanda combien étaient encore visitées. Y avait-il beaucoup de personnes qui se rendaient encore auprès des défunts en 2022 ?

La tombe de sa tante était sobre, d'un marbre clair, une simple inscription donnant son nom et ses dates. Seul un bouquet de multiples fleurs avait été déposé sur la tombe. Elles étaient fraîches mais faneraient probablement dans peu de temps. Ce devait être Camélia... Ou son oncle. Il ne savait pas si Camélia visitait la tombe de sa mère ou si c'était encore trop dur pour elle. L'enterrement avait été déchirant, il se rappelait l'avoir vu éviter à tout prix de regarder le trou dans laquelle sa mère se faisait déposer.

— Coucou tata, murmura-t-il en s'agenouillant devant la tombe, les mains sur les cuisses. Je suis désolé, je ne suis pas venu plus tôt. D'ailleurs, sans Clara, je ne serai pas là...

Il jeta un coup d'œil pour la regarder, elle lisait les petits mots sur les tombes des autres allées.

— Je suis venu m'excuser de...

Il inspira profondément en fermant les yeux. Pourquoi était-ce si dur ? Il se sentait bête à parler au vide.

— Je crois que je ne sais juste pas comment améliorer les choses, comment réparer tout ça, je ne sais pas comment faire les choses bien et, sans les autres, je ne suis rien. Clara a raison, j'ai fait comme si tu étais immortelle, j'ai préféré ignorer l'appel de la maladie, j'ai voulu me protéger et j'en ai oublié de protéger Cami. Et puis, j'ai été un petit con égoïste qui ne savait pas communiquer avec les adultes... Même papa et maman, j'ai jamais su communiquer avec eux. J'y arrive toujours pas... Mais je suis pas venu débarrasser toutes mes peines sur toi, c'est encore égoïste et je ne suis pas égoïste, je ne veux pas l'être parce que comment on est humain sans prendre en compte les autres ? J'ai besoin des autres pour exister, je le sais, et... et j'ai fait comme si tu n'étais pas une autre personne. Je ne veux plus prendre les gens pour acquis. Je suis désolé tata et... je vais me rattraper auprès de Cami parce que, sans elle, je n'ai plus de famille et elle n'en a plus non plus.

Il réalisa que ses joues étaient humides quand il sentit qu'il s'essoufflait. Il se redressa car il s'était recroquevillé sur lui-même et leva ses yeux au ciel. Il était de ce bleu si lumineux et si profond du sud, sans un seul nuage.

Ne me fuis pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant