15.3. Harmonie

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Elle se détache doucement de Solius, il semblerait que ce dernier ne soit qu'un enfant encore, le même qu'elle avait pu être le jour de son arrivée à la Tuyauterie. Une gamine chouineuse cherchant désespérément ses parents, des parents invisibles qui demeuraient toujours chez les vivants "d'en bas" avec ses frères et sœurs, ce garçon lui rappela de nouveau qu'elle détestait en fait viscéralement le principe de réincarnation.


Ce soir, elle ne s'abandonnerait pas dans les bras du petit nouveau, elle aurait sans doute eu plus ses chances avec l'autre Apollon, celui à la tresse pendante mais ses amies s'étaient déjà enracinées à lui, elles ne le lâchaient plus. Elle soupira, pinçant ses lèvres pour ne pas sourire et se décida à rentrer chez elle - chez son oncle et sa tante.


- Ah t'es rentrée...


Son frère s'étonne de la voir de retour si tôt, étonné à sa manière tout du moins, il a ralenti la cadence de son ouvrage, son aiguille reste en suspens entre ses doigts et il ne se mord plus la joue. Il ne la regarde pas pour autant cependant, tendant les bas pour considérer sa broderie de loin. 


- C'est à vomir.


Il détache le morceau de tissu fixé au cerceau pour le déchirer, dans son mouvement brusque, le bout de son pouce se pique. Il fronce les sourcils.


- C'était très bien ce que tu avais fait pourtant, fit remarquer Harmonie.

- C'était médiocre et quand c'est médiocre, il faut tout recommencer... siffla ce dernier avec colère.


Elle haussa les épaules, habituée au caractère difficile de son frère, déjà petit, il avait ses sautes d'humeur, du perfectionnisme, toujours du perfectionnisme. Ils étaient incroyablement opposés tous les deux, sa chambre à lui relevait du cabinet chirurgical, elle était astiquée et impersonnelle tandis que la sienne débordait de babioles et de fleurs taillées dans du papier. Ironique quand on sait que ses décorations lui avaient en fait été offertes par ce dernier.


- Je suis occupé, tu peux aller prendre soin de l'âne à ma place ?

- Morphée ?

- Non, maintenant c'est juste l'âne. J'en ai marre de lui, il n'obéit jamais.

- J'y vais alors, force pas sur tes yeux s'il fait trop sombre hm ?


Elle file troquer sa robe légère à froufrous pour un pantalon plus confortable, comme elle le pensait son oncle est dehors, il s'entraîne à réparer un vieux piano. Les marteaux font une file à ses pieds, il est en train de repeindre une planche.


- Ce truc tombe en ruines, il est irrécupérable ! (elle fait mine de se boucher le nez à cause de l'odeur de verni)

- Oh Harmonie, tu es rentrée ! Alors, comment ça s'est passé cette petite fête ?

- Bien, les deux nouveaux sont très gentils, ils ont l'air de bien s'en sortir aussi.

- Tant mieux, ta tante hésitait à t'accompagner pour s'en assurer.


Elle sourit, bien heureuse que ce ne fut pas le cas effectivement, comment aurait réagi sa tante à la vue de sa petite fille un verre de liqueur à la main ?

Qui l'eût cru qu'un jour, une grande chèvre me renverserait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant