16. Ne serais-je pas dans de beaux draps ?

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- Tu veux reprendre les cours Solius ?


Harmonie s'adosse à la façade de sa maison, ses yeux vairons me dévisagent avec curiosité.


- J'étais en terminale avant de mourir du coup, je n'ai pas de diplôme, rien qui me permette de travailler et euh... Il faut bien gagner sa vie pour se nourrir ici.

- Je comprends ce que tu veux dire, malheureusement, il faut trotter assez loin, le lycée le plus proche est en ville.


Elle pointe du pouce les collines encadrant le complexe de villages et de champs, tout autour de nous. Au delà pointent des sommets bétonnés, vaguement noyés dans un drôle de brouillard grisâtre et mouvant. Ce morceau d'horizon est presque intimidant.


- La Ville est à l'Ouest, après la Grande Place du marché, tu peux payer une navette pour t'y rendre. C'est là bas que j'ai été pour mes études.

- Ah ? C'est plutôt semblable à l'école que j'ai connue tu penses ?

- Tu verras bien ! (elle sourit, amusée) Dans le monde d'en bas, je venais du siècle dernier tu sais.


Je me décompose. 


- Un jour dans ce monde en vaut cinq dans l'autre, tu ne le savais pas encore ? Je suis arrivée ici il y a douze ans moi.

- Avec FuryFuryus on avait nos théories... C'est bon à savoir n'empêche !

- C'est surtout important de s'en rendre compte avant d'aller en ville, la vie tourne à mille à l'heure là bas.


Elle semble avoir de la peine pour moi.


- Tu étais déjà presque majeur à ton arrivée, si tu avais été plus jeune, tu aurais été pris en charge dans un foyer, pour les jeunes adultes réincarnés, il existe des aides sans doute, je peux te passer quelques adresses si tu veux.

Elle ne me laisse pas le temps de répondre vraiment qu'elle s'enfuit dans son salon, laissant la porte grande ouverte. Je fais quoi, je la suis à l'intérieur ou je l'attends bien sagement sur le palier, pantois ?


Dans le doute, je reste immobile à compter l'herbe sous mes pieds, sa maison a été construite sur un terrain immense, il y a une vieille grange derrière et des enclos tout autour. Un de ceux-là m'interpelle, j'ai cru qu'il était vide quand en plissant les yeux, j'ai aperçu une tache minuscule au milieu, c'est peut être un chien de garde pour le bétail, je me demande si tout ça est à elle ou si elle habite en fait avec ses parents adoptifs. Le bout de l'entrée est assez rustique, les couloirs sont semés de photos de famille, une horloge comtoise se dresse au fond, le cadran est un portrait en noir et blanc d'un couple et de leurs deux enfants. Elle n'est pas fille unique alors. Je n'ai jamais eu de frères ou sœurs pour ma part, ma chambre avait été mon jardin secret à moi tout seul et de temps en temps, elle était devenue une colocation lorsqu'Orius venait dormir des week ends entiers chez moi. 


Je secoue la tête, me concentrant sur le paillasson à l'entrée, il a l'air tout neuf, à peine coloré par la terre des semelles. J'entends finalement Harmonie qui trottine jusqu'à l'escalier, elle s'écrie :

Qui l'eût cru qu'un jour, une grande chèvre me renverserait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant