18. Fin des épreuves, qui ça intéresse ?

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- Tu as vu ce monsieur Cordon bleu-lius ?

- HEIN ?

- Monsieur Cordélius pardon (il se prend la tête entre les mains), j'ai toujours autant de mal avec les prénoms je crois aha !

- (le rire reste coincé dans ma gorge, je déglutis) 

- Ça va Soso ?

- Oui, oui, pourquoi, j'ai l'air bizarre ?

- Non, ça n'a pas l'air d'aller, constate-t-il avec une mine grave, en temps normal déjà, tu m'aurais menacé de ne plus jamais t'appeler comme ça !


Il n'a pas tort, depuis la première épreuve de ce matin, j'étais comme éteint, ailleurs. Je m'étais tellement échauffé la cervelle sur des nombres et des lettres énigmatiques qu'à la deuxième sonnerie, mon corps s'était levé de lui-même, complètement dissocié de mon esprit, pour aller rendre une feuille tremblante et humide aux surveillants. Ces derniers m'avaient alors dévisagé en constatant une des bordures complètement froissée entre mes doigts en pleine crispation.


- T'es un peu pâle nan ?


C'est comme si on rembobinait le temps, j'ai un souvenir effacé de mon ami qui se penche vers moi, agitant sa main avec inquiétude. C'est déjà la deuxième épreuve, je recroise le seul visage familier de mon groupe, la fille haute comme trois saucissons. Elle me sourit timidement, rangeant la totalité de ses cheveux derrière ses oreilles.


- Ça s'est bien passé ce matin pour toi ?


Ma salive est pâteuse, je hausse les épaules, ne sachant que répondre.


- Je verrai bien mais je pense que ça a été, je tente avec un sourire assez peu convaincant.

- Il faut, il faut ! Le directeur compte sur nous !


Je ne partage pas son enthousiasme et m'éloigne pour broyer du noir seul.



*

Solius migre à l'écart du groupe, sa tête douloureusement bourrée de tourmentes, chargée d'une peur qui prend de plus en plus de place. Depuis la convocation en fait, il était sous pression, constamment, constamment il avait le poids des études qui le malmenait comme s'il fut un fil de fer rouillé qu'on tord, qu'on déforme pour qu'il assimile. Et le buffet qu'était cette école était toujours bien garnie pour le plus efficace des gavages.


Mais lui n'était pas le plus efficace des moules, il avait dores et déjà atteint l'indigestion depuis longtemps. 


Il attend juste que le cauchemar s'achève, transi d'angoisse.


Il est loin d'être le seul dans son triste cas alors pourquoi on se soucierait de lui plus qu'un autre ? Non, vraiment, il n'y a rien à voir.



*

FuryFuryus relit ses fiches, son pied tapant frénétiquement le sol. Il passe en revue mentale les formules, les unités, les méthodologies, les définitions, les processus, les formules chimiques, il est optimiste quant à ses futures notes, il ne sait que ça être optimiste. Puis c'est Solius qui lui revient et son air absent de ce midi dans le réfectoire où il n'avait pipé un seul mot.

Qui l'eût cru qu'un jour, une grande chèvre me renverserait ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant