Chapitre 20

530 40 2
                                    

Cynara ouvrit le battant de gauche de l'entrée principale du lycée, puis fit rapidement un repérage des lieux à la recherche d'un étudiant susceptible de la provoquer pour lui faire du mal. Personne. Cynara apprécia grandement la désertion du couloir à cette heure matinale. À chaque fois qu'elle franchissait le seuil de cette porte, elle se mettait aussitôt dans un état d'anxiété pas possible et cela se répercutait sur son physique. Elle entourait son buste avec ses bras, comme pour se protéger, elle courbait le dos et baissait la tête afin de ne voir personne, ou plutôt pour ne pas être vue, elle se mordillait les lèvres et parfois, elle en venait à bégayer quand un élève ou un professeur exigeait d'elle une réponse sur le moment.

Ses harceleurs avaient instauré un cercle vicieux autour de Cynara. À force de coups, d'humiliations, de moqueries et d'actes barbares, ils avaient réussi à conditionner le mental leur camarade en faisant naître de l'angoisse chez elle dès qu'elle pénétrait dans le lycée, mais également à conditionner son corps. Elle adoptait cette position de soumise au sein du lycée et dès qu'elle en sortait, sa silhouette retrouvait sa position naturelle. Cependant, comme elle était seule dans le lycée à cet instant, elle pouvait se permettre de marcher normalement et de ne pas courber l'échine comme elle avait l'habitude de le faire pour paraître plus petite, pour se fondre dans le décor afin de devenir invisible aux yeux de ses tortionnaires. Évidemment, cela ne loupait jamais et bien au contraire, excitait Maxim et sa bande. 

Cynara gravit les deux escaliers qui menaient à la bibliothèque déserte elle aussi, à cette heure matinale. C'était rare qu'un étudiant se trouve à Lomonossov avant 07 h 30 du matin. Seule madame Arov, la bibliothécaire et son assistant David, un beau lycéen qui travaillait là lorsqu'il n'avait pas cours, arrivaient parmi les premiers pour investir les lieux. La jeune femme ne le trouvait pas mal du tout, mais elle ne se faisait aucune illusion. Le garçon ne daignait jamais la regarder, même quand c'était pour la renseigner et les rares fois où il confrontait son regard au sien, c'était pour l'aviser avec dégoût à la limite de l'écœurement, comme si sa silhouette était tellement difforme qu'elle donnait la nausée au premier coup d'œil. 

Le beau David était brun avec des yeux clairs et son allure sportive plaisait à Cynara, mais la silhouette du jeune homme attirait toutes les lycéennes. En plus d'être beau, David avait tout pour lui ; intelligent, sportif, bon étudiant, travailleur, sa famille était fortunée et réputée à Saint-Pétersbourg. En plus d'être l'élève ayant les meilleures notes scolaires de Lomonossov, il était l'étudiant adulé par les universités du pays qui lui faisaient la cour pour qu'il vienne poursuivre ses études dans leurs facultés. Malheureusement, ce n'était pas Cynara qui aurait cette chance. Non, elle, elle devait chercher et trouver un emploi pour payer son logement minable et ridiculement petit afin de ne pas finir à la rue, car monsieur Babkine lui a fait perdre sa seule source de revenu en la mettant en retenue et tout ça, c'était encore à cause de Maxim !

— Bonjour, madame, salua poliment Cynara en se présentant devant la banque qui lui arrivait à la poitrine.

— Bonjour.

Madame Arov, dont les cheveux gris encadraient son visage émacié, avisa la rousse par-dessus ses lunettes aux verres octogonales à la monture épaisse, tout en pinçant ses lèvres ourlées outrageusement peinturlurées de rouge carmin. David, lui, ne daigna pas lever ses yeux sur Cynara, trop occupé à scanner les codes-barres des nouveaux livres qu'ils avaient reçu la veille avant de les ranger dans les rayons.

— Que voulez-vous cette fois-ci ?

À croire que Cynara les dérangeait ! Quel toupet ! Après tout, la bibliothécaire était là pour renseigner les élèves et non pour lui faire comprendre qu'elle l'importunait !

Inferno PredatorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant