Des marques par dizaines

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Chapitre 4

Des marques par dizaines

[ΑΤΗ]


Les talons de ma collègue claquent contre le parquet dans un rythme sans fin et c'est sacrément agaçant surtout quand je suis affublée d'une migraine de cheval. J'aime sortir, aller en boîte ou faire des soirées, j'adore les rencontres qui s'ensuivent. Je soupire et essaye tant bien que mal de me concentrer sur mon écran. Je bois peu quand je sors, ma devise « être toujours raisonnable avec l'alcool sinon c'est black-out sur les moments les plus intéressants de la soirée» par contre, la musique m'a bien sifflé les tympans. J'essaie avec difficulté d'ignorer les acouphènes, ce petit son m'agace soudain, ça me saute aux yeux. Depuis quand je fais attention à mes acouphènes ? D'habitude, je me sers pour oublier mes collègues, qu'est-ce que la soirée d'hier a de différent ? J'ai rencontré des gens, des nouveaux comme des habitués, le son était aussi fort que d'habitude, les corps bougeaient de la même manière sur la piste et puis... A oui, je m'en souviens maintenant, il y avait cette belle blonde décolorée, une vraie déesse. Les images explosent dans mon cerveau et s'accaparent toute la place dans ma tête, elle était si belle, sa taille était parfaite pour mes bras, sa peau était si douce sous ma bouche, je me lèche les lèvres en y repensant.

Bref maintenant que j'ai remis un peu d'ordre dans ma tête et ma mémoire, je vais essayer de me concentrer un minimum sur mon travail, au moins jusqu'à la pause de midi. Elle met du temps à arriver d'ailleurs. J'ai l'impression de plus regarder l'heure plutôt que les nombreuses pages Excel et recherches ouvertes.

Rien n'a de sens pour moi à cet instant. Aller Atë ! Je me donne une claque mentale mais je sais que c'est peine perdu, je ne pourrai pas me concentrer avant la pause déjeuner, peut-être après. Je peux au moins faire semblant. Je tape les touches au hasard pendant que mon esprit quitte définitivement les lieux, dans ma tête, je suis dans une boîte de nuit à Dubaï ou encore invité à une pool party aux Etats-Unis. J'ai beau adorer la présence des autres, ceux-ci ont tendance à m'éviter, il parait que je ne suis pas fréquentable car trop frivole, la belle affaire.

- Atë ? Tu manges avec nous ?

Evidemment, il faut que quelqu'un me coupe au meilleur moment ! Je cligne des yeux pour chasser la brume puis me tourne vers mon interlocuteur, c'est notre nouveau collègue Raphaël. Je comprends mieux, il ne sait pas encore que je suis classée dans les mauvaises têtes de l'entreprise. Je soupire un bon coup et accepte sa proposition, c'est plus marrant de manger avec quelqu'un, je dois profiter avant qu'il ne me lâche.

- J'arrive, attends je prends mon sac.

Je sens les regards jugeurs sur ma personne, ils sont lourds mais leur poids est parfaitement habituel pour moi contrairement à mon nouveau compagnon qui semble bien nerveux. La salle de pause est spacieuse, chaleureuse et très confortable avec des tables de différentes formes, ses chaises dépareillées, j'ai un peu l'impression d'être chez mes grands-parents. On s'installe tranquillement, je pars faire chauffer mon plat puis on mange, la discussion se lance. On parle de tout et de rien, boulot, anecdotes, loisirs, ça aurait pu être normal et terriblement banal si les autres n'avaient pas débarqué. Je crois que le temps est écoulé, c'était comme même un bon moment, aucun regret ni remords merci Raphaël !

Je range mes affaires même si je n'ai pas fini, je terminerai mon repas devant mon bureau, les autres me regardent de la tête aux pieds, je suis trop belle, c'est pour ça. Je ricane dans mon coin et me réinstalle à ma place, je continue mon déjeuner comme si de rien était, ils peuvent bien jouer et retourner tout le monde contre moi, moi au moins, je suis libre.

Je suis déjà plus concentrée que ce matin, je corrige les erreurs bêtes, réécris des lignes, complète des colonnes jusqu'à ce qu'une présence se plante à mes côtés, c'est mon cher collègue. Je prends la peine de le regarder droit dans les yeux, il est perdu, mes lèvres se courbent d'elles-mêmes dans un sourire que je sais narquois.

- Je suis quoi maintenant ? Je te dégoûte ? Grand bien te fasse, saches que j'en ai rien à faire de ce que tu penses. Bonne après-midi !

Puis je reprends mon boulot. Il ne dit rien et retourne à sa place franchement, quel mouton. Il a peur, je lui fais peur et ça me plais, dans ce monde pourri fait d'amour gratuit, je suis l'électron libre qui vibre loin de tous les autres. Mes oreilles ne sifflent plus, j'entends tout.

Attention tout le monde, Atë est de retour.

...

Au final c'était une journée de travail comme les autres, tous me dévisageaient comme d'habitude et je me suis bien amusée à les snober. Loin de moi l'idée d'être hautaine mais je déteste les gens qui donnent leur avis sans y être conviés. Leurs commentaires me sont passés au-dessus de la tête, leurs regards jugeurs, je les ai ignorés en beauté et leurs grimaces m'ont plus fait rire qu'autre chose.

Quand dix-huit heures sonne, ma journée est terminée cependant, je décide de prendre mon temps pour ranger mes affaires et partir après tout, il n'y a personne qui m'attend. Dans la rue, les regards de certains passants se collent à moi, les enfants me pointent du doigt et leurs mères les éloignent. Des hommes me sifflent comme quoi même un monde d'âme-sœur n'empêche pas le harcèlement de rue. Ils ont beau dire que le monde est magnifique, que les âmes-sœur sont le summum de l'amour, ce n'est pas vraiment synonyme de fidélité. Mais qui suis-je pour juger ?

J'ai la tête haute, dans ma vie, c'est moi qui mène la danse.

Je passe en coup de vent à l'épicerie pour remplir un peu mes placards puis rentre à la maison, enfin. Je ferme un peu violemment la porte derrière moi, mes chaussures sont jetées dans un coin et ma veste est accrochée au porte-manteau. Je pose mes achats sur la table de la cuisine et m'apprête à les déballer quand mon chat décide de me sauter dessus, il a de la chance que je l'aime bien sinon je l'aurais jeté. Il miaule, ronronne et frotte son museau contre mon épaule, ben voyons, espèce de profiteur ingrat. Finalement je reprends mon activité avec mon boulet calé contre moi, c'est vrai que c'est un peu gênant pour cuisiner mais j'y suis habituée. J'ai envie de légume ce soir, une poêlé et des gaufres salées, ouais c'est bien. Mon chat gigote puis quitte mes bras me laissant plus libre de mes mouvements.

C'est un peu déprimant de manger seul en tête à tête avec son chat mais je suis fatiguée et je n'ai pas envie de sortir. Je regarde donc la télévision en dévorant mon dîner, c'est bon les gaufres. Par contre, l'émission est bof je pense que je vais lire ce soir, ça fait longtemps et puis, c'est reposant. Je finis mon assiette, fais la vaisselle, éteins la télé, kidnappe mon chat et cours dans ma chambre pour me jeter dans mon lit. Quelle journée de merde, je me lève, me déshabille et cherche un livre à lire dans ma bibliothèque. Mon choix se porte finalement sur un classique de la littérature, du Jules Verne, je suis sûre que si j'avais des amis ils diraient que mes goûts littéraires ne vont absolument pas avec ma tête et mon caractère.

Allongée sur mon lit, je regarde mon reflet sur le miroir adhésif collé au plafond, je vois ce qui gêne les autres. Mon sourire est grand après tout, qui peut se vanter d'avoir une dizaine de marques qui décorent son corps ?























Les chapitres sont encore un peu courts mais ça va augmenter au fil de l'histoire. J'espère qu'Atë vous plaît.

PyrrhosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant