Pyrrhos

La vie est une immense boule de nœuds

Chapitre 5

La vie est une immense boule de nœuds

[ΜΕΛΙΟΝΕ]

C'est le numéro de cette fille.

Un simple petit bout de papier m'a empêché d'atteindre le sommeil réparateur que j'avais tant attendu durant la journée et me voilà maintenant dans un état pire qu'hier. Le compte à rebours continu et mes recherches aussi, je n'ai pas le choix. Le reflet dans le miroir me montre l'étendue des dégâts, c'est laid, affreux, j'ai une tête à faire peur, mes chances de travail s'envolent très loin. Qui a assez de cran pour embaucher un zombie ?

Je prends une douche froide qui a le mérite de complètement éliminer le sommeil en moi puis je passe au maquillage pour camoufler mes horribles cernes violets. Mais il faut croire que je ne suis pas très douée avec des pinceaux parce que c'est pire qu'avant, je me démaquille dégoûtée. Que faire ? Je ne peux définitivement pas postuler avec une tête pareille mais je ne peux pas me permettre un jour de repos non plus, le temps est compté et mes comptes bancaires ne sont pas infinis. Je me cogne contre les murs, peut-être que je vais trouver la solution ? Je suis clairement dans une impasse et la plus grosse que je n'ai jamais connue de ma vie.

Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? J'ai décidé de me reposer pendant la matinée et de continuer les recherches cette après-midi mais il semblerait que mes exigences soient trop élevées pour l'univers. Mon téléphone vibre, l'écran s'allume, je viens de recevoir un message et pas de n'importe qui mais de lui. Sérieusement ? Ça fait deux jours que je suis partie et ce n'est que maintenant qu'il s'en rend compte ?

• T'es où ?

• Réponds quand j'appelle !!

• MELI RAMENE TOI

• QU'ES TU FOUS ?!

Que dois-je faire ? Je n'ai pas envie de le revoir. Est-ce que je le supprime ? Mon doigt survol l'écran, le supprimer... ça signifie tout recommencer, je le raye complètement de mon monde matériel. Un à un, je supprime les messages, la longue conversation que j'entretenais avec lui disparait petits bouts par petits bouts, les récents messages ivres jusqu'aux vieux mots d'amour. Puis enfin, je bloque le contact, il n'existe plus.

Cinq minutes pour réaliser mon geste. Je suis seule, livrée à moi-même dans cette ville que je ne connais pas. Repartir de zéro, ça va être long, très dur voire carrément ardu, j'ai l'impression que tout le courage que j'avais emmagasiné vient de disparaitre. Qu'est-ce que je vais faire ? Pour la première fois depuis que je suis partie, j'ai envie de pleurer et pourtant, les larmes refusent de se former, c'est agaçant de ne pas pouvoir faire couler ma frustration et ma peur, j'ai envie de fuir.

L'inconnu, c'est terrifiant. Jusqu'à maintenant, l'avenir ne m'avait jamais fait trop peur tout simplement parce que je savais des choses, je savais à peu près de quoi demain sera fait mais maintenant ? Je ne sais plus de quoi mon demain sera fait, est-ce que j'aurai encore un toit sur la tête ou bien je serai forcée de me trouver un abri ? Je ressens pour la première fois depuis cinq ans, le lourd sentiment de l'incertitude et c'est franchement désagréable.

...

Avec toutes ces réflexions, j'en oublie mon objectif principal, me reposer. Et à midi au lieu de sentir la faim me tordre le ventre, c'est une autre douleur que je connais malheureusement trop bien qui m'accable. Prudemment, je me lève de mon lit puis fouille dans ma trousse de toilette, je croise les doigts pour avoir ce que je cherche. Bingo, mes doigts se referment sur un petit carré de plastique, le soulagement coule dans mes veines, il m'en reste encore. Je cours presque aux sanitaires et constate que mon intuition ne m'a pas fait défaut, j'ai mes règles, un paramètre gênant à ajouter à ma liste de problèmes. J'ai tout d'un coup l'impression d'être submergée, l'impression que la vie m'accable. Je comprends mieux pourquoi la liberté fait peur, il y a tellement de choses à penser pour survivre et rien n'est fait pour faciliter la situation.