Les premiers secrets de l'atypique

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Chapitre 12

Les premiers secrets de l'atypique

[ΑΤΗ]


Elle l'a vu.

J'ai senti ses doigts tout chauds de la douche qui parcourent mon dos, Melione en a découvert un de plus, ma gorge est sèche, lourde, je n'ai pas envie de savoir ce qu'il se passera demain, j'ai peur de la perdre comme j'ai perdu tous les autres. Quand ses mains s'éloignent de moi, j'ai l'impression que c'est elle tout entière qui part mais non, le matelas bouge, la lumière est éteinte puis elle s'allonge à mes côtés, le seul point négatif, c'est qu'elle ne me touche pas.

La peur profonde m'empêche de fermer l'œil, c'est terrible, je suis toujours détestable après une nuit blanche mais je ne veux pas infliger ça à Melione, elle est déjà suffisamment secouée par sa découverte. Dans quelques heures, j'aurai mon verdict, soit elle fait comme si elle n'avait rien vu, soit elle me pose des questions, soit elle part. De mon côté, je vais essayer de faire comme si je ne savais rien, ce qu'il se passe ressemble beaucoup au conte d'Eros et Psyché, c'est flatteur de se comparer au dieu de l'amour mais la suite n'est pas très plaisante. Je ne veux pas qu'elle souffre, c'est moi qu'il est l'habitude de souffrir, ce rôle est le mien. Quand mon réveil sonne, je ne tarde pas à me lever, pour l'instant, elle est toujours là.

...

J'ai une tête horrible, personne n'est jamais vraiment beau après une nuit sans sommeil, mais je sais que ma belle déesse doit être magnifique malgré tout. Je sais qu'elle n'a pas dormi non plus, elle est quand même restée avec moi cette nuit, là où les autres sont partis immédiatement. Ou alors, elle est restée parce qu'elle n'avait nulle part où aller, c'est vrai qu'elle est perdue, elle n'a plus de chez elle.

Je me sens bizarre, difficile de dire ce que j'ai envie de faire à l'instant. Mes doigts se serrent sur le rebord du lavabo, ils vont devenir blancs à force mais je m'en fiche, ce n'est pas important, ce qui est important, c'est de savoir ce qui se cache dans mes yeux, je ne me comprends pas moi-même. Le miroir puis le fond du lavabo, je me croyais plus forte que ça mais, il semblerait que je ne sois jamais vraiment prête à l'abandon. J'ai besoin d'une douche, l'eau devrait me changer un peu les idées avant le départ fatidique. Je me sens vide, pas grave, il y a assez d'encre quelque part pour le combler enfin, j'essaie de m'en convaincre.

...

Elle n'est toujours pas levée, sans doute en train de cogiter seule dans mes draps. Je me dirige vers la cuisine et commence à préparer le café, je sais qu'elle l'apprécie avec deux sucres et un peu de lait. Je veux me concentrer dessus mais mes oreilles sont toujours à l'affut du moindre bruit qu'elle peut produire, tout revient toujours à Melione.

Un bruit de porte résonne, des pas sourds font échos sur le sol, elle arrive et je sens mon corps se tendre, je ne me suis même pas mis d'accord avec moi-même sur la façon de me comporter avec elle.

- Atë ?

Et mon corps devient un bloc de glace, je n'aurais jamais pensé qu'elle ferait le premier pas, elle est si sensible et renfermée sur elle-même. Je souffle silencieusement et me tourne vers elle, j'affiche mon plus beau sourire matinal.

- Bonjour Déesse, bien dormis ?

Ce n'est pas si difficile finalement, j'arrive encore à cacher ma peine et ma peur. Elle a les cheveux en bataille et les yeux rougis, elle ne va clairement pas bien, elle n'a pas eu une minute de sommeil et malgré tout, ça m'inquiète. Elle se frotte les yeux avec les manches de son large t-shirt, sa démarche est lente et fatiguée, elle semble sans énergie.

PyrrhosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant