Au port

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Quand je me réveillais, il faisait encore jour, je dirais qu'on est en fin d'après-midi. Je m'étirais et je touchais mon collier, le remonteur de temps. Est-ce que je dois retourner d'où je viens ? Je réfléchissais. J'ai vu des choses horribles ici. Je sais que je n'arriverai pas à oublier tout ce que j'ai vécu. Mais à quoi sert ce collier si je rentre chez moi ? Si mamie me l'a offert, c'est pour que je m'en serve. Dans sa lettre, on dirait qu'elle m'incitait à partir. Elle sait que je souffre depuis la mort de maman. Peut-être qu'elle s'est dit que partir me ferait du bien. Quelle est vraiment l'utilité d'une machine à remonter le temps ? Peut-être pourrais-je le découvrir avant de rentrer chez moi. Je suis bien trop curieuse. Je sais que là d'où je viens, ma famille me manque, ils me manquent aussi. Mais chez moi, je me sens plus à ma place, depuis que ma mère est décédée. Je n'ai pas encore fait mon deuil. Ma mère me disait souvent que parfois il faut partir pour mieux se retrouver. Si maman était là, elle me dirait de rester dans cette époque et d'en apprendre davantage. Oui, c'est sûr, c'est ce qu'elle me dirait de faire. Je vais explorer cet endroit, apprendre les coutumes, les traditions et la langue. Ils ont une autre manière de parler que dans mon époque. Ici il parle avec un ancien français. Finalement je reste pour l'instant, j'ai pris ma décision. En étant ici, j'en ai presque oublier maman ce n'est pas en restant chez moi que je ferais le deuil de maman. Quand j'aurais fait mon deuil et que je me sentirais en paix avec moi même je rentrerais. Je m'habillais et finissais d'accrocher mon corset autour de ma taille. Je posai mes mains sur mes hanches et me répétai que j'allais affronter cette journée. Cette journée ne pourrait pas être pire que ce que j'ai vécu jusqu'à présent. On frappa à ma porte. Bien qu'il soit avancé en âge, il demeure en excellente condition physique. Il attacha ses cheveux bruns en une couette et arborait toujours un vieux manteau marron, qui ressemblait davantage à une cape. J'étais ravie de le retrouver. Edgar se tenait dans l'encadrement de l'ancienne porte en bois.

Edgar : Bonjour ! Il y a un déjeuner dans la salle à manger ! dit-il d'une voix chaleureuse.

Je le remercie et j'allais le rejoindre. Il est vraiment gentil de m'avoir prévenu, ça me réchauffe le cœur de savoir que je compte pour quelqu'un. J'entrais dans la pièce avec cette grande table en bois. Il y avait plusieurs hommes que je n'avais jamais vus. Les seuls que je connaissais étaient Edgar et Oscar, alors je m'asseyais près d'eux et leur souriais timidement. Je ne savais pas quoi dire, j'écoutais les conversations. Ils ne me prêtaient pas trop attention. Et leur discussion n'était pas vraiment intéressante. Surtout lorsqu'ils parlaient de ce que les femmes pouvaient faire ou non. Mais bon...
L'odeur de poisson pourri était encore présente. Il est vrai que parfois je n'y faisais plus trop attention. Edgar avait raison, on finit par s'y habituer. De temps en temps, je pensais à la journée d'hier, mais je faisais tout pour ne plus y penser.

Voix d'homme : Les autres sont partis en ville depuis notre arrivée au port ! dit-il en avertissant les autres.

Au port ? Nous sommes dans un port ! Pourquoi personne ne m'a prévenu ? Je me suis précipité hors de la table. Tout le monde ne comprenait pas ma réaction. Cela fait longtemps que je veux retourner sur la terre ferme. J'étais maintenu à l'extérieur. Il est vrai qu'il y avait moins de vagues. L'eau était calme. Et il y avait beaucoup d'autres bateaux. Au loin, j'apercevais les bâtiments rouges. Je descendais du bateau. Il y avait beaucoup de monde. Les gens parlaient très fort et riaient. Il y avait des sortes de gardes qui surveillaient le port. En les écoutant parler, je me suis rendu compte qu'ils ne parlaient pas français. J'étais sur un sol en pierre. Les femmes portaient toutes des robes longues qui semblaient être des robes d'époque. Elles avaient des coiffures étranges. Les hommes portaient des perruques. J'écarquillais les yeux. J'avais oublié qu'à cette époque, il était à la mode pour les hommes de porter des perruques et des collants. Toutes les femmes me regardaient avec les yeux grands ouverts. Je portais un pantalon. Je touchais mes cheveux nerveusement tandis que tout le monde me regardait, et j'avançais dans les ruelles en essayant d'éviter leur regard autant que possible. Je n'étais plus sur ce bateau, j'étais désormais en ville. Je suis par terre, je ne suis plus entouré d'océan. Plus de bruit de mouettes, de vagues ou de pirates. Je suis simplement en ville. Je me sentais bien, j'avais pris la bonne décision de rester. Quand je pense que si je serais parti j'aurais raté ça. Je crois que les personnes autour de moi parlent anglais. Nous sommes en Angleterre. Je ne suis jamais allé en Angleterre, encore moins à cette époque. Je viens à la base d'un petit village français. Je ne suis pas habitué aux grandes villes. Je suis entré dans une petite boutique qui m'a intrigué, une librairie. J'ai ouvert un livre mais il est écrit en anglais, ce qui est logique après tout. En anglais, je me débrouille bien. Je regardais par la fenêtre quand j'ai vu le capitaine passer tout à l'heure. Mon cœur s'est accéléré en le voyant. Pourquoi est-ce que mon cœur s'accélère quand je le vois ? J'ai décidé de le suivre. Il ne faisait pas vraiment attention à moi. Par moments, il regardait autour de lui, voire même derrière lui, mais il ne m'avait pas remarqué. On dirait qu'il fait tout pour ne pas être suivi. Il adoptait une allure discrète, évitant les grandes rues, sûrement pour préserver son anonymat. Il s'est arrêté devant un bar. Je décidai de rentrer à mon tour. Mais le bar était vide, il n'y avait personne. Au fond du bar, se trouvait un escalier et j'entendais des voix provenant de là-haut. Alors, je décidai d'aller voir. J'entendais la voix du capitaine et une autre voix masculine qui parlait avec un accent.

Léon : Barnabas ! Aidez-moi ! dit-il d'une voix suppliante.

Barnabas devait être l'autre homme avec qui il était. Il semblait désespéré.

Barnabas : De ce qu'on dit des voyageuse du temps c'est que de voyager dans le temps, et notamment dans le passé, cela permet de court-circuiter le destin. Celui qui voyage dans le temps plus vite que le commun des mortels connaît l'avenir et peut y parer ! dit-il.

J'avais jamais pensé à ça c'est vrai du coup je peux savoir ce qui va se passer et le changer. Mais c'est trop de responsabilité.

Léon : Pourquoi alors le remonteur ne marche pas avec moi ? dit-il en posant les mains sur ses hanches.

Il soufflait.

Barnabas : Le remonteur de temps choisi elle-même son voyageur de temps et ainsi de pouvoir mieux fournir ses capacités puisque la collier se sentira plus à l'aise autour du cou d'un voyageur plutôt qu'un autre ! explique-t-il.

Alors le remonteur de temps m'a choisi. Il aurait pu ne pas marcher.

Barnabas : Mais modifier le cours des choses peut être dangereux ! Cela peut avoir des conséquences terrible pour le futur ! Parfois, certains voyageurs ont seulement empiré les choses en essayant de les changer, certaines choses doivent arriver, parfois c'est inévitable !dit-il d'une voix neutre.

Je faisais demi tour pour partir, je descendais les marches silencieusement comme une souris. Certaine marche faisait du bruit et ma respiration s'est coupée, mais il continuait à parler, signe qu'il ne m'avait pas entendu. Une fois en bas des marches, j'ai observé l'endroit plus attentivement. Tout à l'heure, je n'avais pas fait attention à certains détails de l'endroit. J'essayais de m'imaginer le soir quand c'est dépourvues de clients, avec des tables en bois patiné, la lueur des chandelles danserait doucement sur des murs en pierre. Mais la l'absence de clients laissent place à un silence sporadiquement interrompu par le crépitement du feu dans l'âtre, les chaises en bois sont vide. Quand j'entendais une voix qui me paraissait familière, elle venait de l'extérieur. Je sortais du bar le plus rapidement possible tout en restant silencieuse. Mon cœur s'accélérait, c'était impossible. J'étais sortie de ce bar. Et il était là, devant moi, dans cette rue. Je mis ma main devant ma bouche. Il était en pleine dispute. Je voulais bouger mais je n'y arrivais plus. Mes larmes coulaient, mais c'était à la fois des larmes de tristesse et de joie. Je repensais à ce que mamie m'a dit une fois, elle m'a dit qu'un jour je comprendrais et que je ferais pareil que lui. Je ferais pareil que lui car lui aussi il possède le remonteur de temps. L'homme avec lequel il se disputait tourna la tête vers moi, étonné, et lui fit de même. Quand il posa son regard sur moi, je crois bien que j'allais tomber dans les pommes, c'était bien lui, c'était mon frère. Mon frère disparu...

La voyageuse du temps : 1669 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant