Hocus Pocus (Alhaitam x Kaveh)

Chapitre 9

Kaveh tourna la tête vers Alhaitam, s'attendant sûrement à le voir lui jeter un regard rempli de reproches. Mais le grisé se sentait serein, soulagé même. Il leva la tête vers le ciel et ferma les yeux en prenant une grande bouffée d'air. Ce n'était pas le comportement qu'on attendait d'une personne cernée par des ennemis mais Kaveh le connaissait et savait qu'il se montrait parfois insouciant, confiant sur ses capacités à se sortir de ce genre de situation.

Alors le scribe prit quelques secondes pour profiter de l'air libre, pour apprécier le vent caresser son visage collant et poussiéreux, pour écouter les oiseaux curieux qui étaient perchés sur les arbres et qui attendaient de voir qui finirait victorieux. Il rouvrit les yeux et sourit à Kaveh, ayant soudainement une forte envie de rire.

— Tes plans sont aussi bancals que ta manière de ranger les livres de ma bibliothèque.

Kaveh secoua la tête à la négative et croisa les bras.

— Je trouve simplement que c'est plus logique de les trier par ordre alphabétique plutôt que par discipline, répondit-il avec professionnalisme. (Puis il observa les érémites qui n'avaient pas encore bougé, comme s'ils attendaient qu'ils finissent de se disputer, et sourit à son tour.) T'en fais pas pour mon plan. Il n'est pas encore arrivé.

Et comme si c'était le signal, une personne surgit par la droite, provoquant la panique chez quelques érémites.

— C'est le général mahamatra, murmurèrent certains.

Ils semblaient avoir perdu leur détermination et Cyno s'en délecta. Il mit son masque et frappa le sol de son bâton, se chargeant d'électricité comme pour les impressionner.

— Seul Shatir mérite d'être châtié..., dit-il en lançant un regard à ses amis, comme pour savoir si son jeu de mots était approuvé.

Mais aucun d'eux ne bougea, il sembla même qu'un silence de plomb régnait désormais autour d'eux, comme si la nature elle-même avait décidé de fuir son humour douteux.

Cyno ne se démonta pas pour autant et ajouta que si certains voulaient abandonner, il était encore temps. Seuls deux érémites prirent leurs jambes à leur cou, connaissant visiblement la réputation de Cyno. Les autres devaient vouloir prouver leur valeur. Des inconscients.

Puis le groupe se sépara pour laisser passer un homme vêtu d'une longue tunique verte : Shatir. Il observa Cyno avec un certain mépris puis leva les bras en tournant sur lui-même.

— Je connais votre réputation général mahamatra. Mais mes hommes sont nombreux, vous n'avez aucune chance tout seul. D'autant plus que Kaveh et le scribe n'ont pas l'air en très grande forme physique.

Alhaitam sourit, Kaveh serra les dents. L'un trouvait cela ironique, l'autre était touché dans son orgueil. Et Cyno quant à lui, se mit soudainement à rire. Il pointa un endroit en hauteur avec son bâton et prit la parole.

— Je ne suis pas venu seul.

Alhaitam observa dans la direction indiquée et sourit de plus belle en voyant deux archers perchés sur la branche d'un arbre. Tighnari et Collei avaient le bras tendu vers Shatir, concentrés, prêts à lâcher leur flèche à tout moment. Puis une voix aiguë, insupportable, qu'il connaissait bien, retentit soudain, apportant avec elle du soulagement.

— Ayo ! On est là nous aussi ! beugla Paimon.

Une tête blonde apparut, croisa son regard et fit un mouvement de tête pour le saluer. Alhaitam y répondit, se demandant ce que la voyageuse faisait là. Mais il était content que toutes les personnes qu'il appréciait se soient réunis pour mettre un terme aux agissements de Shatir.

D'ailleurs celui-ci perdit peu à peu son sourire, se tournant vers les érémites pour leur ordonner de les tuer. Et alors que le combat s'engagea et que tous leurs compagnons s'allièrent pour venir à bout des soldats, Alhaitam suivit des yeux sa cible et contourna le combat pour la poursuivre. Shatir monta une côte en trottinant, visiblement pressé de mettre le plus de distance possible entre le lieu du combat et lui. Il voulait passer inaperçu, qu'on l'oublie. Mais Alhaitam ne comptait pas le laisser partir. Le chercheur devrait faire face aux conséquences de ses actes.

Lorsqu'ils furent tout en haut d'une falaise, ce dernier s'arrêta et se retourna, ayant sans doute senti la présence du scribe qui ne s'en cachait pas.

— J'aurais dû m'en douter..., lâcha-t-il en se donnant de faux airs d'assurance.

Ils se faisaient face, se toisant du regard en silence. Alhaitam ressentait de la colère envers lui, du dégoût. Pas pour ce qu'il lui avait fait. Mais pour ce qu'il avait eu l'intention de faire à Sumeru et à ses habitants. Comment en était-il arrivé là ? Au point de vouloir du mal à des innocents. Au point de vouloir détruire une ville qui lui avait offert une vie respectable.

Dans les yeux de Shatir, il lisait de la colère aussi, mais surtout, de la culpabilité que l'homme devait essayer d'enfouir mais que ses yeux révélaient tout de même.

Kaveh brisa soudain cet affrontement visuel en venant se poster aux côtés du grisé.

— Suivez-nous jusqu'à Sumeru sans faire d'histoire Shatir, dit-il. Vous avez perdu. Quel choix vous reste-t-il sinon répondre de vos actes ?

Les épaules du chercheur retombèrent, signe qu'il s'avouait vaincu. Il baissa la tête un instant, la releva pour fixer Kaveh et répondit :

— Vous avez raison Kaveh, j'ai perdu. Vous m'avez eu. Moi qui vous croyez naïf...

— Les gens savent de moi que ce que j'accepte de montrer, dit l'architecte en croisant les bras.

Shatir ne dit rien, se contenta de mettre une main dans sa poche tout en les regardant tour à tour. Ce qu'il en sortit ne leur était pas inconnu. Après tout, Kaveh en avait utilisé sous terre un peu plus tôt.

— Je ne vais pas vous suivre jusqu'à Sumeru, déclara le chercheur. J'en suis navré.

Il activa l'objet qu'il avait dans les mains et le jeta vers eux. Alhaitam et Kaveh se regardèrent, prirent une décision silencieuse, la seule option qu'ils avaient. Ils se retournèrent et coururent. Et juste avant l'impact, Alhaitam tourna la tête vers Shatir et eut le temps de le voir se faire attraper par Cyno. Il sourit malgré lui et voulut baisser le son de son casque.

Trop tard.

Il sauta et l'explosion retentit.