D'une grande curiosité, je me décide à arpenter les allées des boutiques d'objets inconnus ou étranges que j'avais longé plus tôt sur la place. La "Boutique de l'Angle", celle la plus proche de la salle de spectacle, vendait principalement des vêtements et des objets de sports ordinaires comme des balles ou des haltères par exemple. Quelques tenues moins ordinaires étaient aussi présentes, il y avait notamment des habits pour géants ou encore des collants pour lamias, des femmes grecques avec le bas du corps d'un serpent.
La deuxième, nommée "Chez Hortense", était une boutique d'articles de combats assez spécifiques. Une petite partie, à gauche, entreposait des objets pour humains, on y retrouvait notamment des épées, des flèches, ou bien des pièces d'armures. Mais, la grande majorité des articles était sur la droite. Tout était destiné à des êtres aux pouvoirs surnaturels comme moi ou aux personnes ayant développé des excroissances leur laissant peu de choix de tenues et de matériel de combat. On y retrouvait notamment des combinaisons ignifuges, des gantelets éboutés permettant aux êtres dotés de griffes de se protéger les mains ou même des tee-shirt ouverts au dos pour déployer ses ailes et des pantalons laissant passer les queues. Un article avait attisé ma curiosité, c'était un mannequin d'entraînement.
La vendeuse vient me voir et me confirme qu'il résiste au feu et ne conduit pas l'électricité. Malheureusement, l'article est trop cher, je ne peux pas encore me l'acheter.
Le "Bag'z Bazar" était la troisième et dernière boutique de l'allée. Comme son nom l'indiquait, elle vendait plus ou moins de tout, dont beaucoup d'objets étranges et énigmatiques. On pouvait trouver de la crème hydratante pour squelettes, des exemplaires du Clavicula Salomonis, des bois de némédiens, des bandes pour momies ou encore des wara ningyo, poupées vaudous japonaises. Il y avait aussi un coin alimentaire avec des baies de guarana, des graines de jinmenju et des lotos.
Alors que je m'attarde sur un élastique pour cheveux, la marchande m'alpague :
- Trop bien, j'ai déjà un nouveau client alors que c'est tout juste la rentrée ! Comment tu t'appelles ?
- Calín. Répondis-je après un moment d'hésitation.
- Trop cool ton nom ! Moi c'est Bag'z ! Tu cherches quelque-chose en particulier ?
Alors que compte répondre que je visite juste l'endroit, elle me propose des tonnes d'articles tous aussi étranges les uns que les autres :
- Alors j'ai des poils de kitsune, du sable de lacovie... ou alors tu veux quelque-chose de plus maléfique ? M'interroge-t-elle, un sourire taquin aux lèvres.
Sans pouvoir répondre, elle continue son énumération :
- J'ai des cendres de vampires, de la draconite... Je pense même que j'ai une écaille de lyngbakr dans l'arrière-boutique.
- Euh, excusez-moi mais je n'étais pas venu pour ça à la base. Expliqué-je finalement à la jeune femme.
- Oh je vois, peut-être qu'un œuf de nâga pourrait te convenir dans ce cas ? J'ai aussi du fromage originel...
- Désolé, j'avais oublié mais je dois rejoindre un ami, au revoir madame... La coupé-je alors qu'elle me montrait son fromage à l'odeur désagréable.
- Oh, très bien. À bientôt, dans ce cas, Calín. Répondit-elle.
Je quitte sa boutique, déçu de mon comportement et de mon mensonge. Ne voulant pas qu'il me pèse longtemps sur la conscience, je me fais la promesse de revenir la voir une prochaine fois, quand je serai enfin en mesure de parler aisément avec quelqu'un. Bag'z est encore trop sociable pour moi qui n'a parlé à quasiment personne durant quatre ans.
Une fois sorti du bazar, je me dirige vers les différents restaurants et cafés. Un grand restaurant dans le style d'un diner américain attire un bon nombre des élèves, ce lieu regorge de demi-dieux et créatures en tout genre. Ne voulant pas me joindre à cette foule, je décide de rentrer dans un petit restaurant plus calme et commande le plat du jour : hamburger et frites, un bon repas qui fait plaisir dès la rentrée.
Une autre personne est seule dans le réfectoire, elle est plus petite que moi avec la peau mate et des cheveux assez particuliers. En effet, sa coupe au carré a un côté vert émeraude et l'autre gris argenté. Un cercle doré avec des symboles triangulaires est posé sur sa tête. Ses yeux sont verts tout comme l'amulette accrochée à son cou. Si je ne me trompe pas, c'est un hei-tiki, un porte-bonheur polynésien. Sa couleur verte laisse supposer qu'il est en jade, symbole de la guérison. Elle porte un haut argenté avec des lanières dorées comme son diadème, une jupe verte et des sandales grecques dorées.
Comme nous ne sommes que deux dans la salle, nos regards se croisent plusieurs fois. Au bout d'un moment, elle prend l'initiative, se lève et vient s'asseoir à ma table.
- Toi aussi tu n'aimes pas trop la foule ? Demande-t-elle en souriant.
- Je ne suis pas habitué à rester au milieu d'une foule effectivement, et surtout à leur parler.
- Et avec moi ? Ça te dérange si on parle ? S'enquiert-elle, soucieuse.
Sa mine chagrinée me déstabilise complètement alors je lui réponds que ça ne m'embête pas du tout.
- Super, merci ! Et alors, pourquoi t'as peur d'aller là-bas ? M'interroge-t-elle en montrant le diner.
- Les gens me jugent sur mon apparence, les éclairs les intimident souvent. Et toi ?
- Pareil ! Les gens me trouvent bizarre à cause de la coloration de mes cheveux. Ça m'énerve, j'aimerai trop y aller dans ce restaurant ! J'ai cru comprendre qu'ils faisaient des plats du monde entier pour satisfaire tous les élèves. J'espère qu'ils font du poulet fafa !
- Du poulet fafa ?
- C'est une spécialité de Polynésie.
- Oh sérieux ? Tu viens de Polynésie ? J'aimerai trop y aller un jour, les paysages sont magnifiques qu'importe l'île.
- Oui. Ma mère est Hine-Tu-Whenua. C'est la déesse polynésienne du vent. Et toi, t'as aussi des divinités comme parents ? Tu ne ressemble pas vraiment à une créature malgré tes éclairs.
- Oui, mon père c'est Catequil, le dieu inca du tonnerre. C'est avec ses pouvoirs que je me suis fait ces marques sur les joues. Ma mère, en revanche, était une humaine.
- Oh, je vois, je suis désolé pour toi...
- Pas de problème, ça fait longtemps, j'ai déjà surmonté cette épreuve. Et toi alors ? Ton père aussi c'était un humain ?
- Mon père... c'est personne. Répond-elle sèchement.
Son regard se plonge dans le vide pendant quelques secondes puis Maya déclare :
- Je m'excuse, je dois partir. Au revoir.
Malheureusement, je suppose que j'ai parlé d'un sujet sensible. Et d'autant plus sans avoir eu aucun tact. Je suis vraiment triste d'avoir gâché cet échange qui avait pourtant si bien commencé. J'aimerai bien revoir cette fille à qui je n'ai même pas demandé son prénom, au moins pour m'excuser de ma question déplacée.
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Relations Inter-Mythologiques : Les Sceaux de l'Apocalypse
Fantasy(La couverture est à revoir) Dans cet univers, toutes les mythologies du monde coexistent. Malgré la difficulté de la tâche, les humains ne sont toujours pas au courant qu'une pléthore de dieux et créatures existent aux quatre coin du monde, certain...