Chapitre 13: La 111e lettre

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(NB : Chapitre difficile, prenez soin de vous <3)


« Ma belle,

Ces derniers jours ont été difficiles. L'idée de t'avoir perdu, sans même t'avoir réellement eu m'est insupportable. Je suis empli de regrets. J'aurais dû profiter davantage de ces moments, ne pas me dire qu'ils se répéteraient mais les apprécier pour leur unicité.

Mais tu as fait ton choix et je n'aurais d'autres issues que de le respecter. Peut-être est-ce mieux ainsi ? Tu mérites quelqu'un qui pourrait te dire toutes ces choses en face, qui ne se cacherait pas dans son bureau, au milieu de la nuit, pour écrire ces fichues lettres que jamais personne ne lira. Qui s'y intéresserait ? Je ne suis qu'un minable, un lâche incapable de faire face à la femme qu'il aime. Il m'a fallu deux ans pour t'aborder, il me faudra l'éternité pour t'oublier. Peu importe, je m'y refuse.

Pourtant, je dois faire face à un choix cornélien. Le cœur ou la raison. Couper ces caméras ou les laisser.

J'ai dû me faire violence pour ne pas être tenté de t'épier cette semaine. Ce constat me dégoûte moi-même. Je déteste faire ça. Mais je n'ai pas pu m'y résoudre et me suis emporté par la voie de la facilité. Vérifier que tu ailles bien à travers des caméras est facile, bien plus que de te confronter et voir ton refus en face.

Je ne suis qu'un lâche. Je ne te mérite pas. Mais je décrocherais toutes les étoiles de cet univers pour les mettre au-dessus de toi. Tu serais définitivement le centre de la galaxie, ma lumière, mon étoile. Alors tout s'écroulerait, baigné dans les abîmes. Tu serais là, une reine blanche, jalousée par le lune et faisant pâlir le soleil.

Je donnerais tout ce que j'ai pour une seconde chance.

L'espoir d'entendre mon téléphone sonner m'a maintenu éveiller des jours entiers. Je sursautai à la moindre vibration. Un soir, j'ai failli venir te voir, toquer à ta porte et trouver une excuse minable pour te voir, ne serait-ce qu'une minute. En fait, j'étais au pied de ton immeuble. J'ai vu ta fenêtre et me suis rappelé notre premier dîner. Tes volets étaient fermés. Il était tard. Tu dormais, je l'entendais dans mes écouteurs. J'ai marché toute la nuit avant de revenir à mon point de départ. Le soleil s'était levé. J'ignore quelle heure il était. Mon soleil, c'était toi. Je t'ai aperçu près de la fenêtre et j'ai fait demi-tour. J'avais besoin d'écrire.

Dans cette lettre, j'ai énuméré tous les petits détails de ton corps. Je refusais de pouvoir un jour les oublier.

Je serai à jamais honoré d'être celui à qui tu as fait confiance pour ta première fois. Heureux et soulagé de savoir qu'elle s'est faite de cette manière.

C'était ton choix.

Tout le monde ne l'a pas.

Je ne l'ai pas eu.

Je n'en ai jamais parlé, pas même à Amir. Je n'aurais pas supporté de voir son regard s'emplir de culpabilité. Il se préparait à monter sur le trône quand on me demandait seulement de ne pas faire trop honte à ma famille. Régner devait être sa seule préoccupation, et non pas les états d'âme de son frère. Il avait assez d'un pays et d'une mère autoritaire. Et puis il avait déjà le cœur brisé à ce moment-là.

Si je ne te le dis pas à toi, alors je ne le dirai jamais. C'est ridicule, tu m'auras oublié à la prochaine tempête, aussi facilement que la feuille tombe de l'arbre. Je l'ai déjà dit, je ne suis pas celui que l'on choisit.

J'avais dix-neuf ans et cela faisait un an que j'avais rejoint l'armée de l'air du Zahar, après deux ans dans la marine. L'ambiance était différente. Mon lieutenant était un homme tyrannique, de la vieille école, et qui n'hésitait pas à nous mettre en compétition les uns les autres. Mais l'aviation avait été une révélation. À cette époque, je rêvais de devenir adjudant.

J'ignore encore comment la rumeur lui est parvenue, mais il a su que je n'avais jamais touché de femme. Je n'en avais pas honte, l'idée m'avait déjà effleuré, mais je n'en ressentais pas le désir et avoir passé près de deux ans en mer n'avait pas aidé. Les autres soldats avaient trouvé cela bizarre, pour un prince. Ils s'imaginaient tous que mon frère et moi menions la grande vie. Personne ne connaissait vraiment la réalité.

J'étais peut-être vieux-jeu, mais j'avais toujours imaginé ma première fois avec une femme que j'aimerai, ou qui a minima me plairait.

Je ne pensais pas que mon lieutenant se ferait un devoir de me pousser dans le lit d'une fille de joie qui avait deux fois mon âge. Je ne pensais pas que toute ma brigade serait dans le couloir, à l'affût du moindre bruit.

Pourtant...

Je l'avais fait, mon corps réagissant instinctivement. Ce furent les minutes les plus longues de mon existence. Je me souviendrai toujours du visage de cette femme, de son rire qui me striait les oreilles et de ses remarques.

Il m'a fallu des années pour retenter l'expérience, après avoir quitté l'armée cinq ans plus tard. Amir était roi et son refus de se marier faisait craindre pour le descendance. À cette époque, il était plus bas que terre, le cœur brisé. Alors j'ai dû faire face à mes responsabilités de seul héritier potentiel. Le Conseil a fini par juger qu'il était trop dangereux que je poursuive les vols.

J'avais fait une croix sur ces deux aspects de ma vie.

Jusqu'à ce que je te rencontre. Tu m'as donné envie de suivre mes rêves et m'as permis de renouer avec mon traître de corps.

Quand je dis que tu as changé ma vie, je n'exagère pas.

Tu as donné un nouveau souffle à mon existence. Je n'étais plus qu'une coquille vide, enfermé dans une vie que je détestai.

Tu donnes un sens à tout, Violet, absolument tout.

Le vide est immense. Tout est devenu froid et silencieux.

Il faut que je te laisse partir, t'échapper, faire ta vie loin de moi. Briser l'espoir d'un « nous », que j'avais si longtemps entretenu dans mon cœur.

Je t'aime pour l'éternité Violet Wallshire et je remercie chaque jour l'univers de t'avoir placé sur mon chemin.

Ce n'est pas une lettre d'adieu. Je ne serais jamais celui qui mettra un terme à notre histoire. Si un « adieu » doit être inscrit, il le sera par ta main.

Parce que je ne vis que pour toi.

À toi pour toujours,

Nadir el Zahar ».

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