Chapitre 31: Chiromancie

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— Rappelle-moi ce que l'on fait là déjà ?

— J'avais envie de visiter l'université d'État de l'Arkansas, répondis-je en haussant les épaules. Personne ne t'a obligé à venir.

— Et rater ça ? Quel gâchis monumental...

— Cesse de faire le snob et profite un peu. C'est une jolie université, des personnalités y ont étudié.

— Ah oui ? Je serais curieux de savoir qui.

— Rodger Bumpass, répondis-je simplement.

Il s'arrêta en plein milieu du trottoir et fronça les sourcils.

— Qui ? Laisse-moi deviner : une célébrité américaine qui revendique une renommée internationale alors qu'elle n'est pas capable de situer trois pays sur une carte.

Je croisais les bras sous ma poitrine.

— Encore du snobisme... Figure-toi que Rodger Bumpass n'est autre que la voix de Carlo, le poulpe qui déteste Bob et Patrick dans Bob l'éponge. Tu n'es donc aucune culture populaire ?

— Là, c'est toi qui me snobes, rétorqua-t-il.

Je levai les yeux au ciel et nous nous remîmes en marche.

Les rues historiques de Jonesboro avaient le mérite d'être assez jolies et tranquilles.

Nous étions arrivés ici depuis plusieurs jours et, lassée par les heures et les heures de route, j'avais décidé de rester dans la ville jusqu'au mariage de Taylor. La distance qui nous séparait de ma ville natale pourrait être comblée en une journée si on ne s'arrêtait pas, et c'était justement ce que je projetai de faire.

L'échéance finale se rapprochait et en dépit de mes menaces répétées, je n'avais pas prévu de m'enfuir tout de suite. J'attendais de revoir ma sœur, de lui dire au revoir à demi-mots, puis de sauter dans le premier avion direction l'Asie. Je voulais quitter les États-Unis et m'éloigner au plus possible de ces chaînes qui m'avaient si longtemps retenue et m'appelaient encore.

Et Nadir... Était fidèle à lui-même.

Nous faisions la route ensemble, prenions des chambres séparées – mais voisines – et mangions ensemble.

Dans ma version officielle, c'était uniquement pour des raisons économiques. Je devais économiser pour le billet d'avion et garder de quoi me trouver un logement une fois là-bas avant de rebondir.

Nos disputes faisaient partie de cette routine qui n'en était pas vraiment une. Néanmoins, je n'oubliai pas que c'était nos derniers jours ici, sur ce continent, et j'ignorai dans combien de temps nous nous reverrions. Il me chercherait bien sûr, mais pendant combien de temps ? Et comment reviendrait-il : en étant pleinement dans ma vie ou plus discrètement ? Me laisserait-il croire que je lui ai définitivement échappé ? Peut-être voudrait-il me laisser être heureuse, loin de lui ? Du moins, théoriquement heureuse.

Ce serait mentir de ne pas reconnaître que ces derniers jours plus apaisés m'avaient fait du bien.

Cela me tuait de l'admettre, mais j'aimais pouvoir à nouveau échanger avec lui, revoir cette étincelle dans son regard, et même sourire un peu.

Néanmoins, tous les matins je me réveillai en pensant à ce qu'il m'avait fait. Chaque moment agréable était compensé par un souvenir amer.

Quand il marchait vers moi, je revivais notre course-poursuite dans la forêt. Quand il claquait une porte, c'était la trappe de la cave qui se refermait. Quand il disait qu'il m'aimait, j'entendais que je ne lui échapperais pas.

FIRES DIE TOOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant