Chapitre 4: Van Gogh et des gaufres

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Je venais de recevoir un message de ma mère. Elle me remerciait pour les fleurs et, sur le cliché, on pouvait voir toute la famille poser fièrement, la petite Brittany au milieu. Personne ne souriait. C'était toujours le cas sur les photos « officielles », comme le répétait souvent mon père. Des souvenirs que je croyais enfouis à tout jamais rejaillirent dans ma mémoire. Tous les ans, c'était la même tradition. À chaque nouveau bébé, une nouvelle photo devant l'unique mur blanc de la maison. On devait revêtir nos plus beaux vêtements, ma mère ressortait son seul bijou de valeur et mon père mettait une cravate, de même que tous mes frères. Les plus petits étaient assis devant, mains sur les genoux et les aînés, debout, derrières, se tenaient raides comme la justice.

J'étais heureuse d'échapper à ce rituel. C'était ce genre de souvenir qui me rappelait pourquoi j'étais partie et, même si je culpabilisais encore souvent, au final, je savais que j'avais fait le bon choix. Parfois, il valait mieux partir quand la situation était encore sous contrôle. Rien n'avait encore été brisé, seulement fêlé.

Une odeur de brûlé me chatouilla le nez. Je me précipitai vers mon appareil à gaufres. Trop tard. L'alarme incendie se mit à retentir. Je décollai tant bien que mal la pâte restée collée à la machine tandis que le bruit me striait les oreilles.

C'était le début d'après-midi et j'étais probablement seule à mon étage. J'espérais de tout cœur que personne ne viendrait se plaindre du bruit.

J'attrapai maladroitement la chaise de mon bureau et grimpai dessus. Les mains tremblantes, j'appuyai sur tous les boutons. Le temps semblait s'étirer et je ne parvenais pas à arrêter cette maudite alarme.

Soudain, j'entendis tambouriner à la porte. Je manquai de tomber de ma chaise et me rattrapai in extremis sur le coin d'un meuble.

Tremblante, je défis un à un les verrous de ma porte et tombai nez à nez avec monsieur Patterson, mon – exécrable – voisin du dessus. Il me parlait mais je ne parvenais pas à entendre quoique ce soit. Mes oreilles bourdonnaient et je sentais d'ores et déjà le mal de tête arriver.

J'avançai dans le hall et refermai la porte. Il ne me laissa pas le temps de m'expliquer et attaqua directement.

— Mademoiselle Wallshire, je peux savoir ce que c'est que tout ce raffut ? Dois-je vous rappeler les règles de cet immeuble ?

Je savais pertinemment qu'il en était capable. Les mains sur les hanches et le visage rougi, il semblait sur le point d'exploser. Dans d'autres circonstances, j'aurais pu le trouver comique, avec ses grosses lunettes rondes et son pull orange fluo. Pour l'heure, je devais surtout rentrer dans son jeu si je ne voulais pas passer le reste de ma journée à l'écouter déblatérer.

— Je suis sincèrement navrée monsieur Patterson. Mon alarme incendie s'est déclenchée pendant que je cuisinais et comme vous l'entendez, je n'arrive pas à l'éteindre.

Il me jaugeait, évaluant ma sincérité. Sérieusement, comment pouvait-il imaginer une seule seconde que j'ai pu le faire exprès ?

— Ces alarmes ne se déclenchent pas facilement, de plus ce n'est pas la première fois que cela vous arrive, non ?

Je me retins de lever les yeux au ciel. J'avais l'impression d'avoir à nouveau huit ans et de me faire réprimander par mon père. Je détestai le ton qu'il utilisait en ce moment.

FIRES DIE TOOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant