Chapitre 1: Les maths c'est apaisant

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Présent

— Et majore de sa promotion pour la quatrième année consécutive.... Mademoiselle Violet Wallshire ! Approchez, je vous prie. Tenez, mademoiselle et, pour l'amour des mathématiques, s'il-vous-plaît ne cessez jamais de nous éblouir. Je crois bien parler au nom de tout le corps enseignant de l'Université de Washington lorsque je vous dis ça !

Un sourire figé sur les lèvres, j'acceptai la poignée de main et le bulletin de notes que m'offrait notre responsable d'année, monsieur Barthomé. Quelqu'un prit une photo pour le site de l'école. Évidemment, une femme qui battait à plate couture ses camarades – tous des hommes – dans un domaine aussi fermé que les mathématiques appliquées, cela méritait bien une petite rubrique dans la newsletter, quand bien même aucun étudiant ne la lisait.

De brefs applaudissements suivirent et je sentis la main de mon professeur dans mon dos. L'agitation retomba aussi rapidement qu'elle était montée et je fis un pas sur le côté.

Monsieur Barthomé se racla la gorge avant de reprendre sa place, face au micro. Il fit un court discours que je n'écoutai pas.

Garder la tête haute.

J'aurais voulu être à nouveau terrée chez moi, coupée du monde. Il me tardait de verrouiller mon appartement à double tour et de ne plus en sortir avant la fin du mois. Ces vacances d'été seraient une oasis en plein désert, ou dans mon cas, une ère de solitude avant une nouvelle confrontation avec le monde extérieur.

Ne pas sortir, ne pas parler et éviter toute situation qui me mettrait mal à l'aise.

C'était ma vie depuis plus de six ans. J'avais quitté le domicile familial dès mes seize ans et emménagé à Washington D.C., ville géante où passer inaperçu rimait avec confort absolu. Au contraire de ma ville natale, ici, je peux aller et venir comme bon me semble, sans craindre que mes moindres faits et gestes ne soient rapportés à mes parents.

Du haut de ma tour d'ivoire – aka un studio d'à peine vingt-cinq mètres carrés au loyer beaucoup trop onéreux – je scrutais le monde, n'y prenant part qu'à de rares occasions.

J'étais enfermée dans une prison que j'avais moi-même érigée, l'aimant autant que je la détestais. Mais c'était ainsi. Elle me rassurait tout en m'oppressant inexorablement.

J'étais envahie par la culpabilité. Parce que la plupart des membres de ma famille avaient cessé tout contact avec moi. Parce que j'avais laissé mes parents et mes huit frères et sœurs. Parce qu'il n'y avait aucune raison logique à cet isolement. Il n'y avait ni traumatisme, ni histoire triste, simplement un choix délibéré.

Un choix égoïste.

Je me rassurais en me disant qu'avec autant d'enfants à gérer, mes parents n'avaient pas le temps de s'inquiéter pour moi. J'espérais que ce soit le cas. Ma place d'aînée d'une fratrie aussi importante induisait des responsabilités et j'aurais dû être là pour montrer l'exemple ou aider ma mère.

John et Isabella Wallshire avaient tous deux été déclarés à la limite de l'infertilité pendant leurs premières années de mariage. Mais cela aurait été mal les connaître de penser qu'ils abandonneraient aussi facilement. Ma mère avait été opérée afin de désobstruer ses trompes de Fallope et mon père, cet homme qui ne laissait pourtant jamais transparaître le moindre signe de faiblesse, avait enchaîné divers traitements.

Le jour de ma naissance, ils se sont jurés de réitérer l'exploit.

Les grossesses suivantes avaient été plus simples, si bien que dans la plupart de mes souvenirs d'enfance, ma mère était soit enceinte, soit avec un nouveau-né dans les bras. L'histoire de mes parents avait fait couler beaucoup d'encre à l'époque.

FIRES DIE TOOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant