Chapitre 15: Une question de courage

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En retournant vers Nadir, je n'aurais jamais imaginé passer les dix jours suivants chez lui, ni m'y sentir presque comme chez moi. C'était trop grand, la décoration était horrible et je ne m'approchais pas des vitres pour ne pas avoir le vertige, mais c'était génial. Parce que je le voyais toute la journée, je dormais dans ses bras, on mangeait n'importe quoi en se racontant n'importe quoi et en regardant n'importe quoi.

Il avait prétexté une grippe en plein juillet pour ne pas avoir à aller travailler pendant plus d'une semaine. Le pire était que tout le monde y avait cru, ou avait au moins fait semblant.

Ce fut seulement lorsqu'il dut partir ce matin que je me rendis compte que je venais de passer les plus beaux jours de ma vie. La réalité m'avait sauté au visage et j'étais allongée depuis de longues minutes à fixer le plafond, perdue dans mes pensées et mes souvenirs. Je ne voulais rien oublier, du navet que l'on avait regardé la veille à sa réaction mi-amusée, mi-dégoûtée lorsque j'avais mangé huit cornichons d'affilée juste parce qu'il avait dit que je n'oserais pas le faire. Il m'avait ensuite jetée sur son épaule et fait le tour de tout l'appartement avant de me poser au centre du lit. Il m'avait embrassé et s'était immédiatement reculé à cause de mon haleine. Un fou rire nous avait alors prit.

J'avais hésité à écrire tous ces moments pour pouvoir les relire un jour, quand je serais vieille ou que je douterais d'avoir un jour été si heureuse.

Cette matinée avec moi-même me permettait de faire le point sur moi-même, me recentrer. Je restai une solitaire dans l'âme et j'avais besoin de ces moments seule. Mon cœur était en surchauffe tandis que mon cerveau, d'ordinaire si bruyant, semblait enfin me laisser un peu de repos. Je ne réfléchissais plus à rien, me laissais totalement portée, emportée loin de tous mes repères habituels. Je n'avais plus peur de me noyer, désormais je n'étais plus seule. Nadir n'était pas ma bouée ou mon point de repère, non, ça allait au-delà. Il nageait avec moi. Lui aussi sortait de sa zone de confort, je le sentais parfois me regarder et cligner des yeux comme s'il se demandait si tout cela était réel.

Il m'aimait. Il me l'avait dit. Pas directement, mais quand je me logeais au creux de ses bras le soir, il chuchotait quelques mots en zaharien et bien que je ne les comprenais pas, je le comprenais lui.

En un sens, j'étais soulagée qu'il ne me le dise pas ouvertement. Je ne saurais pas lui répondre. Les mots, les sentiments, les promesses... Non, j'avais encore besoin de légèreté. Mes sentiments me semblaient encore indomptables, parfois imprévisibles, et je ne voulais pas déjà les enfermer dans le verbe « aimer ».

Je décidai de me lever. Le soleil était déjà haut et Nadir était parti depuis plus d'une heure. Il m'avait promis de revenir avant la fin d'après-midi, mais son expression le trahissait. Même s'il n'en avait rien dit, j'avais bien entendu que son téléphone sonnait de plus en plus ces derniers jours. Il avait fini par le couper totalement, refusant que je puisse culpabiliser de le détourner de ses occupations habituelles.

Cet appartement me semblait encore plus grand et froid maintenant qu'il n'était plus là. Seule, je ne m'y sentais pas à l'aise.

Je mangeai rapidement avant de filer prendre une douche. La climatisation avait rendu l'âme depuis deux jours et à cette heure de la journée, certaines pièces devenaient de véritables fournaises. La panne avait été identifiée rapidement, mais l'acheminement des pièces de réparation était complexe en cette période de vacances. Nadir avait proposé que l'on aille à l'hôtel, ce que j'avais immédiatement refusé. Je détestais ces endroits, il n'y avait aucune intimité et je ne voulais pas contraindre Nadir à quitter son domicile, même si j'étais certaine qu'il accepterait immédiatement si je le lui avais demandé. En réalité, j'avais la nette impression qu'il aurait accepté toutes même mes propositions, même les plus folles. C'était sans doute pour cela que je n'en faisais aucune.

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