Chapitre 34: Telle mère, telle fille

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Tout était si calme.

La route, les lumières, les sons.

Tout glissait sur ma peau sans que je ne le sente.

Peut-être aurais-je dû sauter le pas plus tôt. Cela m'aurait évité bien des tourments. Plus de voix, plus de colère, plus de limites. Tuer un homme prenait le pas sur tout, y compris ma rancune. Si j'avais pu faire fi de ma morale pour égorger quelqu'un, je pouvais aussi le faire pour Nadir.

Je lui en voudrais toujours, j'attendrai des excuses. D'un autre côté, je ne pouvais plus me résoudre à vivre sans lui. Je n'avais plus la force de résister, je n'étais pas assez courageuse.

Nous roulions depuis des heures sur des petites routes en direction de ma ville d'enfance. Le mariage de Taylor avait lieu demain et je refusai de le manquer. Je voulais croire qu'il me serait possible de la voir une dernière fois pour ce jour si important.

Nadir conduisait en silence. Il ne faisait aucun doute que son mutisme était dû à la peur de déclencher une énième dispute, surtout que j'étais désormais au courant de toute la vérité.

— On devrait crever l'abcès maintenant ; mieux vaut éviter de le faire devant mes parents.

Il resserra sa prise sur le volant.

— Je sais que je t'ai déçu.

— Laisse-moi deviner, tu vas ressortir ton couplet « je t'aime et c'était pour ton bien » ou tu vas innover et enfin admettre que t'as fait n'importe quoi ?

Il me lança un regard qui en disait long. Je n'aurais pas ce que je voulais.

— Alors c'est tout ? On recommence comme si rien ne s'était passé ? Comme si tu ne m'avais pas mis un couteau dans les mains ?

— Tu regrettes ?, demanda-t-il soudain inquiet.

— Non.

— Alors moi non plus.

— Me voilà soulagée.

Il ralentit la voiture sur le bas-côté. J'avais une nette impression de déjà-vu.

— Du premier jour à aujourd'hui, j'ai toujours fait au mieux : mes choix n'étaient sans doute pas toujours les meilleurs, mais je les ai pris en connaissance de cause. J'ai préféré risquer que tu me détestes plutôt que de te voir face à un tribunal.

— La légitime défense aurait été reconnue et...

— Cet homme était presque mort, Violet !

— Et toi tu étais inconscient ! Qu'étais-je censée faire, les laisser te frapper à mort ?, m'emportais-je. Parce que c'est exactement ce qu'il se serait passé, et tu le sais. Imagine une seconde que les rôles aient été inversés, tu n'aurais pas hésité une seule seconde à...

— Parce que je t'aime !, répliqua-t-il sur le même ton. Il ne se passe pas un jour sans que j'y pense, que je les imagine s'en prendre à toi. Je n'aurais rien pu faire et ça me tue de savoir que cette soirée continue à nous hanter. Je refuse que cela se mette en travers de notre relation.

Je laissai volontairement quelques secondes passer avant de répondre d'une voix plus apaisée.

— J'y repense aussi. J'ai des tas de remords sur plein de choses, mais si je repense à la façon dont j'ai agi avec Thomas Vilemburg, je n'en ai absolument aucun. Je t'ai imaginé mort, Nadir. Toutes ces heures à attendre de tes nouvelles m'ont paru durer une éternité. À ce moment-là j'ignorais encore que tu me connaissais depuis deux ans, c'est pourquoi je m'étais promis de ne jamais renoncer à nous. Ça me paraît ridicule maintenant, pourtant dans ce couloir d'hôpital que je me suis dit que tu étais la meilleure chose qui m'était arrivée.

FIRES DIE TOOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant