Deadly hearts

36. Pavel

♪ The devil in I - Nikki Idol ♪

— Si tu la touches...

Je ne reconnais pas ma voix. Elle est rauque et tranchante, comme mon humeur lorsque le ricanement grésillant de Mikhail s'échappe du haut-parleur.

— Tu ne vas rien faire, Kaminski.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Rejoins-nous. Seul.

— Où ?

— Les plaines de Chingford. Tu connais l'endroit.

Merde.

Merde !

Je serre les poings jusqu'à faire craquer mes jointures. Bien sûr qu'il souhaite qu'on se retrouve là-bas. C'est le lieu idéal pour foutre ma vie en l'air et celle de Margot par la même occasion.

— J'arrive.

Je raccroche et balance mon téléphone sur la console centrale.

— Ce sale fils de pute !

— Cálmate, hijo !

— Ils détiennent Margot, comment tu veux que je me calme !

— Appelle les autres, donne-leur les coordonnées du point de rendez-vous. On a quoi, dix minutes d'avance sur eux ? Ils peuvent prendre Mikhail par surprise pendant qu'on temporise.

Je cherche le numéro d'Olek dans mes contacts, tout en pestant dans ma barbe.

— Chingford, putain. Je le crois pas.

— Ce cabrón a le sens de la poésie.

— Moi aussi je peux être poétique ; je fertiliserai la terre avec ses putains de tripes !

Au téléphone, j'expose le tableau à Olek qui rassemble le reste de l'équipe. Nous empruntons des routes sinueuses pour éviter le trafic dense de ce début de soirée, et comme si la situation n'était pas assez dramatique comme ça, une fine pluie s'abat sur la capitale, manquant de nous faire déraper sur le bitume chaque fois qu'Oscar s'engage trop vite dans un virage.

— Arrête-toi là, dis-je tandis que nous pénétrons aux abords des plaines. Je prends le relais. Les autres te récupéreront en passant.

— Non, je viens avec toi.

— Tu l'as entendu, il veut que je vienne seul...

— ...rien à foutre de ce que ce cabrón veut...

— ...on ne sait pas comment il va réagir en te voyant...

— ...il est hors de question que...

— Oscar, putain, arrête la caisse !

Je frappe le tableau de bord dans un accès de frustration, mais mon bras droit demeure l'image même du sang-froid.

— Non, je ne vais pas te laisser y aller sans soutien.

— Il te tuera, plaidé-je d'un ton accablé.

— Dans ce cas, je passerai le bonjour à ton père.

Mon cœur défaillant s'affole dans ma poitrine. Je ferme brièvement les paupières pour lui intimer de se calmer. Ce soir plus que jamais, j'ai besoin de canaliser toute la tempérance qui m'habite. J'essaie de prendre exemple sur Oscar. Il a toujours été mon ancre lorsque je n'avais personne. Ma figure paternelle quand j'ai tué ma première. La seule force immuable de mon existence.

Pour quelqu'un qui côtoie pourtant la mort de près, je peine à imaginer un monde sans lui dedans.

Après quarante minutes de trajet, les routes deviennent étroites et désertes. Les promeneurs ont quitté les lieux à cette heure-ci, surtout en plein mois de mars où les journées sont encore courtes. Pour rejoindre le point de rendez-vous, nous devons sortir des sentiers battus.