Deadly hearts

18. Margot

♪ Born to die - Sidewalks and skeletons feat. CASHFORGOLD ♪

Une déception sans précédent s'abat sur moi et annihile l'excitation du baiser. Ce dernier l'a laissé de glace, et alors ? Je ne vais pas fondre en larmes comme une adolescente qui rencontre sa première peine d'amour. Je dois m'inquiéter de soucis plus pressants, tel que les mafieux qui respirent dans ma nuque.

S'il existait une chance avant ce soir pour que Mikhail nous lâche la grappe, Pavel l'a fichue en l'air en coinçant la tête de son neveu dans la portière d'une voiture. Je doute qu'il soit mort ; l'enfoiré m'a prouvé qu'il est résilient... et foutrement acharné.

J'appuie mon front douloureux contre la vitre fraîche et regarde le paysage nocturne défiler sans vraiment l'enregistrer. J'accorde même à mes paupières de se fermer jusqu'à ce que le véhicule ralentisse.

— C'est ton club ?

— Mmh. Le club est en bas. Ce que tu vois, c'est le pub.

Sur les pierres grises, une enseigne métallique se balance au gré du vent juste au-dessus de l'entrée. Elle indique « The Black Bear ». Mon chauffeur appuie sur le bouton d'une mini-télécommande, et la porte d'un garage privé s'ouvre à deux pas seulement de l'établissement.

— Buenas noches, niños.

Oscar, qui était penché par-dessus le capot de la Range, se relève pour essuyer ses mains noircies de cambouis sur un chiffon.

— Qu'est-ce que tu fous ? aboie Pavel qui fait claquer sa portière. On est en état d'alerte, je veux tout le monde au club !

— Puta Madre. Mais qu'est-ce que vous avez encore branlé ?

Mon hôte m'attrape par l'avant-bras et me conduit à l'extérieur du garage tandis qu'Oscar nous suit de près.

— On a énervé Mikhail. La Range peut rouler si ça part en couille ?

— Sí.

Pour mes oreilles uniquement, Pavel murmure :

— S'il devait choisir entre la Range et sa femme, il demanderait le divorce demain à la première heure.

J'ai envie de ricaner, mais le cœur n'est pas au rendez-vous.

Le pub se fond dans la rue parmi de nombreux autres à la fréquentation fringante. Par les vitres dépolies, je parviens à distinguer la silhouette massive de la clientèle qui se saoule sans modération. Une bande d'étudiants ouvre la porte pour se griller une clope sur le trottoir. La musique et les rires jusqu'alors étouffés m'emplissent les oreilles.

— Par ici.

Pavel contourne l'établissement pour se camoufler dans les ombres. Nous descendons une volée d'escaliers collée au bâtiment. Il actionne la poignée d'une lourde porte en fer qui, dans sa froide banalité, fait courir un frisson le long de mon échine.

Rien de bon ne peut arriver derrière un passage secret qui mène sous terre.

Je suis mon hôte de près tandis qu'il pénètre dans les sous-sols du pub, et un picotement m'agresse aussitôt les yeux. L'air est nourri d'une épaisse fumée que les usagers aspirent de leurs clopes et recrachent entre deux gorgées d'alcool.

— Tu nous rapportes un cadeau ? s'écrit l'un des gaillards assis aux tables de poker.

Des rires. Du brouhaha. Encore plus de rires. Oscar s'avance. Ses cheveux grisonnants sont coiffés en arrière sur le haut de son visage rond.