Deadly hearts

28. Margot

♪ A&W - Lana Del Rey ♪

— Je te déteste, Ellwood.

— Je me déteste aussi.

Noémie soupire. Les rats qui grattent mes murs s'assurent que nous ne fermons pas l'œil de la nuit. Après le départ catastrophe de Teodor, nous avons décidé de tous rentrer dormir chez moi pour pouvoir faire mes cartons au réveil. L'emménagement avec Pavel est précipité, mais nécessaire. Sans parler du fait que je n'avais pas prévu d'inclure ma cadette dans mes plans de mise en ménage. Mais vu la facilité confondante avec laquelle Teodor s'est immiscé dans sa vie, hors de question que je la lâche d'une semelle.

— Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ?

— Vivre chez Pavel pendant quelques temps.

— Combien de temps ?

— Je n'en sais rien, rétorqué-je d'un ton excédé. Jusqu'à ce que Teodor crève.

— Non mais... tu t'entends parler ?

— Je crois que tu n'as pas bien saisi à quel point Teodor est dangereux. Lui et son père ont manqué de nous tuer, Pavel et moi.

— Alors on devrait le dénoncer à la police !

Bien qu'elle ne puisse pas me voir, je secoue la tête sur mon oreiller. Elle me paraît encore plus naïve que je ne l'étais au départ.

— Margot ?

— Quoi ?

— T'as déjà assassiné quelqu'un ?

Je ferme brièvement les paupières, repensant à Kiran. J'ai longtemps cru que je lui avais ôté son dernier souffle, mais je m'étais trompée. La cicatrice qu'il a semée sur mon bras en soit la preuve.

— Non.

Elle ne réagit pas et demeure muette durant les cinq prochaines minutes. Puis :

— Tu me dois un téléphone.

Pavel, qui dort sur le canapé, a détruit l'appareil de Noémie au cas où « l'amour de sa vie » la faisait surveiller. Je n'ai pas trouvé le courage en moi de lui révéler qu'il avait fait de mon appart un terrain de jeux, et qu'il l'avait peut-être mis sur écoute. Toutefois, tant qu'il n'énonce pas son adresse à voix haute, aucun moyen pour Teodor de nous retrouver une fois que nous aurons déguerpi de cette boîte à chaussures moisie. Et puis, je sais que Pavel a élaboré toute cette procédure sur la route pour s'assurer que nous ne sommes jamais suivis. Et une autre pour échapper à nos poursuivants au cas où nous le serions.

Les premiers rayons de soleil percent les ténèbres de ma chambre lorsque je décide de me lever. Je prends une dernière douche dans ma salle d'eau sans ressentir la moindre nostalgie pour le jet à la pression inexistante. Malgré les circonstances merdiques, j'ai hâte de mettre cet appart derrière moi.

Une fois habillée, je laisse la salle d'eau à Noémie et retrouve Pavel sur le canapé du salon. Sans surprise, il est éveillé. Son visage est à moitié dissimulé par le poing qui soutient sa tête, le regard rivé vers son téléphone.

Réprimant un soupir peiné, je m'assois doucement à côté de lui et parcours son crâne tondu du bout des doigts.

— T'as réussi à dormir, un peu ?

Il se fait craquer la nuque avant de se frotter les paupières.

— Non. Et toi ?

— Non plus.

Mes doigts glissent de son crâne à son front, où je dessine ses traits dans une caresse affectueuse. Il ferme les paupières pour savourer mon toucher. Je descends le long de son nez et remonte à ses yeux où de profonds cernes noircissent son regard.