18. Margot

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♪ Spit in my face - ThxSoMch ♪

Tous mes robinets sont fermés.

Je fais trois fois le tour de mon appartement pour chercher la fuite, en vain. Dans ma paranoïa, je finis même par couper l'eau. Mon propriétaire s'est sûrement trompé, l'épanchement doit provenir d'ailleurs.

Puisque je suis ici, j'en profite pour enfourner quelques affaires dans un sac : des livres, des rechanges, mes soins pour la peau, et... Alors que j'ouvre le tiroir de ma salle d'eau, je découvre que je suis en rupture de tampons.

Eh merde.

Mes règles risquent de débarquer d'un jour à l'autre, et il est hors de question que j'erre sans protections hygiénique chez Pavel. Il faut vite que j'aille faire des emplettes au Tesco Express à deux rues d'ici.

Ni une ni deux, je passe la lanière de mon sac sur l'épaule et récupère mon trousseau de clés dans ma coupelle sur le comptoir de la cuisine, et c'est là que je le remarque : un anodin post-it coincé sous mon rouleau d'essuie-tout. À part qu'il n'incarne rien d'anodin : ce n'est pas moi qui l'ai placé ici, et l'écriture manuscrite ne me rappelle aucune que je connaisse. Les sourcils froncés d'incompréhension, je le saisis et lis :

Passe une bonne journée -T

Un tremblement me traverse de toute part. Je froisse le papier dans mon poing et le balance sur le comptoir. Comment Teodor a-t-il osé entrer chez moi par effraction en mon absence ? Que se serait-il passé si j'avais été présente ? Si c'était arrivé la nuit, pendant que je dormais ? Cela dit, je ne devrais pas être surprise. Il a déjà pénétré dans mon appart une fois ; rien ne l'empêchait de recommencer. Et comme une idiote, je n'ai pas jugé utile de changer la serrure, même si à ce stade il serait préférable que je déménage. Au demeurant, ce maudit post-it ne peut signifier qu'une chose : Teodor Sokolov est à ma recherche. Il m'a clairement exposé ses intentions lors de sa première irruption, et le voilà qu'il met son plan à exécution dans un seul but : détruire Pavel.

Les lèvres contractées de rage, j'essaie de ravaler la boule qui s'est formée dans ma gorge, mais à quoi bon ? Teodor a violé mon espace. A-t-il glissé d'autres mots dans mon appart ? Des caméras, des micros ? Est-ce que, constatant mon absence prolongée, c'est lui qui a saboté ma tuyauterie pour m'inciter à rentrer ? À cette pensée, un courant d'air fantomatique m'arrache des frissons. Je ne me sens plus en sécurité entre mes quatre murs déjà fragiles.

Ressentant la même urgence que si j'avais un taureau à mes trousses, je me précipite hors de chez moi. Ma priorité, c'est les tampons. Ensuite... j'aviserai.

En attendant, cette histoire de fuite me chagrine. Si elle provient bel et bien de chez moi, elle doit être invisible à l'œil nu. J'ignore depuis combien de temps ça dure, et je ne préfère pas penser à ce que ça va me coûter.

Pour faire bonne mesure, je toque en passant à la porte de l'appart du dessous. J'attends mon voisin durant une longue minute, mais personne ne vient. Je toque une deuxième fois histoire de faire bonne mesure, puis je tourne les talons au bout d'une poignée de secondes.

Tant pis, j'aurais essayé.

Dix minutes plus tard, j'engage mon chariot dans l'allée des plats surgelés et en sélectionne cinq pour les soirs de flemme. Je passe également par le rayon fruits et légumes, aussi à l'aise qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Après avoir fait cramer des muffins un matin chez Pavel, j'ai enfin compris que l'heure avait sonné pour moi d'apprendre les rudiments de la cuisine. Je commencerai simple avec une purée de carottes, et s'il me reste mes deux sourcils à l'issue de cette expérience, je viserai plus grand.

Deadly heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant