42. Margot

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♪ Bury a friend - Billie Eilish ♪

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Jour trente-cinq

— Margot, lève-toi !

La voix de Maddie me tire d'un somme éveillé. Voilà des jours que je n'arrive plus à dormir. Le froid automnal s'infiltre dans mes os et me frigorifie l'esprit. Je suis surprise d'être encore en vie. Ce n'est pas avec le pull en polyester, le jogging tout fin et les chaussettes basses que nos geôliers nous ont généreusement offerts que je survivrai l'hiver.

— Margot, parle-moi.

J'essaie, mais un mal de gorge sans précédent m'en empêche.

— Tu serais mignonne si tu ne mourais pas tout de suite. Je commençais à sérieusement t'apprécier.

Je ricane, ce qui me provoque une longue et douloureuse quinte de toux. Si seulement j'avais de l'eau à ma disposition pour calmer mon œsophage en feu. J'ai surtout besoin de médicaments, mais je me contenterais d'une boisson fraîche.

— Ravie de voir que tu respires encore.

Je lutte contre un poids invisible pour me redresser sur mon lit de camp. Adossée contre le mur, j'attends qu'un vertige passe.

— Eh bah, t'as une sale tête !

Pour seule réponse, je présente mon majeur à Maddie. Comment fait-elle pour paraître aussi pimpante ? C'est la doyenne des captives, pourtant on dirait qu'elle émerge d'une nuit à l'hôtel cinq étoiles. Farrah ne mentait pas quand elle avançait que la tarée était la favorite de nos spectateurs. Elle a été la première à recevoir une couette... et à la garder. Un bienveillant donateur a payé pour m'en offrir une, mais un autre, plus malveillant, en a fait autant pour me la retirer. Voilà deux semaines que cette petite danse dure. Cette nuit, c'était une nuit sans. Si je me regardais dans un miroir, je ne serais pas surprise de constater que j'ai le teint pâle et les lèvres violettes.

Dehors, les arbres jaunissent à vue d'œil. D'un jour à l'autre, les feuilles tomberont et les chênes deviendront aussi exposés que j'ai le sentiment d'être.

— Comment tu te sens ? m'interroge Maddie qui me fixe de ses énormes yeux bleus.

— Malade, rétorqué-je en m'emparant du papier toilette.

Je libère mes narines et prends une grande inspiration. Je grimace.

— C'est quoi cette odeur ? maugréé-je en ramenant une manche à mon nez.

— Le doux parfum d'une ferme à l'abandon.

Seigneur, quand est-ce que ça s'arrête ? En un mois et demi, je n'ai pas décelé la moindre faille dans notre prison. Nous demeurons enfermés dans notre cellule jour et nuit. Parfois, quand un bon Samaritain paie pour ce service, on nous escorte au jet d'eau à l'extérieur pour une douche frigorifique. Mais nous ne sommes jamais seuls. Nous ne connaissons pas de répit.

Léna, la captive qui est arrivée il y a deux jours, s'exprime soudain :

— Je vais m'échapper, avance-t-elle d'un ton déterminé.

Maddie lève les yeux au ciel.

— Et tu comptes t'y prendre comment ?

— Je vais me battre.

— Ils enverront les chiens à tes trousses, banane.

Je ne peux pas voir Léna puisqu'elle croupit dans la cellule à gauche de la mienne, mais je peux entendre son soupir exaspéré.

Deadly heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant