6. Margot

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♪ PARAMOUR - Aurora, Sub Urban ♪

Je n'ai pas l'intention d'en vouloir à Pavel toute ma vie. Mais, aussi minable que cela puisse paraître, j'aime le faire ramper. Il m'a profondément emmerdée, et ça soulage mon humeur de l'emmerder en échange. C'est la raison pour laquelle je retourne au club mercredi soir, quatre jours après qu'il soit venu gratter chez moi comme un souriceau égaré. Adossée de l'autre côté, j'ai dû me faire violence pour ne pas céder à son âme qui me sollicitait à travers la fine couche de papier que mon proprio ose appeler une porte.

Bien qu'il ne souhaite pas me voir à l'Inferno, je n'ai pas l'intention de jouer les petites femmes conciliantes avec lui. Ni je ne me faufilerai dans le club par son passage sombre et étroit, comme les nuisibles qui rampent dans les cloisons de mon appartement. S'il me laisse entrer dans sa vie, c'est entièrement ou pas du tout.

Nous sommes à une heure de l'ouverture, et je donne trois coups vigoureux à la porte métallique. Elle s'ouvre presque aussitôt sur un videur aux allures colossales. Il tient une boisson énergisante dans sa poigne d'ours et la sirote bruyamment tout en m'épluchant d'un regard condescendant.

— On est fermé.

Je redresse le menton et rétorque :

— Je sais. Je viens voir le patron, monsieur Kaminski.

— Il est occupé, revenez plus tard.

— Je peux l'attendre à l'intérieur, ce n'est pas un problème.

Je vais pour entrer, mais il m'arrête en levant une main entre nous. Il prend une nouvelle gorgée de sa boisson en me toisant pendant trois, longues secondes. Puis :

— Écoutez, jeune fille, il faut partir maintenant. Je lui dirai que son plan cul est passé.

J'entends un rire jaillir de l'autre côté de la porte, et le crétin tape dans la main de son collègue invisible dans un moment de complicité répugnant.

— Non mais vous croyez vous adresser à qui, là ?

— Rien à foutre de qui vous pouvez bien être, riposte-t-il en affichant un rictus suffisant. Le patron ne m'a pas annoncé votre venue, et je ne peux pas faire entrer n'importe qui.

Sa logique tient la route. Au moins, je sais que si un ennemi venait toquer à sa porte, Brutus ici présent ne le laisserait pas atteindre Pavel si facilement. C'est tout ce qui me retient de céder à mon agacement en le frappant à la gorge. Aussi tentante l'idée puisse-t-elle être, ce serait idiot de causer un scandale alors que la boîte vient tout juste d'ouvrir.

Je considère une demi-seconde l'idée de me plier en deux et d'emprunter l'accès secret pour me faufiler jusqu'au bureau de Pavel, quand une voix autoritaire rugit depuis l'intérieur du club et coupe court à mon dilemme.

— Que se passe-t-il, ici ?

Le videur tourne les talons et me désigne du pouce par-dessus son épaule.

— Il y a une tarée qui insiste pour voir le patron. Elle refuse de se barrer.

Le visage d'Olek apparaît derrière le colosse. Alors que ses yeux me trouvent, une lueur meurtrière assombrit ses iris marron d'habitude chaleureux et espiègles.

— Viens-là, Margot, tu peux entrer.

Aussi simplement que cela, le rapport de force s'inverse. Le videur s'efface pour m'ouvrir le passage, et je le dépasse en projetant tout mon mépris sur ce bouffon. Olek, pourtant plus petit et moins costaud que son interlocuteur, pose les deux mains sur ses épaules dans une posture d'intimidation.

Deadly heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant