La secrétaire de Monsieur Adrik

Chapitre 31

ADRIK

Lorsque j'ouvre les yeux, j'ai l'impression de sortir d'un épais brouillard et une douleur aiguë se propage dans mon crâne.
J'essaie de bouger mes jambes mais je ne les sens presque pas, de même pour mon bras droit dont je me rappelle est sous plâtre.

En plongeant dans ma mémoire je me souviens de mon rêve, ma dictée, mon père dans sa mare de sang et les intrus dans ma maison d'enfance.
La pièce manquante du puzzle.

Je me souviens aussi de l'infirmière présente à mon réveil mais d'aucun de ses propos car pris d'une immense fatigue, comme une masse sur ma tête, j'ai dû retomber dans le sommeil.
Mais depuis combien de temps de cela?

J'essaie de regarder autour de moi mais bouger mon cou est douloureux car celui ci est entouré d'une minerve. J'ai l'impression d'être rouillé et d'avoir dormi pendant des mois. La pièce elle, est presque plongée dans le noir. Seuls l'écran de l'électrocardiogramme à ma droite et une petite lampe dans un angle éclairent la pièce. Dehors, le soleil va bientôt se coucher, ou peut-être bientôt se lever?
Je n'en sais rien, je suis un peu perdu.

Je cherche et aperçois finalement une horloge numérique sur un des murs. Je plisse les yeux et lis dix huit heure quarante cinq.
C'est bien beau de connaître l'heure, je me dis intérieurement, mais si je ne sais pas quel jour nous sommes, je ne saurais jamais depuis combien de temps je suis dans cet état.
Combien de jours de travail ai-je manqués? Qui a informé mes clients de mon absence ?

Je n'ai qu'à de très rares reprises manqué le travail en semaine.
Peut être une ou deux fois pour emmener ma mère en vacances mais pas plus.
Même en étant propriétaire et patron, je ne m'accorde jamais plus de cinq jours de répit.
Notre cabinet de comptables faisant partie des meilleurs de Korolev et de Moscou, les clients ne manquent jamais. Nos cinq emplois du temps sont toujours complets et j'aime ça.

J'ai besoin de travailler, de compter, d'étudier les dossiers de mes clients, de les voir en personne.

J'ai besoin d'avoir ma routine quotidienne, d'être dans le contrôle et organisé pour ne pas tomber dans l'ennui et la dépression comme les mois derniers.
Des dizaines de questions se brouillent dans ma tête. Je ne sais plus où penser.
Je ferme finalement les yeux, prends une grande inspiration et expire doucement lorsque je me rappelle que j'ai mon meilleur ami, Tymon, comme bras droit au cabinet.
J'ai une confiance extrême en lui et je sais qu'il saura gérer les clients et organiser les réunions sans moi. Un poids se décharge de mon ouragan de pensées.

Toujours allongé, les yeux rivés vers le plafond de ma chambre d'hôpital, j'applique les exercices de respiration que j'avais appris pendant mes années dans l'armée pour me détendre.

Inspire. Bloque. Expire...
Inspire. Bloque. Expire...

Que s'est-il donc passé ? Qu'ai-je fait pour me retrouver dans ce lit d'hôpital ? Plâtré, à moitié dans les vapes.
La dernière chose dont je me souviens est d'avoir ramené Nastasya chez elle après son premier jour de travail.
Elle a visité mon appart pour la première fois...Et si mes souvenirs sont justes, l'escale par ma chambre a duré plus longtemps que prévu. 
Ensuite on a mangé.
Et puis, plus rien.
Plus de souvenirs.

"Nastasya--", je souffle.

Nastasya.
Nastasya.

Son premier jour de travail.
L'irruption de ma mère à mon appartement.
Les pleurs.

Comment ai-je pu oublier?
Des sueurs froides parcourent tout mon être et je frissonne.

"Adrik, je suis désolée mais je ne veux pas parler ce soir. S'il te plaît, je veux juste rentrer chez moi..."