Chapitre 24

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Margot a l'air plutôt gentille, alors qu'Aline et moi avons planifié plusieurs choses pour l'évincée, comme la pousser dans l'eau toute habillée pour qu'elle ait besoin de se changer et filer en douce à ce moment-là. Finalement, nous passons beaucoup de temps avec elle. Je réalise que nous vivons enfermés sur nous-mêmes et cette parenthèse ne nous fait pas de mal.

Elouan est de garde sur le poste qui surveille la piscine de 17h à 20h (c'est Aline qui a eu cette information, je préfère ne pas savoir comment) et nous entrainons Margot avec nous. Nous ne nous baignons pas, nous passons juste deux heures à nous faire bronzer en nous retournant dans tous les sens pour nous mettre le plus à notre avantage possible.

Sur cette bataille, c'est naturellement Margot qui gagne : elle réussit à coucher avec Elouan dès son deuxième soir chez nous, et ce qui me fait vraiment peur est le fait de dire « chez nous » au lieu de « chez ces enfoirés de Maréville » !

Magot repart et les journées se ressemblent. Seuls les cours d'Alban sont intéressants. Il planifie tout un après-midi pour nous apprendre « La valeur des choses ». Nous rigolons en voyant l'intitulé de la leçon mais encore une fois, il nous surprend par l'intérêt de tout ce qu'il présente : reconnaître une montre à 150e (déjà énorme !) de celles à cinquante mille, découvrir une partie des grandes marques de luxe de cette planète, comprendre pourquoi certaines montres valent cinquante mille euros, ce dernier point nous prenant un certain temps.

Je me sens un peu idiote : je ne savais pas que des femmes portent des bijoux qui valent cent mille euros. A la rigueur, je savais pour les voitures, mais tout le reste...

En sortant, Aline marmonne : « N'empêche que ma montre à 12 euros donne l'heure ! ».

Les jours suivants, ces cours sont remplacés par des séances de Pretty Woman : Paul fait venir plusieurs marques présentées par Alban et nous oblige à choisir, même Aline, des vêtements et des chaussures pour être « présentables ». Il choisit lui-même la tenue que je devrais porter lors de mon premier conseil d'administration, et elle coute trois mille euros. Nous avons également droit à une esthéticienne, qui nous donne plein de conseils, puis une coiffeuse. Je n'avoue surtout pas que le résultat final est carrément bluffant, tandis que Mathias ne se lasse pas de le dire, qu'on « ressemble enfin à quelque chose ! »

Trois jours avant mes 17 ans, je deviens un peu dingue à force de rester enfermée, et je décide de courir un peu. Normalement, je fais ça dans la forêt derrière le château mais comme je ne peux pas, voilà plusieurs semaines que je tourne autour de l'immense bâtisse, ce qui me donne l'impression d'être un poisson rouge.

Exactement pour la même raison qui fait que Tokyo quitte son île paradisiaque pour l'enchaînement que l'on connait dans La casa de papel, d'un seul coup, je bifurque sur l'allée centrale, direction la forêt. Franchement, ils ne sont pas en train d'attendre en se disant « Tu vas voir, aujourd'hui, elle va aller courir vers l'étang ! »

J'entends crier dans ma direction, deux gardes du corps arrivent de chaque côté mais j'ai une large avance sur eux. Ils appellent dans leurs talkies-walkies, n'importe quoi ! Je fonce à l'étang en ressentant un sentiment de liberté comme jamais dans ma vie. Je décide de ne plus rien en avoir à faire de ces idioties, des gars en costume, des millions d'euros et Des Maréville.

Je reviens tranquillement et j'aperçois quelques gardes au milieu du chemin. Je m'approche d'eux sans hésitation, et je ralentis à leur niveau. Soudain, je trouve leur comportement étrange. Ils ne parlent pas. L'un d'eux fait un pas en avant d'un air brusque et j'entends crier au loin. D'autres arrivent en courant, et une voiture aussi. Les quatre hommes forment un cercle autour de moi et à leur respiration haletante, je suis bien obligée d'admettre l'horreur de ce qui est en train de se passer : ceux-là ne sont pas du bon côté !

Il se jettent sur moi et essaye de m'entraîner dans la direction opposée au château. Sauf que mes réflexes dans ce genre de situation sont assez simples : je retourne le bras du gars à ma gauche et frappe celui de droite, ce qui les prends carrément par surprise. Complétement éberlués, les deux autres se jettent sur moi et je les reçois exactement de la même manière, mais j'arrive carrément à en mettre un au sol. Je me remets en position de défense, ils hésitent quelques instants, surtout que les vrais gardes s'approchent rapidement. Ils retentent chacun leur chance mais j'arrive soit à les esquisser, soit à les frapper dans des endroits stratégiques, genre entre les jambes. Deux gars sont désormais à terre en train de se tortiller de douleur, les deux autres regardent une dernière fois en direction des hommes de Max et se sauvent en courant.

Elouan arrive avec toute sa clique, ça crie dans tous les sens, certains de ses collègues s'occupent des deux loques au sol et d'autres pourchassent les fuyards. Lui s'arrête à quelques centimètres de moi en disant :

- Je devrais t'engueuler comme je ne l'ai jamais fait avec personne, et pourtant, je viens d'assister au plus beau combat réel que je ne verrais dans ma vie ! A mon avis, Paul ne va pas être aussi gentil, crois-moi.

Je le vois qui arrive au loin, pendant qu'Elouan me tire par le bras assez brusquement, comme s'il m'arrêtait pour me mettre en prison.

Nous passons à côté de Paul pendant que quelqu'un lui raconte ce qui vient de se passer, et heureusement, Elouan me pousse jusqu'au château au lieu de me laisser vers lui.

J'entends dans le talkie-walkie d'Elouan : « Emmenez-là dans sa chambre ».

Je grogne auprès de mon geôlier :

- Ça va, vous n'allez pas m'enfermer !

- Tu devrais t'estimer heureuse si tu te retrouves seulement confinée ! Tu viens de risquer ta vie, et celle de tous les hommes ici !

Ah, je n'avais pas vu cela comme ça.

- J'ai dézingué deux gangsters, vous venez de les arrêter grâce à moi !

La même voix dans son appareil dit : « On a eu les deux autres »

Je fais un regard victorieux comme jamais en lui jetant au visage : « Quatre ! »

Elouan se colle dangereusement à moi, avec un regard que seul Noé peut me faire, exactement au moment où celui-ci arrive. 

Action ou vérité - Les héritières 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant