Valentina et les vampires

Épisode 16 - Au bord du gouffre

Vladimir avait perdu le contrôle. Seul le désir de sang l'habitait. Il sentait les pulsations glisser sous la peau fine et laiteuse de Valentina. Il humait son parfum sucré et ferreux, percevait sa douce chaleur. Il avait bien tenté de se raisonner, mais le chant du liquide nourricier avait tout effacé. Il l'imaginait s'écoulant déjà en lui, réchauffant ses entrailles et ses organes si froids et ralentis. Derrière le sang, il discernait le chant subtil et impérieux de l'essence de vie de la jeune femme. Résisterait-il longtemps à son appel mystérieux ? Rien n'était moins sûr. La provocation était conduite avec une adresse experte. Les digues qui retenaient la nature profonde de Vladimir cédaient les unes après les autres.

Quant à Valentina, elle était loin d'être consciente de ce que son corps exigeait. Et le désir envoûtant qu'elle éprouvait l'instant d'avant pour le vampire s'était complètement évaporé. En lieu et place, une émotion de peur avait pris le dessus, douchant l'ardeur avec laquelle elle était prête à s'abandonner à lui.

Elle réussit à reculer jusqu'au lit et à attraper une statuette qui reposait sur l'élégante commode jouxtant son lit. Mais il n'eut aucune difficulté à éviter le coup qu'elle avait eu l'intention de porter sur lui.

Elle était à sa merci. Il la plaqua sur le lit, arracha le col de son pull en la blessant au passage. Une goutte de sang perla, épousant le galbe de son cou blanc. La convoitise se lisait à travers l'expression de son visage devenu monstrueux. Elle sentit le corps du vampire tressaillir. Elle comprit alors la nature du désir qu'il éprouvait pour elle. Transfigurée, sa bouche s'approcha lentement de son cou, révélant sa bestialité.

Valentina n'était plus en position de se défendre. Il maintenait ses bras avec une force surnaturelle. Elle ne comptait plus que sur un miracle. Elle espérait que Martin se relève et vienne à son secours. Mais son espoir fut anéanti au moment où elle sentit la langue du vampire lécher son sang. Elle en éprouva un plaisir mêlé de dégoût.

Elle l'entendit grogner suavement. Le goût de son sang provoquait sa jouissance. Tout le malheur était là. Elle n'avait compris que bien trop tard le monstre qu'elle avait réveillé malgré elle. Puis elle sentit ses crocs s'enfoncer dans sa peau. Elle les sentit traverser son épiderme et rechercher sa veine jugulaire. Elle sentit son autre main passer sous son pull et remonter vers son soutien-gorge. Cherchait-il à faire affluer son sang ?

Elle n'en doutait plus un seul instant, car ce geste avait déclenché un papillonnement dans son ventre et une accélération de son souffle et de son pouls. Il la maniait d'une main experte, lui faisant perdre la raison pour que sa vie s'abîme plus vite en lui. Elle haletait de plaisir pendant qu'il se délectait de son sang.

Elle eut alors des sensations de fourmillements dans les extrémités de ses membres, ses oreilles se mirent à bourdonner, sa vision se brouilla et elle perdit connaissance. Elle se sentit alors abandonner son corps. Elle se voyait depuis le plafond de la chambre. Elle vit que Martin s'était relevé et précipité sur le vampire qui était en transe. Il l'entendit hurler.

— Vous l'avez tuée ! Comment avez-vous pu ? fit-il, d'un ton désespéré.

Deux jeunes femmes firent irruption dans la chambre. Valentina sut immédiatement qu'il s'agissait de vampires. Leurs mines catastrophées confirmèrent la réaction de Martin. Elles venaient de retirer Valentina des crocs de Vladimir. Celui-ci s'essuya la bouche d'un revers de main, il regarda le corps inerte de la jeune femme et sourit.

— Je n'ai pas pu me retenir. Son sang m'a appelé. C'était... extraordinaire.  Non, que dis-je, c'était divin.

— Vladimir ! Comment as-tu ? Qu'est-ce qui t'a pris bon sang ? Tu attendais tout ça depuis si longtemps ! Elle était enfin en train de se transformer... Qu'as-tu fait ? s'estomaqua la rousse.