Chapitre 50 - Une réalité biaisée

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Vladimir entendit un grand vacarme. Il sortit. Il n'en crut pas ses yeux. Son vieil ami et Ophélie se battaient contre Éloïse. Cette dernière ne retenait pas ses coups. Elle se déchaînait avec une rage qui fendait le cœur. Le cuir de son pantalon crissait contre le collant en skaï de son alter-ego et les coups violents qu'elle leur assénait résonnaient sourdement.

— Éloïse ! Qu'est-ce qui te prend ! s'estoqua-t-il.

Celle-ci le considéra à peine du coin de l'œil. Sa détermination à anéantir ses amis ne laissait planer aucun doute. Soit elle les trahissait, soit elle se trouvait sous l'emprise des héritiers. Les coups de pieds et de poings volaient. Ils s'écrasaient contre la poitrine d'Hector, fouettaient la joue et le dos d'Ophélie. Ces derniers ne cherchaient qu'à esquiver. Ils rebondissaient contre les murs. C'est Ophélie qui finit par avoir raison de celle qui représentait tout à ses yeux. Elle la percuta avec l'arrête de son avant-bras et la vampire s'écrasa au sol. Elle accusait le coup. Elle releva la tête et la darda. Un sourire narquois s'étira lentement sur ses lèvres.

— Vous êtes tellement inutiles et pathétiques, leur asséna-t-elle en essuyant la commissure de sa bouche qui saignait.

Elle fixait Ophélie sans détour. Vladimir s'approcha d'elle et attrapa l'ovale de son visage. Il la fixa et se retourna vers Ophélie dont les traits se figeaient à vue d'œil. Les mots cinglants de la vampire avaient réussi à l'atteindre.

— Reprends-toi ! Elle n'est pas elle-même. Je ne sais pas ce qu'ils lui ont fait. Mais ce n'est pas elle, martela-t-il. Tu m'entends ? Ça n'a rien à voir avec le passé, Ophélie...

Mais son amie ne l'entendait plus. Les fantômes des temps révolus s'emparaient d'elle. Éloïse profita de la confusion pour se relever. Son intention n'avait pas échappé à Hector qui bondit sur elle pour la maîtriser.

— Je ne peux pas imaginer que ce soit toi. Éloïse n'aurait jamais pu la replonger dans cet enfer. Qui es-tu ?

L'impétueuse vampire le défiait, exhibant son sourire triomphal. Vladimir s'approcha d'elle avec pour intention de scruter son regard, mais cette dernière lui cracha au visage. C'est à cet instant que la porte de la cellule où se trouvait le père de Valentina s'ouvrit. L'expression horrifiée qui gagna aussitôt le regard de l'inquisitrice alarma Vladimir. L'offensive des héritiers se révélait au grand jour. Valentina le dévisageait. Lorsqu'il tenta de lui sourire, elle grimaça et recula. Il perçut l'accélération de son pouls et de sa respiration. Elle avait peur de lui. La tristesse le harponna. Les yeux de l'inquisitrice se braquèrent sur Ophélie qu'elle observa avec une expression de dégoût. La situation s'avérait irrationnelle.

— Où est Vladimir ? tambourina l'inquisitrice.

La gorge noué, ce dernier se tourna vers Hector. Le visage du vieux vampire, habituellement impassible, trahissait sa confusion. Un petit geste des épaules lui indiqua qu'il ne comprenait pas davantage que lui.

— Tu plaisantes ! Il est en face de toi, tonna la voix d'Hector avec plus de force qu'il ne l'aurait souhaité.

— À ce que je vois, vous êtes toutes les deux sous l'emprise de mes cousins, grimaça Vladimir en scrutant tour à tour l'inquisitrice et Éloïse.

— C'est ce que tu aimerais croire, répliqua la vampire en dégageant sa chevelure rousse.

Quant à Valentina, elle le détaillait avec une méfiance qui confinait au mépris.

— Je vois que tu ne me reconnais pas. C'est moi Valentina, reprit-il avec douceur.

Le vampire la contemplait tristement. Comment faire pour la ramener à lui ? Il ne pouvait pas la perdre. Pas après les sacrifices qu'il avait consentis et surtout pas après ce qui s'était passé entre eux. Il commença à lui tourner lentement autour.

— Je ne sais pas ce qu'ils t'ont raconté sur nous, mais c'est un mensonge Valentina.

L'inquisitrice demeurait silencieuse. Tout en elle n'émanait que ressentiment. Vladimir et Hector se sondèrent. L'un et l'autre savaient que le moindre faux pas pouvait leur être fatal. Il n'y avait rien de pire qu'une inquisitrice sous l'emprise de l'irrationalité. Le piège tendu par Gauvin et Tugdual était redoutable. Ils avaient manipulé Valentina. Si celle-ci cédait à sa folie, elle les tuerait tous et serait brisée. Leur plan s'avérait plus machiavélique qu'escompté. Leur marge de manœuvre se révélait aussi ténue que le chas d'une aiguille. Comme si souvent par le passé, c'est une nouvelle fois le regard subtil de son ami et mentor qui lui indiqua la voie à suivre. Ce dernier avait noté l'insistance avec laquelle Valentina observait Éloïse. Elle semblait chercher son regard. Voilà le chas ! Il se trouvait sous leurs yeux.

— Ophélie ! Reviens à toi. Nous avons besoin de toi. Regarde Valentina ! beugla-t-il. Tu es la seule à pouvoir nous sortir de là. Rétablis la vérité ! Bats-toi !

Celle-ci ne réagit pas.

— Je t'en prie ! Résiste ! Elle va tous nous tuer... Nous n'avons pas fait tout ce chemin ensemble pour en arriver là ! la supplia-t-il.

À chaque fois qu'il prenait la parole, la tension montait. Les prunelles de Valentina obliquaient sur lui, menaçantes. Il sentait leur morsure dans tout son corps. Son sang chauffait. Il reconnaissait la sensation. Seulement, il savait que cette fois-ci, elle ne jouait pas avec lui. La menace était létale.

— Bordel ! En tant que ma soumise, Ophélie, je t'ordonne de te reprendre ! tonna le vampire.

Le ton autoritaire de sa voix eut un effet immédiat. Ophélie se redressa, le regard vide et se tourna vers lui. Mais pour Valentina, c'était le geste de trop. L'inquisitrice se figea et une déflagration atteignit Vladimir et Hector qui s'effondrèrent aussitôt, inconscients. Valentina se précipita sur Ophélie qu'elle plaqua au mur en la prenant à la gorge. Libérée, Éloïse en profita pour échapper au joug du vieux vampire qui pesait sur elle de tout son poids et fuir.  Ophélie se mit alors à hurler.

— Qu'as-tu fait ?

La voix bouleversée d'Ophélie venait de déchirer l'espace du couloir sans âme. Elle s'était jeté aux pieds de l'inquisitrice et lui enserrait les jambes de toutes ses forces pour la retenir.

— Malheureuse ! Tu les as tués !

Désorientée, Valentina posa sa main sur sa bouche.

— Éloïse ! Ne pars pas ! S'il te plaît... supplia Ophélie les yeux embuées de larmes.

Éloïse se retourna et lui fit un clin d'œil.

— Tu n'aurais pas du t'attacher ma reine. Tu as joué et tu t'es brûlée.

Et la crinière rousse de la traîtresse disparut. Les pleurs d'Ophélie envahirent le couloir. Sa poitrine tressautait contre le corps de l'inquisitrice tout aussi haletante qu'elle-même. Elles semblaient s'accrocher l'une à l'autre comme à un arbre au milieu d'une tourmente. Les corps de Vladimir et Hector gisaient, inertes sur le sol carrelé blanc et froid. Valentina ne comprenait plus rien.

— Qu'ai-je fait ? balbutia-t-elle.

Elle commençait à prendre la mesure de sa méprise. Pétrifiée, elle fixait Vladimir. Elle n'osait plus imaginer la vie sans lui. Elle pensait qu'il était Tugdual. Maudite Sophia ! Elle venait de se jouer d'elle et les conséquences étaient pires que tout ce qu'elle aurait pu imaginer. Elle était responsable de la mort de celui qu'elle aimait, ainsi que de son ami et mentor. Elle haïssait ses pouvoirs. Elle se haïssait. Elle voulait mourir.

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Merci d'avoir lu ^^

B.

Valentina et les vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant