Chapitre 36 - Un sonotone pour écouter les secrets

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Lorsqu'elle arriva dans sa chambre, elle n'avait qu'une seule idée, voir ce que contenait la boîte et visiter le passage secret. Après quelques instants d'hésitation, sa curiosité l'incita à commencer par l'exploration du passage dont l'entrée se trouvait nichée derrière les vêtements suspendus dans le placard mural. Elle partit en quête d'une lampe torche, espérant sans grand espoir en dénicher une quelque part dans la chambre. Elle fouilla vainement le minuscule tiroir de la table de chevet et les étagères situées dans la garde-robe. Elle finit par se résoudre à s'engager dans le passage secret, trop pressée de découvrir les mystères qu'il pouvait bien receler. Elle installa des coussins dans son lit pour donner l'illusion qu'elle dormait, alluma la veilleuse et vérifia l'effet produit depuis l'entrée. Elle jugea que cela ferait l'affaire et se rendit dans le placard mural. Elle poussa les vêtements vers la droite, activa le mécanisme d'ouverture de la porte camouflée et pénétra à l'intérieur.

Le passage était sombre et étroit, et d'épaisses toiles d'araignées empoussiérées s'étaient accumulées, obstruant le passage. L'idée de passer à travers lui répugnait. Inquiète de s'enfoncer dans cet espace sans lumière, elle eut la surprise de remarquer que sa vue s'acclimatait à la pénombre. Sûrement encore l'un des pouvoirs qu'elle avait hérité du sang vampire de Vladimir. Elle saisit un châle en soie qui reposait plié sur une étagère et s'en servit pour ôter les tissages fragiles qui encombraient la passe cachée. Elle se faufila sur quelques mètres et découvrit une échelle qui descendait vers le rez-de-chaussé. Elle l'emprunta et se retrouva bientôt dans un espace étriqué éclairé par un minuscule opercule lumineux qui trouait la paroi à hauteur d'yeux. Elle s'en rapprocha prudemment et y porta son œil. Il donnait sur le salon. Elle reconnut Ophélie et devina la présence d'Éloïse à sa proximité immédiate. Le trou était cependant trop petit pour qu'elle distingue les autres et le mur était trop épais pour qu'elle discerne la teneur de leur conversation.

Elle prit du recul et observa l'environnement autour d'elle, elle aperçut alors un petit sonotone en métal. Curieuse d'entendre leur conversation, elle le disposa dans le trou, positionna son oreille sur la partie évasée et s'étonna de découvrir qu'elle entendait remarquablement bien, reconnaissant sans difficulté chacun des interlocuteurs à leur voix.

— ... Tu crois qu'il savait que c'était elle ? demanda Ophélie.

— C'est certain, rétorqua Hector sans détours.

— A-t-elle laissé une signature ? s'enquit de nouveau la vampire à l'inimitable voix de miel.

— Pas la moindre, certifia Hector.

Valentina perçut l'onde de soulagement que cette mystérieuse absence de signature produisait sur les membres de ce petit conciliabule.

— C'est trop risqué de nous rendre à la cérémonie avec elle. Au vue des circonstances, on ne peut que craindre le pire. Ils vont se servir de ses parents. C'est un moyen imparable pour l'appâter, Joseph et Martin en sont l'exemple parfait, intervint Éloïse avec une pointe de compassion dans la voix.

Le cœur de Valentina venait de s'arrêter. Ils détenaient ses parents adoptifs. Elle suffoquait. Elle sentit son sang déserter ses jambes. Elle s'agenouilla en douceur le temps de reprendre ses esprits. Subitement, l'odeur de poussière l'oppressa et se mit à lui gratter atrocement la gorge et le nez. Elle se retint d'éternuer et de tousser, et dut reculer de peur d'être découverte. Elle inspira et expira profondément, prenant le temps de faire baisser la tension qui l'agitait. Ils ont capturé papa et maman. C'est affreux ! Je dois les sortir de là. Inquiète, elle se releva et avança de nouveau son oreille du sonotone, espérant en apprendre davantage.

— ... la reconnaître. Elle a cherché à le séduire. Il a failli...

— Martin ! Arrête, le coupa Joseph, la voix coincée dans sa gorge.

— C'est ce que je dis papa ! Ils ont déjà dû les transformer et ils vont chercher à l'atteindre en se servant d'eux d'une manière ou d'une autre. Plus ils attendent et plus l'inquisitrice leur échappe. Son humanité s'estompe vite.

— En plus, on ne connaît pas les effets du mélange de son sang avec celui de Vladimir. Vous l'avez tous remarqué. Elle change vite, intervint Éloïse.

— Elle a déjà les yeux d'inquisitrice ! C'était pas aussi rapide pour Clémence non ? Tu t'en souviens Vlad ? interrogea Ophélie.

— J'admets que c'est rapide.

— Et pour l'instant, elle n'a même pas la bague. Imaginez si elle la retrouve ! reprit Ophélie. Elle est où d'ailleurs ?

— Je pense que Clémence l'a cachée. Je l'ai cherchée partout, mais je pense que seule une inquisitrice peut mettre la main dessus. Vers la fin, elle ne la portait plus à la fin... Elle avait dit l'avoir perdue. Mais comme elle n'avait plus toute sa tête, je ne sais pas.

À ces mots, Valentina sentit un léger tressaillement à la pointe de ses doigts et de sa paume gauche. Sous une impulsion étrangère, sa main se mit à tâtonner et à glisser le long de la paroi. Elle ne tarda pas à découvrir une fissure qui lézardait le mur horizontalement. Elle l'emprunta sur quelques centimètres jusqu'à buter sur une mince tranche métallique. Et d'un geste expert, son pouce et son index l'en extirpèrent.

— ... Incroyable, chuchota-t-elle émerveillée. À la palpation, elle devina qu'il s'agissait d'une petite clé très ouvragée.

Elle était sûre que sa main venait d'être guidée par le fantôme de Clémence et qu'elle l'autorisait à ouvrir le coffret. Elle entreprit aussitôt de remonter à sa chambre, impatiente de découvrir le contenu de la boîte. Elle remit les vêtements en place, ferma les portes du placard et alla attraper la boîte cachée sous les lames du plancher. Elle inséra la clé et entendit un cliquetis sec. Elle ouvrit le couvercle et découvrit un anneau surmonté d'une topaze bleue.
Une lettre l'accompagnait. Elle la déplia avec émotion. Elle reconnut l'élégante écriture de Clémence Lanier.

Ma bonne amie,

Si vous lisez cette lettre, c'est que ma main aura guidée la vôtre et que vous héritez d'un fardeau bien lourd à porter. À l'instant même où je vous écris avec toute l'élégance dont je suis encore capable, j'ai la lucidité de reconnaître que je ne suis plus la légitime dépositaire de ce précieux anneau. Je me presse de coucher ces mots de crainte que l'aveuglement ne s'empare de moi trop vite. Croyez-le bien, c'est le cœur gros que je m'en sépare et avec force d'âme que je vous enjoins de l'enfiler à votre doigt. Ma bonne amie, je prie pour qu'elle éclaire vos pas comme elle a su le faire avec les miens. Sachez qu'elle nous lie par delà les siècles

Veuillez recevoir, ma bonne amie mes respectueux hommages et ne doutez jamais des sentiments sincères avec lesquels j'ai l'honneur d'être à votre égard.

Clémence Lanier

Valentina contempla longuement l'anneau sans oser le toucher. La pierre bleue nuit qui l'ornait, la fixait de son éclat profond, l'attirant autant qu'elle la repoussait. Elle finit par refermer la boîte et la remettre dans son logement. Elle l'avait donc trouvée cette fameuse bague. Elle décida d'aller se coucher. Elle glissa la clé à côté de celle qu'elle avait récupérée lorsque Joseph lui avait présenté les attributs officiels de l'inquisitrice et referma la chaînette autour de son cou. À quoi peut bien servir cette autre clé, s'interrogea-t-elle. Encore une nouvelle énigme qui ne manquerait pas de s'élucider en son temps. Elle éteignit la lumière et ferma ses yeux pour mieux réfléchir à la situation alarmante de ses parents. Les savoir entre les mains de ces affreux buveurs de sang la paniquait. C'était trop pour elle. Elle s'épuisait à trouver une manière de les sortir de là, mais se heurtait tragiquement au fait qu'elle ne connaissait rien des frères héritiers.

Elle avait une besoin désespéré d'être guidée. Au lieu de cela, elle était seule au milieu d'un groupement de vampires qui s'évertuaient à retenir des informations cruciales la concernant, et ses parents avaient été enlevés par deux terrifiants vampires qui semblaient disposés au pire. Que faire ? Épuisée, elle finit par s'enfoncer dans les vapeurs troubles du sommeil.

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Valentina et les vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant