Chapitre 10 / LA BOUTIQUE DU PASSÉ

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Petit flashback en 2009 sur les bords de la Loire...

Un homme aux traits tirés par la fatigue d'un long voyage tient par la main une petite fille d'environ cinq ans. Il semble chercher quelque chose et déambule dans les rues de cette ville remplie d'histoires se laissant ainsi porter au hasard de ses pas, quand une vieille femme à la fenêtre du Rez de chaussée d'un hôtel particulier lui sourit et lui demande si tout va bien ?

Elle semble âgée, pourtant dans ses attitudes et le regard confiant qu'elle porte sur les choses, se dégage une étrange lueur d'éternelle jeunesse. Une sorte de douceur comme un grain de peau immuable qui lisserait le temps et sur lequel les années ne laisseraient pas les marques de son oppressante emprise.

L'homme lui demande son chemin dans un français aux intonations chaudes mêlées de sonorités orientales. Il semble perdu et égaré dans les rues sinueuses qui font subitement défaut à sa mémoire. Il sait simplement que dans cette ville il y de ça, deux générations une partie de son histoire familiale s'y est déroulée et il semblerait qu'aujourd'hui il faille pour lui et cette enfant, s'enquérir de ce passé oublié.

@ le voyageur
Bonjour madame,
Je cherche le 69 rue de la Poterne et ce numéro ne semble plus exister ?

@ la vielle dame
Vous y êtes très cher monsieur mais il y a bien longtemps que le rideau de cette boutique n'a pas activé ses rouages...
Cette enfant me semble très fatiguée ! Puis-je vous offrir une tasse de thé ?

Lorsque l'homme et l'enfant pénètrent dans la demeure de cette dame, une bouffée d'ambiance surannée leur éclate au visage comme s'ils venaient de remonter le temps !

Des meubles en acajou imprégnés d'une odeur de cire d'abeille, aux tapisseries murales, tout rappelle avec élégance l'intérieur de ces salons feutrés des années trente.

Une grosse horloge à balancier indique l'heure. Des cadres posés sur la surface plane d'un grand bureau en bois de cèdre et d'étranges bibelots venant de lointains pays donnent à cette grande pièce un air cosy où il fait bon vivre.

Cette vielle dame devait très certainement être une grande voyageuse au vue des paysages encadrés qui étalent leur magnificence sur les murs d'un blanc terni par le temps.

A l'ombre d'une lumière diffuse aux travers des pampilles d'un lustre au verre blanchi, une machine à écrire repose en attendant qu'une prose ne la sorte de son état de sommeil sur un guéridon encombré de photos et de papiers désordonnés.

Et aux quatre coins de la pièce des piles de livres en équilibre les uns sur les autres prennent la poussière dans l'attente d'invisibles lecteurs.

La vielle dame invite ses hôtes à s'asseoir sur le sofa en toile de Jouy et sert avec gentillesse un thé de chine bien chaud et réconfortant à cet homme venu d'Asie se tenant devant elle.

Il est vêtu d'un jean noir et d'un manteau over side sur un pull au sigle d'une marque étrangère dont elle n'a, grand diable, jamais entendu parler.

Les traits de son visage sont fins et son regard est d'une intensité rare pour un jeune adulte de vingt ou vingt-cinq printemps...

La petite fille encore tout emmitouflée dans son manteau de flanelle, ne demande qu'à se réchauffer avec le bol de chocolat chaud que cette charmante mamie vient de lui
préparer. Son sourire est ravissant et ses deux petites nattes tressées de chaque côté de son visage lui donne l'air espiègle d'une enfant gâtée.

Les minutes s'écoulent doucement et chacun échange de son histoire.

La vieille dame se raconte comme le ferait une narratrice contant une histoire à des enfants aux yeux luisant d'impatience, assis sagement pour écouter tous ces récits d'antan.

LES AMANTS DE SAÏGONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant