Chapitre 22 / TOUT ÉTAIT ÉCRIT

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Je suis complètement perdue, mon esprit critique ne sait plus où donner de la tête et je me demande quel est le rapport entre les KIM, Sadeck et ...

Paul ?

Si c'est une évidence pour Sadeck, que vient faire Paul dans l'échiquier ?

@ Lucile
Sadeck, calmes toi.
Il y a quelque chose que je ne comprends pas ?
D'où connais-tu Paul et pourquoi était-il avec toi en aussi mauvaise compagnie, l'autre soir chez Diego ?

Sadeck prend ma main et m'entraîne vers le fond de la boutique. Vers cet endroit à l'écart où pour la première fois j'ai remarqué sa présence. Ce même lieu où je m'assois régulièrement pour lire toutes les pages des écrivains fantômes qui hantent mes rêves et mes cauchemars.

Cet étrange lieu de lecture où mon passé m'a été révélé, où les secrets de Lyautey sont à la une du journal intime de Sadeck et où j'ai pris conscience que la vie n'est qu'un gigantesque échiquier où nous essayons tant bien que mal de gagner du temps pour que la fin de la partie ne se termine pas par un échec et mat.

Sadeck me regarde avec l'intensité que je lui connais, respire profondément et commence à me raconter un autre volet de son histoire...

.. / ..

Lorsque je n'étais que le jeune coursier du pensionnat de Lyautey et bien avant que je rencontre Kuang, le fils cadet des KIM.

Je me rendait régulièrement dans le centre de Saïgon sur les ordres de la mère supérieure.

C'est comme ça qu'un jour, je me suis retrouvé face à la bibliothèque centrale pour récupérer des livres...

Des livres pour les élèves du pensionnat.

Quand je suis entré dans cette bibliothèque, j'étais en admiration devant tous ces ouvrages alignés par ordre d'auteurs sur d'immenses étagères qui parfois frôlaient même la voûte du plafond.

Cette construction coloniale avait une atmosphère paisible et propice à l'évasion.
Je m'y attardais de plus en plus souvent pour échapper à la rigueur de mon quotidien et me plonger dans toutes ces pages qui s'offraient à moi comme un incroyable voyage vers des lieux mystérieux qui me sortaient de ma réalité.

Et c'est là que j'ai rencontré Paul. Il était le fils du directeur et lui aussi aimait se plonger dans les livres.

Il était fier comme Artaban lorsque théâtralement il se pavanait devant moi avec ce trop plein d'assurance, mêlé de
rires et de bonne humeur.

Tel un acteur sur la scène de ses envies, il me confiait qu'un jour, lui aussi serait écrivain, éditeur, relieur ou quelque chose comme ça...

Nous avions le même âge, cette même passion pour tous ces livres et ce besoin débordant d'aventure.
Nous ne pouvions donc, que devenir...

Des amis !

C'est curieux comme parfois la vie nous réserve des surprises ! Je ne savais pas que Paul avait passé son enfance et son adolescence au Vietnam et qu'il était ami avec Sadeck depuis bien plus longtemps que je ne l'étais moi-même.

Je fixe cet homme assis en face de moi, qui semble se défendre d'un passé qui n'aurait jamais dû se conjuguer au présent et d'un avenir qui ne se conjuguera peut-être jamais au futur.

Nous laisser couler doucement sur le confort des coussins du sofa dans cette arrière boutique de leur imaginaire, était tout ce qu'il nous restait.

Les mains sagement posées sur mes genoux, je me laisse, moi aussi porter par cet imaginaire qui hante les lieux et m'invente une toile sur son chevalet où des artistes peintres tenteraient de me révéler le temps d'une histoire, les traits de l'adolescent que Sadeck était à cette époque.

LES AMANTS DE SAÏGONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant