Chapitre 12 / D'HIER et D'AUJOURD'HUI

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J'ai quitté le brunch précipitamment, soûlée par la proximité constante que Paul manifeste toujours avec moi. C'est un très bon manager mais il est trop souvent envahissant et je ne me sentais pas d'humeur à supporter ses avances et ses mains baladeuses sans risquer de le blesser et de mettre en péril notre relation professionnelle.

Un peu d'air frais est tout ce qu'il me fallait pour redonner à mes joues leur jolie couleur rosée alors que dans ma tête des envies de lectures se frayent de nouveau un chemin.

Un large sourire se dessine sur mon visage alors que je pousse la porte de la boutique de leur imaginaire et croise le regard de Nharie qui me salue amicalement.

Devrais-je interroger la mystérieuse boîte du comptoir et commencer une autre histoire, choisir un autre livre et me plonger dans une nouvelle lecture ?

Non ! Si je suis ici ce n'est pas en quête de nouvelles aventures mais par envie de revoir Sadeck et de partager avec lui l'histoire de nos vies qui me semblent si éloignées et en même temps si proches.

Cela fait plus d'une heure que je suis assise sur le sofa au fond de la boutique et tourne les pages de Duras, sans conviction.

L'amant de Chine du nord a perdu sa si petite et si fragile amante. Celle qui lui donnait l'ultime plaisir dans la chaleur des ruelles de Chôlon.

Lorsque les flots se sont fendus pour anéantir cette histoire défendue, ne lui laissant que ses souvenirs pour ne pas oublier et peut-être se punir d'avoir été un jour, l'amant d'une enfant...

Ainsi se terminera leur sensuelle romance, à moins qu'un jour une fin différente surgisse de ces flots tourmentés et qu'une vague brisée sur le rivage, lui offre une seconde chance !

Nharie qui a remarqué la morosité dans mon regard, vient s'asseoir près de moi. Comme dans un livre ouvert elle ressent ce manque au plus profond de moi-même. Elle prend ma main, me sourit tendrement et son silence n'a pas besoin de mots pour me faire partager ce doux moment d'amitié.

C'est si évident !

Que depuis maintenant des heure qui me semblent interminables, j'attends la seule personne capable de me rendre le sourire.

@ Nharie
Lucile,
la boutique va bientôt fermer et je crois qu'à cette heure,
il ne viendra plus !

Je referme les pages du livre que je tiens fermement serré entre mes doigts. Elles n'ont pas suffit à me faire oublier son absence et c'est d'un pas nonchalant que je me dirige vers le comptoir.

Je salue Nharie, réajuste mon manteau, deux ou trois pichenettes d'un de mes parfums préférés, Scandale de Gaultier pour me donner un petit air de femme active et sors enfin dans la rue éclairée de ses lumières rappelant les lanternes d'antan.

Il ne manquerait plus qu'un cochet s'arrête pour me reconduire chez moi et que l'espace d'un instant je change de siècle afin d'oublier Sadeck en me replongeant dans l'histoire de mes ancêtres et de cet arrière grand père, un certain Ernest Hemingway dont les extravagants voyages m'inviteraient à nouveau à me laisser aller dans les aventures de mon passé.

Alors que je marche en direction de mon appartement, une silhouette qui ne m'est pas inconnue, me croise sans me voir.

Sadeck ?

Il a l'air tellement absorbé dans ses pensées qu'il ne m'a pas remarquée. Mais que fait-il là, à cette heure dans la rue de la poterne, alors que la boutique vient tout juste de baisser son grand rideau de fer pour la nuit ?

Je le suis du regard et me rapproche de lui avec une certaine hésitation. C'est sans doute dû à toutes ses heures d'attente ou bien à ma matinée chargée en émotions... Je me sens terriblement troublée et ne comprends pas pourquoi en sa présence j'ai toujours l'impression de perdre confiance et même de douter de mon identité ?

LES AMANTS DE SAÏGONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant