Chapitre 2

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Andréa dut batailler avec l'intelligence artificielle qui tenait lieu de majordome au manoir pour parvenir à entrer. N'étant pas attendue, ni prévue sur l'agenda de "Maître Wayne", la maudite machine avait longuement refusé de lui ouvrir le portail. Mais la jeune femme ne manquait pas de ressources et parvint à feinter la technologie en prétendant avoir un rendez-vous amoureux avec Garfield Logan. Après de nombreuses justifications à "pourquoi n'ai-je pas été informé de votre venue", et en jouant sur la reconnaissance faciale, qui l'identifiait comme une "amie de la famille", elle parvint à pénétrer dans la propriété.

Le manoir était désert, et elle se retrouvait contrainte de demeurer dans le "petit" salon en attendant la venue des occupants. Le décor lui était familier, rien n'avait changé depuis son départ quelques mois plus tôt. D'ailleurs, rien n'avait dû changer depuis des années. Les mêmes boiseries luxueuses, le même cuir brillant parfumant l'endroit d'une odeur vintage et classieuse, les mêmes toiles gigantesques aux murs. Peu à peu, la jeune femme sombra dans une nostalgie aussi douloureuse qu'heureuse. Elle se revit, le jour des "présentations", arrivée dans cette pièce pour rencontrer les veilleurs, après deux jours de détentions. C'était aussi dans cette pièce que Garfield lui avait fait comprendre qu'il serait là pour la soutenir, comme tous les autres. Et dans ce même endroit qu'Andréa s'était accrochée avec Jason pour la première fois, enfin officiellement, si l'on oublie la morsure dans l'allée.

Cette demeure était chargée de souvenirs, presque autant que sa vie d'avant. Et petit à petit, le fin sourire qui s'était dessiné sur son visage s'effaça. Andréa se remémora le jour où elle avait soigné Jason, le jour où il l'avait sauvée de son mal-être pendant son isolement dans la prison de luxe, leurs nuits torrides entre ces murs, son regard mêlant force, admiration et tristesse. Autant de souvenirs qui auraient apporté du baume à son cœur en souffrance, s'ils n'en avaient été la cause.

Finalement, la porte d'entrée claqua et le son claquant des chaussures de Bruce heurtant le carrelage se rapprocha de sa position. La porte s'ouvrit sur un homme d'une cinquantaine d'années, vêtu d'un costume sur mesure et de chaussures en cuir tellement rutilantes qu'on aurait pu s'en servir de miroir.

– Andréa ! Je ne m'attendais pas à te voir. Que nous vaut le plaisir de ta visite, toi qui avais émis le souhait de ne pas revenir ici avant un moment pour pouvoir "recommencer à zéro".

Le ton piquant du propriétaire des lieux rappela instantanément à la jeune femme la raison de sa présence, ravivant la flamme de colère en elle.

– Bonjour Bruce. J'aurais, en effet, apprécié de revenir ici dans d'autres circonstances. Mais compte tenu de ce que tu as fait, tu te doutais bien que j'allais débarquer, non ? ! Dit-elle d'un ton monocorde, ses yeux vairons plantés dans les iris bleu ciel de son interlocuteur.

Bruce fit mine de ne pas comprendre et se dirigea vers une imposante Mappemonde qu'il ouvrit pour en extraire une bouteille de whisky et se servir un verre.

– Tu en veux un ? Lui demanda-t-il.

Mais il n'obtint pour seule réponse que le silence cinglant de la jeune femme. Il sirota une gorgée et vint se poser sur le fauteuil en face d'Andréa, l'incitant à expliquer son souci d'un geste du menton. Elle soupira.

– Tu as utilisé ta notoriété pour me faire démissionner de mon poste, sans mon consentement ! À quel moment t'es-tu dit que j'allais apprécier le geste ? !

– Je comprends... Tu avais refusé ma rente mensuelle et mes bons-cadeaux pour te faciliter le quotidien, alors... Nous avons souhaité t'offrir une vie professionnelle confortable. Ce n'est pas grand-chose au final. Si tes compétences et ton parcours n'avaient pas été à la hauteur, je n'aurais pas pris la peine de proposer ta candidat...

Tome 2 _ Why did you bring a shotgun to the party?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant