Chapitre 11

33 4 3
                                    

Andréa resta les yeux rivés sur la ville qui s'éveillait à travers la fenêtre de son salon. Elle tentait, du mieux qu'elle pouvait, d'ignorer l'homme dans son salon, cet homme qu'elle avait espéré si longtemps. Mais cette fausse indifférence ne trompa pas l'alter ego de Red Hood qui avait noté la contraction de tous les muscles du corps de la jeune femme à ses paroles. Elle était en colère, dans la fuite, et il ne pouvait pas lui en vouloir.

Cependant, ce que le jeune homme ne pouvait percevoir en disait bien plus sur l'état émotionnel de son amie. Andréa ne lui répondait pas, plus par contrainte que par choix. Sa gorge était douloureuse, comprimée par les sanglots qu'elle tentait de refréner. Ses yeux étaient humides et son visage la brûlait. La colère ne faisait pas partie de son tumulte intérieur en cet instant. Mais l'angoisse, l'appréhension, la crainte d'être déçue, d'être abandonnée, de céder à son cœur plus qu'à son esprit, elles, s'en donnaient à cœur joie.

La jeune femme prit plusieurs inspirations profondes, expirant lentement pour détendre son corps. Après quelques secondes dans un silence pesant, elle sentit ses épaules se délier et sa gorge s'ouvrir. Pourtant, un geste qui, jusque-là aurait fait fondre l'épaisse couche de neige qui couvrait son âme brisée, réduisit tous ses efforts en miettes.

Jason s'était avancé d'un pas silencieux pour se placer dans son dos, déposant machinalement une main sur la crête de ses hanches. Ce simple contact coupa le souffle d'Andréa. D'instinct, son corps mis de la distance en eux. D'un pas de côté, elle se dégagea de ce contact qui, contre toute attente, lui tordait l'estomac.

Conscient du malaise qu'il venait de créer, Jason passa une main sur son visage avant de les planter dans ses poches pour reprendre de la contenance. Scrutant à son tour le paysage, il s'éclaircit la gorge.

– Tu as de bons réflexes, à ce que j'ai vu cette nuit... Déclama-t-il d'une voix monocorde, dénuée d'émotion.

Andréa ne savait pas comment interpréter ces mots. Était-ce un compliment ? Un trait d'humour ? Ou un constat froid n'attendant pas de réponse ? Malgré les muscles de ses zygomatiques lancinant sous la crispation de ses lèvres qui menaçaient de trembler et de déclencher, tel un effet domino, une déferlante de larmes et de sanglots, la jeune femme se risqua à répondre sans quitter la ville des yeux.

– La vie m'a appris pas mal de choses, et Bruce m'a bien briefé !

Elle avait tenu bon. Surprise de sa propre impassibilité, elle détendit ses lèvres pour expirer longuement en signe de soulagement. Geste qui, là encore, n'échappa pas à l'œil averti du jeune héros. Il devait briser la glace et réparer les choses, autant qu'il en fut capable.

– Pourquoi ? Pourquoi t'as déclenché le système anti-intrusion hier ? J'ai passé la nuit à veiller ton appartement au cas où la menace pointerait le bout de son nez, mais j'ai rien vu ! Je ne peux pas te protéger si tu ne m'expliques pas qui t'en veux, Andy...

Il avait pivoté d'un quart de tour, saisissant le coude d'Andréa au passage pour la contraindre à lui faire face. Aucun d'eux n'était préparé à se retrouver à nouveau plongé dans le regard de l'autre, son âme à découvert, et ils restèrent interdits quelques secondes.

Jason reprenait son air paternaliste et supérieur, et Andréa sentit la colère s'éveiller peu à peu en elle, une aura sourde qui ne demandait qu'à exploser. Pour autant, la jeune femme s'appliqua à imiter la technique de Jason, à savoir un détachement et un pragmatisme froid, pour contrôler ses sentiments.

– Tu as veillé pour rien alors, car la seule raison de mon geste, c'était toi ! Je voulais me protéger de toi, de tes reproches et de tes sermons moralisateurs à deux balles. Je n'avais pas besoin que tu me protèges, hier. J'en aurai eu besoin avant, mais j'ai appris qu'il fallait à nouveau m'en sortir seule. Parce que j'ai espéré, Jason ! J'ai espéré pendant des jours, des semaines que tu réapparaisses dans cet appartement, que tu m'aides à faire face à cette nouvelle vie qui me réjouissait autant qu'elle me terrifiait, que tu me protèges de ma solitude, de mes peurs, de mon passé qui revient encore trop souvent me hanter, mais tu n'es jamais réapparu... Tes mots "recommence sans nous", m'ont poursuivi pendant des jours, parce que je pensais, naïvement, que je parvenais à t'apporter un peu de ce que toi tu représentais pour moi. J'avais tort, je l'ai compris. Mes sentiments n'étaient pas partagés et c'est un fait qui est difficile à digérer, quand bien même cela arrive à plein de monde. Et là, tu refais surface dans ma vie et tu... Tu... Tu me balances que je suis une conne, et une salope, et...

Tome 2 _ Why did you bring a shotgun to the party?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant