Chapitre 8

43 4 7
                                    

Le repas s'était déroulé dans une ambiance paradoxale. Andréa fut sur le qui-vive du début à la fin, pesant chacune de ses réactions, pensant soigneusement chacune de ses réponses afin de satisfaire la curiosité de son interlocuteur sans trop en révéler. Malgré tout, l'ambiance était chaleureuse et conviviale. Les bougies en centre de table et la décoration boisée et élégante favorisaient la détente et l'ouverture à l'autre.

Gavin semblait un vrai gentleman, bien que son regard trahît par moments le désir brûlant qui l'animait. Pour autant, il s'était, jusque-là, contenté de banalité, tentant quelques questions personnelles de temps à autre, mais sans insister outre mesure. Après plus d'une demi-heure dans l'établissement de luxe, le vouvoiement respectueux avait même laissé place à un tutoiement amical.

– Et donc, tu finançais tes études en jouant de la musique, c'est cela ? Interrogea Gavin, entre curiosité et stupéfaction.

Andréa déglutit longuement, un peu gênée de constater que, pour les personnes comme lui, devoir travailler pour avoir accès à l'éducation semblait presque de l'ordre du mythe.

– Et bien, oui... Comme je te l'ai dit plus tôt, j'ai... Perdu mes parents, jeune, et il a fallu trouver un moyen de continuer à avancer. J'avais un talent, je l'ai exploité !

Pour réaction, il hocha faiblement la tête, un sourire doux étirant sa mâchoire parfaitement rasée.

– Je suis bouche bée. Lorsque je t'ai vu à la clinique, je me suis tout de suite dit que tu avais un truc original, mais je ne me doutais pas que tu l'étais à ce point !

– Original ? !

Andréa ne savait pas comment interpréter ce terme qui, dans son monde, portait souvent une connotation négative. Pourtant, Gavin l'avait prononcé avec un tel flegme qu'elle doutait que chez les gens riches, la définition soit la même.

– Eh bien oui, "original", car tu te distingues sans mal de toutes ces femmes qui tentent de s'uniformiser à l'image que la société impose à tout va ! Il n'a pas le même sens en français ? J'avoue ne plus le pratiquer régulièrement depuis l'obtention de mon bachelor en économie et finances, mais il me semblait pourtant que les deux langues avaient des termes similaires...

– C'est le cas ! C'est juste que... On n'avait encore jamais utilisé ce qualificatif à mon égard...

Andréa se mordit la lèvre supérieure puis détourna le regard, espérant que le serveur apporte l'addition prochainement car elle ne savait plus où se mettre. Mais Gavin intervint au moment le plus opportun pour dérider la conversation.

– Et donc, tu semblais déjà connaître les lieux... Pardonne mon audace mais, je n'imaginais pas que le maigre revenu que l'on verse au personnel soignant, qui mérite bien plus bien entendu, permette de s'offrir des lasagnes à 65 $ la part à tous les repas !

La jeune femme haussa un sourcil, prenant un air faussement outré avant de lui répondre avec toute la classe possible.

– Eh bien, sachez mon cher, que vous n'êtes pas le premier homme à m'inviter ici. Mon copain... Enfin mon... Ex-copain était un des fils adoptifs de Bruce Wayne, et il avait déjà commandé ici. Mais nous avions mangé chez lui, donc je ne connaissais pas le cadre chaleureux de ce restaurant, donc j'ai tout de même fait une belle découverte ce soir. Merci !

Gavin, les yeux dans la vague, accusait l'information tout en prenant une grande gorgée de vin rouge pour se donner de la contenance.

– Et donc ton ancien compagnon n'a jamais souligné ton originalité ? C'est probablement qu'il ne méritait pas de la découvrir ! Personnellement, je suis persuadé que tu as de très nombreux talents, et je suis prêt à partir à l'aventure pour les découvrir.

Tome 2 _ Why did you bring a shotgun to the party?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant