chapitre 1

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Anna

La vie c'est vraiment de la merde.
Je sais pas ce que j'ai fait dans mes vies antérieures pour mériter tout ce qui m'arrive dans celle-ci, mais j'espère qu'avec ce qui m'est arrivé, cette fois-ci, ma dette est expiée.

Je sais même pas si j'ai été tueur en série, inventeur de la bombe atomique, dictateur sanguinaire...ou pire ! Mais en tout cas le karma a décidé que sur cette incarnation il était temps de se charger de mon cas.

Vous connaissez l'expression " la roue finit toujours par tourner" ? Bin dans mon cas elle a décidé de tourner à ma naissance.
Non non, ne croyez pas que j'exagère ou que je fais mon Calimero ! Vraiment, les bonnes fées qui se sont penchées sur mon berceau se sont vraiment dit " toi, ta gueule elle nous revient pas, ça va être drôle de te voir en chier" , et hop ! C'est pas une bénédiction qu'elles m'ont offert, mais une malédiction.

Suffit déjà de voir dans quelle famille j'ai atterri...
Mon père, alcoolique au dernier degré, junkie, et violent lorsqu'il avait pas son compte. Pas capable d'assurer dans le moindre boulot, et donc de ramener à manger à la maison.
Ma mère, aussi junkie que lui qui a pensé que gagner de l'argent en écartant les cuisses serait une bonne idée.
Une maison, enfin si on peut donner ce nom au taudis dans lequel on habitait, située dans les pires quartiers de la ville...
Je me demande encore comment ils ont réussi à me faire survivre...

Un jour, des braves gens m'ont trouvée, errant seule dans la rue, j'avais à peine 20 mois...
Ils ont appelés les flics, qui en enquêtant auprès des commerçants du coin, se sont vaguement rappelés de mes parents me transportant avec eux parfois.
Ils ont fini par les trouver, morts depuis deux jours d'une overdose.

Les services sociaux m'ont pris en charge. Ils n'ont bien sûr trouvé aucun membre de ma famille prêt à m'accueillir, et j'ai fini en famille d'accueil.

J'ai un souvenir très flou de mes premières années.
Je me souviens juste d'une maison où pendant deux ans, j'ai cru avoir trouvé un vrai foyer.
Le couple qui m'accueillait était très gentil. La femme était une ancienne danseuse de ballet, l'homme un professeur de musique.
Pendant deux ans ils m'ont fait découvrir et apprécier leurs passions au point que j'ai décidé : un jour, moi aussi je serai une grande danseuse !
Et j'étais douée, vraiment douée d'après mes professeurs.

Mais deux ans, c'était le maximum de bonheur auquel je devais avoir droit sûrement... En rentrant d'une soirée pour laquelle il m'avaient confié à une baby-sitter, le gentil couple a eu un accident...mortel bien sûr.
Du coup je suis retournée dans le système, et cette fois ci, c'est les foyers d'accueils qui m'attendaient. Pas de place en famille soit-disant.
Dans mon malheur les éducateurs m'ont laissé continuer à prendre des cours de danse.
Tout le temps que je passais en studio c'était autant de temps où ils avaient pas besoin de s'occuper de moi...

J'ai donc passé des heures, des jours, des mois, puis des années à user les parquets des studios de danse.
C'était ma seule chance d'avoir un jour une vie que j'espérais meilleure.

Et puis l'anniversaire de mes 18 ans est arrivé.

Là on m'a dit : "tu es majeure, tu ne peux plus rester au foyer. Tu as droit à une petite allocation pour t'aider à te loger pendant un an, ça te permettra de te laisser un peu de temps pour trouver un travail. Mais ne te leurre pas, tu auras à peine suffisamment pour le logement et de quoi te nourrir si tu fais attention. Il faudra réduire sur tes loisirs, tu n'auras plus les moyens."

Mes loisirs ?? La danse un loisir ?? La seule chose qui me permettait de garder un espoir dans cette vie de merde, un loisir ??

J'ai donc pris mes cliques et mes claques et j'ai quitté le foyer.
Je me suis pris un minuscule appartement, oui 20m2 que personne n'essaye de me faire croire que c'est autre chose que minuscule,
Mais c'était pas cher et me laissait de quoi survivre à côté.

Je me suis rapidement mise en quête d'un job, mais en sortant à peine du lycée avec pour seule qualification, celle de savoir bouger mon corps, les perspectives d'emploi étaient limitées.
Certaines filles "bien intentionnées" de mon cours de danse m'avaient suggéré qu'avec le corps que j'avais, je pourrais devenir " danseuse exotique". Ouais stripteaseuse quoi.

Mais dès la porte du premier club dans lequel j'ai osé mettre les pieds, passée, j'ai su que j'en serai incapable.
Entre l'odeur ambiante, d'alcool de mauvaise qualité, de sueur et de sexe, et la vue d'une dizaine d'hommes gras, chauves, à l'oeil vitreux, se masturbant sans gêne devant une pauvre fille squelettique se trémoussant devant eux, j'ai fait demi-tour.

Non , jamais je ne pourrais faire ça, a moins de souhaiter finir comme mes parents...

Dans mon désespoir suite à cette perspective, je n'ai pas vraiment regardé où j'allais, et je suis rentrée de plein fouet dans une jeune femme qui arrivait en face de moi.
Sous le choc, nous avons toutes le deux fini le cul par terre.
Heureusement, rien de grave.
On s'est aidées mutuellement à se relever, et je me suis platement excusée pour mon inattention.
La nana a bien vu que j'étais pas dans mon assiette. Et m'a demandé si j'allais bien, car j'en avais pas l'air.
J'ai relevé les yeux vers elle, et j'ai vu...un ange.

Celle qui allait me sauver. Elle s'appelait Meli.
Elle m'a proposé d'aller boire un truc de chaud pour nous remettre de nos émotions fortes.
Elle m'a emmené dans son café, et on s'est raconté nos vies.
Deux vies bien différents, mais au final deux enfances gâchées par de parents égoïstes.

Meli m'a alors proposé de bosser pour elle. Salaire correct, horaires souples, bonne mutuelle, une seule obligation : poursuivre mon rêve de devenir danseuse.
Elle voulait m'offrir un avenir, puisque la mort de ses parents avait été la seule chance de s'en offrir un de son choix à elle-même.

J'ai accepté, n'ayant pas grand chose à perdre.
J'ai appris par la suite que toutes les personne avec qui je bossais étaient aussi des oiseaux tombés du nid qu'elle avait pris sous son aile.

13 mois que je travaillais pour Meli quand une occasion s'est présentée devant moi : une grande compagnie de New York faisait passer des auditions pour trouver de nouvelles danseuses.
J'ai travaillé comme une dingue pendant les semaines précédant l'audition. Je n'ai pas compté les heures, quitte à manquer de sommeil.
Des chances comme celle-ci ne se présentaient pas souvent, il ne fallait pas la laisser passer.

Quand j'ai pris la route, direction l'aéroport, dans ma vieille voiture pourrie, j'étais gonflée à bloc !
Il était 4h00 du matin. J'avais une heure de conduite, et je voulais être sûre d'arriver à temps pour prendre mon avion qui décollait à huit heures.

Et...je suis là, trois semaines plus tard, perchée sur un toit, des béquilles posées à côté de moi, les pieds dans le vide, à me lamenter sur mon sort...
Enfin les pieds... Je devrais dire LE pied pour être exacte...

Et oui, chat noir, le retour de karma a encore frappé, je ne suis jamais arrivée à l'aéroport, et dans l'histoire j'ai tout perdu : un pied, mon espoir d'avenir, ma beauté...
Je suis amputée, balafrée...

La seule question que je me pose, c'est qu'est-ce qui me retient...

Warriors Of Nightmare : Money Où les histoires vivent. Découvrez maintenant